Nuit agitée

22 2 0
                                    

Eleanor retourne à la petite case traditionnelle qu'on lui a attribuée pour le séjour. La structure, simple mais chaleureuse, est construite en bois et en feuilles de pandanus, et le bruit des vagues qui se brisent au loin accompagne le chant discret des insectes nocturnes.

Elle allume une petite lampe à huile posée sur une table basse et s'assied sur le lit recouvert d'un fin drap en coton. Mais malgré la fatigue de la journée, elle sait qu'elle ne pourra pas dormir. Son esprit est trop agité, rempli d'images et de sensations qu'elle n'arrive pas à apaiser.

Sur un coin du lit repose son journal de voyage, un carnet usé où elle consigne ses pensées, ses découvertes et parfois, ses peurs. Elle le prend, ouvre une page vierge, et commence à écrire, son écriture hésitante au début, puis plus fluide à mesure que les mots coulent.

« Ce soir, j'ai vu des choses qui resteront gravées en moi pour toujours. Ce village, ces traditions, cette force brute mêlée de beauté... Tout cela dépasse tout ce que j'ai connu. Mais ce n'est pas seulement ça. Il y a lui. Raiatea. »

Elle pose son stylo un instant, ses mains tremblant légèrement. Rien que d'écrire son nom lui donne une étrange sensation, comme si elle transgressait une limite invisible.

« Quand je l'ai vu danser, j'ai compris qu'il n'était pas comme les autres. Chaque mouvement, chaque regard qu'il lançait semblait chargé de quelque chose de plus grand. Une fierté ancestrale, un lien avec cette terre que je ne comprendrai jamais vraiment. Et pourtant, j'ai l'impression qu'il me voit. Pas juste comme une étrangère ou une exploratrice, mais comme quelqu'un d'autre... quelqu'un que je ne suis peut-être pas encore. »

Elle soupire, se passant une main dans les cheveux, tentant de calmer son esprit. Mais une autre image revient, encore et encore : celle de Raiatea au lac.

Eleanor se surprend à fermer les yeux, et soudain elle est à nouveau dans cette forêt, le cœur battant, cachée derrière un arbre, observant cette scène presque irréelle. L'eau scintillait sous la lumière du soleil, et Raiatea, debout au bord du lac, essorait ses cheveux, laissant les gouttes glisser le long de son torse sculpté.

Elle se souvient des tatouages qui semblaient prendre vie avec chaque mouvement de ses muscles : des motifs complexes représentant l'océan, des tortues, et des lignes géométriques symbolisant la force et l'équilibre. Ces tatouages n'étaient pas seulement beaux, ils portaient une histoire, une identité. Et cette identité, elle en était étrangement fascinée, presque jalouse.

Elle écrit d'une main tremblante :
« Il sait. Il sait que je n'arrive pas à oublier. Il sait que cette image me hante, que son corps, ses tatouages, tout en lui, résonne comme une énigme que je veux déchiffrer. Ce n'est pas juste une attirance. C'est plus profond. C'est comme s'il représentait tout ce que je cherche sans le savoir. Une liberté, une connexion, un ancrage dans quelque chose de réel et d'authentique. »

Elle referme brusquement le journal et le pose sur la table. Ses pensées sont trop désordonnées, trop intenses. Comment peut-elle être si captivée par quelqu'un qu'elle connaît à peine ? Et pire encore, comment peut-elle ressentir cela ici, dans ce lieu où elle est supposée se concentrer sur sa mission, sur les traditions, sur l'histoire ?

Elle se lève, tourne en rond dans la petite case, ses pieds nus frôlant le sol de bambou. Le bruit des vagues, si apaisant quelques heures plus tôt, semble maintenant agiter davantage son esprit.

Elle murmure à voix basse
« Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? »

Mais au fond, elle sait que ce n'est pas seulement la beauté de Raiatea qui la trouble. C'est son assurance tranquille, cette manière qu'il a de la regarder comme s'il pouvait lire chaque secret qu'elle tente de cacher. Et cette question qu'il lui a posée, sur les marques de son âme... Elle n'arrive pas à s'en détacher.

Eleanor retourne s'asseoir sur son lit, le regard fixé sur la lampe à huile. Elle veut dormir, mais chaque fois qu'elle ferme les yeux, elle revoit son sourire en coin, ses mots empreints de défi, et cette étrange alchimie entre eux.

Elle se surprend à poser une main sur son propre bras, comme si elle cherchait à calmer les frissons qui la parcourent.

*« Ce n'est pas seulement son physique », se dit-elle. « C'est ce qu'il représente. Une force que je ne comprends pas encore, mais que je veux toucher. »

Elle finit par s'allonger, mais elle ne trouve pas le sommeil. La nuit lui semble interminable, chaque bruit du vent ou des vagues amplifiant son agitation. Elle ferme les yeux, mais au lieu de sombrer dans le sommeil, elle imagine Raiatea, son regard intense, son sourire moqueur, et cette façon qu'il a de toujours sembler un pas devant elle.

Dans un murmure presque inaudible, elle laisse échapper :
« Qu'est-ce que tu as fait de moi, Raiatea ? »

Et ainsi, Eleanor passe une nuit sans repos, tiraillée entre la fascination qu'il exerce sur elle et la peur de perdre pied face à cette attraction irrésistible.

Lien Éternel Où les histoires vivent. Découvrez maintenant