Confrontation

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Raiatea, après avoir raccompagné Eleanor à sa case pour qu'elle se change avant le repas reparti vers la sienne. Alors qu'il s'éloignait, William Hardwick observait attentivement, profitant de l'absence du jeune homme pour s'approcher de la case d'Eleanor.

Elle s'était changée avec soin, revêtant une simple robe en tissu léger qui épousait ses formes, mais aussi d'une manière presque instinctive, elle avait voulu paraître digne des émotions et de l'intensité qu'elle avait vécues avec Raiatea.

Un coup sec dans ses mains signala sa présence. Eleanor, pensant qu'il s'agissait de l'une des femmes du village, autorisa son entrée sans méfiance. Lorsqu'il passa le seuil, son visage dur et ses yeux glacials trahirent ses intentions.

L'homme se présenta dans l'ombre de l'embrasure de la porte, et son regard glissa sur elle comme un poison. Elle sentit une tension immédiate, comme un inconfort qui se propageait. Il la dévisageait avec insistance, mais il y avait quelque chose dans ses yeux qui la perturbait plus que tout le reste : la condescendance, le mépris.

« Eleanor, je ne vais pas y aller par quatre chemins, commença-t-il d'une voix tendue. Ce que tu fais... ton comportement avec ce... sauvage, est inadmissible. »

Eleanor fronça les sourcils, surprise par la dureté de ses propos. Elle tenta de répondre, mais il leva une main, l'interrompant.

« Tu es brillante, Eleanor, exceptionnelle même. Une femme de ta trempe n'a rien à faire ici, à t'égarer pour un indigène. Tu crois vraiment qu'il est digne de toi ? Que cet homme tatoué, primitif, a quelque chose à t'apporter ?»

Il s'avança, son ton devenant plus menaçant.

« Ces gens, ces traditions, ce village... tout cela n'a aucune valeur. Ce sont des reliques du passé, des obstacles au progrès. Et toi, tu fais partie de ce progrès, Eleanor. Pas de leur monde.»

Eleanor, les poings serrés, sentit une colère monter en elle. Mais avant qu'elle ne puisse répliquer, il se pencha légèrement vers elle, la regardant avec une intensité troublante.

« Je t'ai donné une chance, Eleanor. Je t'ai ouvert les portes d'un monde que peu de femmes de ton rang peuvent espérer toucher. Et toi, tu me tournes le dos pour... ça ?»

Le mépris dans sa voix était palpable. Pourtant, au-delà de la colère et de la jalousie, Eleanor perçut quelque chose de plus sombre : une obsession mal dissimulée.

« William, commença-t-elle avec douceur , je suis ici pour découvrir, pour apprendre. Si cela inclut de m'ouvrir à cette culture, à ces gens, alors je le ferai.»

« Alors, c'est ici que nous en sommes, Eleanor... T'en es arrivée à te donner à ce sauvage ? Ce n'était pas pour ça que tu es venue ici. Ce n'est pas pour ça que je t'ai emmenée, pour que tu te perdes dans de tels délires. Tu es encore mineure, et tu es sous ma responsabilité, tu m'entends ? »

Il s'approcha d'elle d'un pas décidé, la menaçant presque par sa stature imposante, mais ce n'était pas seulement son physique qu'elle ressentait comme une agression, mais aussi cette tension étouffante dans ses mots. Elle déglutit, essayant de cacher son malaise, mais Hardwick ne laissait aucune place à l'évasion.

« Tu appartiens à nous, à notre culture, aux hommes de ton propre sang, de ton propre pays. Ce n'est pas à un homme comme lui, un... sauvage, de t'approcher. Il ne te mérite pas. Et si tu continues à te laisser distraire, ce voyage sera écourté, Eleanor. Tu te rends compte ? Tu pourrais ramener une maladie sexuellement transmissible dans ton pays, de là où tu viens... C'est comme ça que ton peuple veut te voir, perdue dans l'inconnu, avec des hommes de cette sorte ? »

Eleanor sentit son cœur s'emballer, et une vague de colère froide se leva en elle. Il osait parler ainsi de Raiatea. Cet homme qui, elle en était maintenant certaine, était bien plus que l'idiot qu'il pensait. Raiatea n'était pas un sauvage, il était la part la plus pure d'elle-même, un amour plus profond que tout ce qu'elle avait jamais connu. Mais la manière dont Hardwick s'adressait à lui, comme s'il n'était qu'un animal, un objet, fit naître en elle un sentiment de révolte. Elle avait l'impression de ne plus contrôler sa respiration, de se voir prise entre deux mondes, mais cette fois-ci, elle refuserait de rester silencieuse.

« Ne... Ne parlez pas de lui comme ça, Hardwick. Il est plus que tout ce que vous êtes... Il n'est pas ce que vous croyez. »

Hardwick haussait les sourcils, visiblement choqué par sa réponse, et un rictus méprisant se dessina sur son visage. Il s'avança encore, comme s'il ne comprenait pas pourquoi elle osait lui tenir tête.

« Ce que tu ressens pour lui n'est qu'une illusion, Eleanor. Et tu le sais au fond de toi. Ce genre d'attachement n'est pas fait pour une femme comme toi. Tu n'es qu'une petite fille qui rêve. Laisse ça derrière toi. »

Il s'approcha à nouveau, mais cette fois, elle n'était plus la même. Le sentiment de révolte grandissait dans sa poitrine, et elle se redressa, affirmant sa position. Il n'avait pas le droit de lui parler de cette façon. Elle n'était pas une simple mineure. Elle n'était pas la propriété de qui que ce soit.

Elle s'éloigna lentement, gardant ses yeux fixés sur lui, ne supportant plus sa présence.

« J'ai vu quelque chose que vous ne pouvez pas comprendre. Vous êtes incapable de voir ce lien, ce que Raiatea et moi ressentons. C'est au-delà de vos petites croyances. Vous pouvez me juger tout ce que vous voulez, mais rien de ce que vous dites ne m'atteint. »

Sur ces mots, elle tourna le dos à Hardwick, partant à la recherche de la sortie. Mais avant de partir, elle se tourna une dernière fois pour lui adresser un regard glacé, sa voix douce mais remplie de résolution.

« Je ne vous appartient pas. Et je ne vous laisserai pas m'enlever ce qui est le plus précieux pour moi. »

Hardwick, sous l'effet de la surprise, resta figé un instant, son poing serré. Mais Eleanor ne le remarqua pas. Elle s'éloigna, pleine de fierté, prête à retrouver Raiatea et à comprendre ce lien qui la dévorait.

Eleanor sort de la case pour rejoindre le banquet tremblante, non de peur, mais d'une fureur qu'elle n'avait encore jamais ressentie. Ses paroles résonnaient en elle, mais plus que tout, elle sentait un besoin brûlant de prouver qu'il avait tort.

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