Jour spécial

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Le lendemain matin, le village s'éveilla à l'aube dans une activité fébrile. Les hommes se rassemblaient, leurs armes et leurs filets à la main, prêts à pénétrer la dense forêt tropicale pour la chasse. C'était une tradition importante, non seulement pour nourrir le village, mais aussi pour resserrer les liens entre les générations, les jeunes apprenant des anciens l'art de la traque et de la survie.

Raiatea, étant l'un des meilleurs chasseurs de son âge, dirigeait une partie du groupe. Avant de disparaître dans l'ombre des arbres, il chercha Eleanor du regard parmi la foule, mais ne la vit pas. Un léger pincement d'incertitude s'installa dans sa poitrine, mais il le repoussa, conscient de ses devoirs envers son peuple.

Pendant ce temps, les femmes restaient au village. Certaines surveillaient les enfants, d'autres s'occupaient des cultures ou mettaient déjà de grandes marmites sur le feu, préparant les accompagnements qui viendraient compléter la viande rapportée. L'air était empli de rires et de conversations animées, les femmes échangeant des anecdotes tout en accomplissant leurs tâches.

Eleanor, de son côté, avait suivi un petit groupe de femmes qui l'avaient invitée à découvrir un endroit spécial : une source chaude nichée près des contreforts d'un volcan endormi. L'eau fumante, riche en minéraux, était réputée pour ses vertus apaisantes et rajeunissantes. Les femmes s'y prélassaient, discutant et riant, leurs voix résonnant dans cet écrin naturel de pierres volcaniques et de végétation luxuriante.

Tandis qu'elle se baignait avec elles, une femme s'approcha d'Eleanor avec un sourire chaleureux. Elle était magnifique. Sa peau bronzée semblait scintiller sous la vapeur, ses cheveux noirs, épais et ondulés, tombaient sur ses épaules comme une cascade, et ses yeux sombres brillaient d'une intelligence et d'une confiance qui en imposaient.

« Tu es l'étrangère dont tout le monde parle. Je m'appelle Naria. »

Eleanor hocha timidement la tête, troublée par la grâce et l'assurance de cette femme. Mais ce qui la frappa encore plus, ce fut lorsque l'une des femmes murmura à son oreille
« C'est Naria, la femme promise à Raiatea. Elle est parfaite pour lui, n'est-ce pas ? »

Un poids inexplicable s'installa dans la poitrine d'Eleanor. Naria était tout ce qu'elle n'était pas : elle appartenait à ce monde, comprenait ses traditions, et semblait incarner une beauté sauvage et naturelle qu'Eleanor ne pouvait qu'admirer à distance. Une jalousie sourde monta en elle, un sentiment qu'elle trouva difficile à expliquer ou à contrôler.

Pourtant, malgré cette première impression troublante, Naria se montra incroyablement amicale avec Eleanor. La voyant perdue dans ses pensées, elle l'entraîna dans une conversation, curieuse d'en savoir plus sur cette étrangère.

« Alors, Eleanor, comment trouves-tu notre village ? Et notre culture ? Ce n'est pas trop... différent de chez toi ? »

Eleanor répondit avec sincérité, expliquant combien elle était fascinée par tout ce qu'elle avait découvert jusqu'à présent. Naria, flattée par son enthousiasme, rit doucement avant de partager des secrets qui, selon elle, faisaient partie de l'héritage des femmes du village.

« Ici, nous croyons que chaque femme porte en elle un pouvoir naturel, une sorte de magie que les hommes ne peuvent pas comprendre. Par exemple, pour attirer un homme, ce n'est pas seulement une question de beauté. C'est dans les gestes, dans le regard. Quand tu marches, imagine que chaque pas que tu fais est une promesse, un mystère. »

Eleanor, bien qu'un peu gênée, buvait ses paroles, fascinée par la manière dont Naria parlait de l'amour et des relations avec une assurance et une liberté qui lui étaient étrangères.

« Et... pour toujours rester jeune et belle, comme toi ? »

Naria éclata de rire, mais répondit avec une sincérité désarmante

« Le secret, c'est de toujours nourrir son âme. De danser sous la pluie, de chanter pour les étoiles, et de ne jamais laisser un homme, même celui que tu aimes, voler ta lumière. Les plantes, les bains comme celui-ci, ce sont des aides, mais la vraie beauté vient de l'intérieur. »

Eleanor sentit un mélange d'admiration et d'envie pour cette femme. Mais dans le fond, elle ne pouvait ignorer le pincement de jalousie qu'elle ressentait en sachant que Naria était destinée à Raiatea. Pourtant, à mesure que la journée avançait, elle se surprit à apprécier sincèrement la compagnie de cette femme qui, sans le savoir, lui enseignait bien plus que de simples astuces de beauté.

Eleanor passa le reste de la journée à réfléchir à ses émotions confuses, tiraillée entre sa fascination pour Raiatea, son envie d'être à la hauteur de ce monde qu'elle découvrait, et sa jalousie qu'elle ne pouvait dissimuler.

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