Un ventre sacré

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Matui traversa le village d'un pas rapide, son visage marqué par une satisfaction non dissimulée. Le vieux conseiller se dirigeait vers la hutte de sa fille, Naria, le cœur empli de fierté. La décision de Raiatea, son Te Arii Tumu, avait non seulement légitimé sa vision, mais allait enfin restaurer le statut que sa lignée méritait. Il écarta les rideaux de la hutte et trouva Naria en train de tresser des nattes de pandanus.

"Naria, lève-toi, ma fille. Les dieux ont exaucé nos prières. Tu vas enfin retrouver ta place auprès de Raiatea."

Naria resta un instant figée, incapable de réagir. Puis, réalisant la portée des paroles de son père, elle laissa échapper un rire joyeux et se leva brusquement.

"Vraiment, Père ? Les dieux m'ont entendu ?"

"Oui." répondit-il avec un sourire plein de fierté.

"Prépare-toi, ce soir, une cérémonie sera organisée pour bénir ton ventre, et tu passeras la nuit avec lui."

Les larmes de joie montèrent aux yeux de Naria. Elle s'agenouilla devant son autel familial, remerciant les dieux en chantant un hymne ancien. Sa voix douce mais puissante s'éleva dans l'air, résonnant comme une offrande spirituelle. Elle se releva ensuite, le regard empli d'une détermination nouvelle. Elle allait prouver qu'elle était celle que Raiatea méritait.

Avec soin, Naria se para de ses plus beaux atours. Elle choisit une robe blanche immaculée, symbole de pureté et de renouveau, qui épousait ses courbes gracieuses. Elle laissa ses longs cheveux noirs retomber en cascade brillante jusqu'à ses hanches, y glissant quelques fleurs de tiaré. À ses chevilles, elle noua des coquillages tintants, et autour de sa taille, elle fixa une ceinture de perles blanches qui accentuait sa silhouette élancée. Avant de quitter la hutte, elle appliqua de l'huile de monoï sur sa peau, son parfum exotique enveloppant son être. Elle se contemplait dans un miroir d'eau, convaincue qu'elle incarnait la perfection qu'un chef comme Raiatea méritait.

Escortée par Matui, elle marcha fièrement jusqu'à la chefferie. Les villageois s'étaient rassemblés, formant un cercle respectueux autour de l'espace cérémonial. Lorsque Naria entra, le murmure d'admiration se propagea parmi l'assemblée. Mais elle ne voyait que lui. Raiatea se tenait là, imposant, dans sa tenue traditionnelle ornée de symboles de son statut. Sa puissance et son aura dominante la firent frissonner.

Elle se dit intérieurement : C'est lui, mon destin. Tout ce que j'ai toujours voulu, c'est lui appartenir. Je serai à ses pieds, sa vraie femme, celle qui portera ses enfants.

Le vieux prêtre, vêtu de ses habits rituels, entama une prière solennelle. Les flûtes et les tambours accompagnaient ses invocations. L'ambiance était sacrée, le moment empreint de gravité. Puis, Eleanor fit son apparition.

La Vahine Arii, elle aussi, était magnifique, parée d'une tenue de mariage somptueuse, symbole de son rang et de son union avec le chef. Les murmures s'apaisèrent, et tous retinrent leur souffle lorsqu'elle s'avança pour prendre place à côté de Raiatea. Il tourna la tête vers elle, et bien qu'il fût surpris de la voir ainsi, il lui adressa un regard doux, presque tendre. Eleanor ne broncha pas, son visage impassible trahissant l'effort qu'elle déployait pour dissimuler sa douleur.

La cérémonie avança, chaque étape marquant l'officialisation du rôle de Naria en tant que concubine. Enfin, ce fut au tour d'Eleanor de parler. Elle s'approcha lentement de Naria, un sourire glacial sur les lèvres. Sa voix, bien qu'adoucie par la politesse, portait un tranchant indéniable

"Je t'accepte comme distraction pour mon mari et te souhaite de rapidement me donner un enfant... avant qu'il ne t'use en se défoulant sur toi."

Le silence tomba, lourd et étouffant. Les visages dans l'assemblée se figèrent de stupeur. Personne n'osait réagir, pas même Matui, dont le visage était devenu livide.

Mais Raiatea, lui, ne sembla pas troublé. Au contraire, un sourire imperceptible flotta sur ses lèvres. Il connaissait l'âme d'Eleanor mieux que quiconque. Son tempérament fougueux, cette passion brute qu'elle portait en elle, étaient précisément ce qui l'avait toujours attiré. Elle était différente, et cette différence le fascinait encore.

Le prêtre conclut rapidement la cérémonie, apaisant l'atmosphère par ses bénédictions finales. Lorsque tout fut terminé, Naria s'approcha timidement de Raiatea, attendant qu'il la conduise dans leur nouvelle hutte, mais il détourna les yeux, fixant Eleanor qui s'éloignait déjà, la tête haute.

Cette nuit allait marquer un tournant décisif dans leurs vies. Mais, dans le cœur d'Eleanor, un feu brûlait, un feu qui refusait de s'éteindre, malgré les épreuves qui s'amoncelaient.

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