Sous le chaos laissé par l'assaut de Hardwick, Raiatea intima un ordre clair : les survivants devaient se retirer vers le cœur de la forêt, là où se trouvaient les grottes sacrées. Ces lieux, empreints de spiritualité, offraient non seulement un refuge physique, mais aussi un sanctuaire pour apaiser leurs âmes tourmentées.
Alors que les guerriers et les villageois entamaient leur marche silencieuse, Les survivants se mirent en route, certains portant les blessés sur des civières de fortune, d'autres aidant les plus jeunes et les plus faibles à avancer. Mais Raiatea resta en arrière, seul, devant un monticule de terre fraîchement retournée. Il posa un genou à terre, les doigts tremblants, et murmura une prière pour les âmes de ceux qu'ils avaient enterrés, ses frères, ses compagnons... et son père. La perte de ce dernier était une douleur sourde, omniprésente, une blessure qu'aucune prière ne pouvait apaiser. Pourtant, il ne pouvait fléchir. Son peuple avait besoin de lui, même si les traditions n'avaient pas été respectées. Il aurait dû être intronisé dans un rite sacré, recevoir les bénédictions des anciens. Mais ici, sous un ciel assombri par la guerre, c'était une toute autre réalité qui s'imposait. Ce n'était pas ainsi qu'il avait imaginé prendre la tête de son peuple. Mais la nécessité dictait son devoir.
Après plusieurs jours de marche, épuisés mais déterminés, ils atteignirent enfin l'entrée des grottes sacrées. Ces grottes étaient légendaires dans les récits de leurs ancêtres : des sanctuaires intouchés où la nature se mêlait au sacré . Une jeune prêtresse, Lao, encore en deuil, se dressa devant eux. Son regard portait à la fois la douleur de la perte et la gravité de son nouveau rôle. Elle leva les mains vers le ciel, psalmodiant une prière dans leur langue ancestrale. Ses paroles, semblables à un chant, semblaient vibrer avec les rochers autour d'eux. Elle bénit leur arrivée, proclamant ces grottes comme leur nouvelle demeure. Ce moment, bien que chargé de tristesse, résonnait comme une promesse de renaissance.
Lorsqu'ils pénétrèrent dans les grottes, une vision incroyable s'offrit à eux. La grotte s'ouvrait sur un monde souterrain à couper le souffle, un véritable paradis caché sous la surface. Des lianes verdoyantes retombaient en cascade des parois, tandis que des plantes aux feuillages scintillants parsemaient le sol, illuminées par une douce lumière filtrant à travers des fissures rocheuses. Des ruisseaux cristallins serpentaient parmi des rochers tapissés de mousse, et leurs murmures se mêlaient au chant d'oiseaux inconnus et au bruissement d'ailes de papillons colorés. La végétation semblait vibrer d'une énergie ancienne, sauvage et bienveillante, comme si la nature elle-même accueillait les survivants dans son étreinte protectrice.
Les femmes du groupe ne perdirent pas de temps. Certaines se mirent à cueillir les plantes médicinales qui poussaient en abondance, broyant les feuilles pour fabriquer des cataplasmes et apaiser les blessures des guerriers. D'autres organisaient les provisions, nettoyaient des zones et préparaient des espaces de repos. Leur efficacité témoignait de leur détermination à survivre, à rebâtir. L'air s'imprégnait de l'odeur apaisante des herbes broyées.
Alors que Raiatea contemplait cette activité, la concubine enceinte de son défunt père, Tamoa, s'approcha lentement de lui. Sa silhouette droite et digne, malgré la fatigue et le poids de sa grossesse, témoignait de sa force intérieure. Son regard chercha celui de Raiatea, y lisant à la fois la gravité de la situation et la promesse de l'espoir.
« Quels sont tes ordres ? »
Raiatea soutint son regard. Dans ce moment, il sut qu'il n'était plus seulement un jeune homme, mais le guide de ces âmes fatiguées. Il inspira profondément avant de répondre, sa voix résonnant avec une assurance qu'il ne pensait pas posséder.
« Aujourd'hui, nous nous reposons. Demain, nous explorerons la grotte en profondeur et commencerons à bâtir des abris. Nous devons transformer cet endroit en un foyer, pour nous et pour les générations à venir. »
Un murmure d'approbation parcourut l'assemblée. L'espoir renaissait dans ce sanctuaire, où même au milieu des épreuves, la nature semblait leur promettre un nouveau départ. Les regards fatigués, qui quelques heures plus tôt étaient empreints de désespoir, semblaient maintenant s'éclairer.
Les grottes sacrées étaient sombres et fraîches, mais elles offraient une protection inestimable pour Raiatea et les quelques survivants qui avaient pu échapper au massacre orchestré par Hardwick et ses mercenaires. Les jours s'étaient transformés en semaines, ponctués par le silence lourd des pertes et l'écho des prières murmurées pour les âmes des disparus. Mais sous la surface, une détermination féroce naissait, brûlant dans le cœur de Raiatea. Il savait qu'il ne pouvait pas rester caché indéfiniment.
Un matin, alors que la lumière douce de l'aube se glissait dans les grottes par une fine ouverture, Raiatea convoqua les guerriers survivants. Son regard était dur, ses traits marqués par l'épuisement, mais son esprit restait indomptable.
"Nous ne pouvons pas pleurer nos morts plus longtemps sans agir. Notre île, notre foyer, ne doit pas devenir un terrain pour ces étrangers. Nous allons nous battre. Et pour cela, nous avons besoin de renforts."
Raiatea envoya des messagers fidèles, à pied ou en pirogue, vers les villages voisins et les îles alliées. Chaque messager portait un symbole sacré, une plume blanche liée à une pierre noire gravée d'un motif tribal, signe d'une demande d'aide en temps de guerre. "Dites-leur que le peuple de Tamoa réclame leur soutien. Pas pour moi, mais pour préserver nos traditions, notre liberté, et notre sang."
Les jours suivants furent remplis d'attente, mais aussi de préparation. Les guerriers rassemblaient leurs forces, aiguisant leurs lames et façonnant des pointes de lance. Les femmes apportaient des provisions, préparant des remèdes pour les blessures à venir, tandis que d'autres récitaient des prières pour la victoire.
Des pirogues commencèrent à arriver depuis les îles voisines. Les chefs alliés descendaient sur la rive, leurs guerriers derrière eux, leurs armes brillantes sous le soleil. Chaque arrivée renforçait non seulement leur nombre, mais aussi leur moral. Les chefs venaient non par obligation, mais par loyauté envers Raiatea et par amour pour leur terre.
Dans les profondeurs des grottes, Raiatea et les chefs alliés s'assirent en cercle autour d'un feu, discutant des tactiques à adopter.
"Nous ne pouvons pas les affronter directement," déclara Raiatea en observant une carte de l'île dessinée sur du tissu.
"Ils sont mieux armés que nous, et leurs mercenaires sont des hommes sans honneur. Mais ils ne connaissent pas notre terre comme nous la connaissons."
Ils élaborèrent un plan basé sur la ruse et la connaissance du terrain
Des embuscades dans les forêts et les sentiers escarpés, utilisant les pièges naturels de l'île pour affaiblir les mercenaires.
Des raids nocturnes, perturbant les camps des hommes blancs pour semer la panique et réduire leur nombre.
Une attaque principale coordonnée, visant à reprendre le village central et le lieu sacré, où Hardwick avait établi son quartier général.Les chefs étaient tous d'accord : la patience serait leur meilleure arme. "Nous frapperons quand ils seront faibles, quand leur vigilance faiblira," conclut Raiatea.
Pendant ce temps, des éclaireurs surveillaient les mouvements des mercenaires. Ils rapportaient que Hardwick consolidait son pouvoir, installant des postes de garde autour des villages et forçant les survivants à travailler pour lui. Mais l'arrogance des étrangers jouait en faveur de Raiatea. Ils ne se méfiaient pas assez, croyant avoir brisé la volonté des habitants de l'île.
Chaque rapport renforçait la détermination de Raiatea. Il ne s'agissait plus seulement de reprendre son rôle de chef, mais de venger son peuple. Chaque homme, chaque femme tombé sous l'épée des mercenaires devenait une flamme alimentant le feu de sa vengeance.
Les guerriers passaient leurs journées à s'entraîner, à peaufiner leurs armes et à mémoriser les plans d'attaque. Chaque soir, autour du feu, Raiatea adressait des mots de courage et d'espoir à ses hommes.
"Ils ont peut-être pris nos maisons, mais ils n'ont pas pris notre esprit. Nous sommes toujours debout. Et bientôt, ils sauront ce que cela signifie."
La tension montait dans les grottes. Chaque bruit de pas ou chaque ombre éveillait les sens, mais tout le monde savait que le moment venu, ils frapperaient avec une force implacable. Raiatea et son peuple attendaient le bon moment pour écrire une nouvelle page de leur histoire, faite de courage, de stratégie, et de justice.
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Lien Éternel
Historical Fiction"Lien Éternel " raconte l'histoire d'Eleanor, une jeune exploratrice qui débarque en Polynésie avec son équipe pour étudier la culture locale et découvrir les secrets cachés de l'île. Lors de son séjour, elle rencontre Raiatea, le fils du chef du vi...