les monstres

16 3 1
                                    

Si je pouvais m’asseoir, là, face à moi, 
À six ans, avec ses yeux remplis de pourquoi, 
Je lui dirais doucement, comme un murmure, 
Que ses peurs, parfois, ont leur part d’obscur. 

Je lui dirais, "Tu avais raison, mon cœur, 
Les monstres existent, cachés en chaleur. 
Mais ils ne sont pas grands, terrifiants, féroces, 
Ils ne vivent ni sous ton lit, ni dans la fosse." 

"Ne crains pas l’armoire, ni le noir des nuits, 
Les monstres, en fait, ont des sourires polis. 
Ils marchent près de toi, des visages doux, 
Des voix rassurantes, et des mots flous." 

"Parfois, le monstre, c’est celui qui promet 
De te protéger quand le monde est complet. 
Parfois, c’est un garçon aux yeux clairs, 
Une main amicale, un sourire amer." 

Et si, à cette table, l’enfant me regarde, 
Si elle voit mes yeux, ma voix qui tarde, 
Je retiendrais les larmes, et le cri sourd, 
Pour lui offrir l’innocence, juste un jour. 

Alors, je mentirais, juste un peu, tout bas, 
Pour lui donner encore quelques éclats, 
En disant que les monstres, oui, sont cachés, 
Qu’ils vivent sous le lit, bien dissimulés. 

Je tairais ce que l’avenir nous apprend, 
Qu’il faut parfois craindre les sourires, les gants. 
Elle n’aura pas besoin de savoir tout cela, 
Je protégerais son monde, cette fois-là. 

Et en serrant sa petite main, moi, plus forte, 
Je lui dirais d’aimer, de franchir la porte. 
Car l’enfant que j’étais, fragile et sincère, 
Mérite de croire, encore, en la lumière.

Poemes <3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant