Les cicatrices du passé

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La lune brillait haut dans le ciel, et l'air était lourd de silence. Assise dans sa case, Naria jouait distraitement avec un vieux bracelet d'os gravé, l'un des rares souvenirs tangibles de son enfance. Ses doigts caressaient la surface rugueuse du bijou, tandis que son esprit vagabondait dans les méandres de son passé.

Elle n'avait pas pensé à cet épisode depuis des années. Mais maintenant que tout semblait s'effondrer autour d'elle - l'amour de Raiatea, la pression de son père - les souvenirs refaisaient surface avec une clarté douloureuse.

Elle avait neuf ans ce jour-là, et pourtant, chaque détail lui semblait gravé dans sa mémoire comme un tatouage.

Le soleil se couchait derrière les montagnes lorsque Matui l'avait appelée. Son père, grand et imposant, avait ce regard perçant qui glaçait même les guerriers les plus aguerris. Elle avait accouru, les pieds nus effleurant la terre battue, le cœur battant d'anticipation.

« Naria, approche. Ce soir, tu vas montrer à tout le village que tu es digne d'être ma fille. »

Elle avait à peine eu le temps de répondre qu'il l'avait conduite devant un cercle d'anciens rassemblés autour d'un feu crépitant. Le tapis de pierres chauffées luisait dans la lumière vacillante, un chemin de braises rouges, prêt à tester son courage.


« Si tu es forte, les dieux te béniront et ton peuple te respectera. Si tu échoues... »

Il n'avait pas fini sa phrase, mais le regard lourd de jugement des villageois avait tout dit.

« Père... est-ce que je dois vraiment... ? »

Son père ne lui avait pas accordé un seul geste de tendresse. Il s'était contenté de la fixer avec froideur.

« Les faibles n'ont pas leur place dans notre lignée. Marche. »

La peur avait noué sa gorge, mais elle n'avait pas osé désobéir. Alors, les poings serrés, elle s'était avancée vers les pierres incandescentes.

Le premier pas avait été une torture. La chaleur brûlait sa peau, lui arrachant un cri qu'elle tenta d'étouffer. Chaque pas était une épreuve, chaque souffle un combat. Les larmes coulaient librement sur ses joues, mais elle continuait, vacillante, sous les regards moqueurs de certains villageois.

Un homme dans la foule:
« Elle ne tiendra pas. Elle n'est qu'une enfant, après tout. »

Ces mots lui transpercèrent le cœur plus que la douleur des braises. Elle avançait pour prouver qu'ils avaient tort, pour prouver à son père qu'elle méritait son nom. Mais à mi-chemin, ses jambes la trahirent. Elle s'effondra sur les pierres brûlantes, incapable de se relever.

Lorsque les anciens s'éloignèrent, secouant la tête en signe de désapprobation, Matui resta silencieux. Il la ramena à leur case sans un mot, mais son silence était plus terrifiant que n'importe quel cri.

Cette nuit-là, il la força à s'agenouiller devant lui. Ses yeux, durs comme la pierre, semblaient percer son âme.

« Tu m'as humilié. Une fille faible ne mérite pas de porter mon nom. »

Il brisa un bol de nourriture devant elle, la privant de repas. Naria, tremblante et meurtrie, sentit son estomac se nouer de douleur, mais elle n'osa pas protester.

« Père... je suis désolée. Je ferai mieux. Je promets de ne plus jamais te décevoir. »

Matui se détourna, indifférent.
« Les promesses ne valent rien. Prouve-le. »

Le lendemain, malgré ses blessures, Matui l'obligea à se lever avant l'aube pour travailler dans les champs avec les autres femmes. Là-bas, les murmures des villageois lui parvinrent, chaque mot étant comme une lame dans son cœur.

« Elle ne sera jamais digne de son père. »

« Il aurait mieux valu qu'il ait un fils. »

Ces mots résonnèrent dans son esprit tout au long de la journée. Elle voulait pleurer, hurler, mais elle savait que son père n'accepterait pas la faiblesse.

Ce soir-là, seule dans la case, elle se jura de ne plus jamais échouer. Elle apprendrait à séduire, manipuler, et dominer, peu importe le prix.

Assise dans la pénombre, Naria sentit une larme glisser sur sa joue. Elle serra le bracelet d'os contre son cœur, comme si ce simple objet pouvait lui apporter la force dont elle avait besoin.

« Père, je te prouverai ma valeur. Je te montrerai que je suis digne de toi. »

Elle releva la tête, ses yeux brillant d'une détermination farouche. Eleanor lui avait pris Raiatea, mais elle allait le récupérer. Et si cela signifiait briser cette femme pour y parvenir, elle n'hésiterait pas.

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