Un cœur de père

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La nuit était déjà bien avancée et les villageois dormaient tous. Cependant, dans la case du chef, une tension palpable flottait dans l'air. Raiatea, toujours respectueux de l'autorité de son père, se tenait debout devant lui, la tête basse, attendant de connaître la raison de cet appel.

Tamoa , vieillissant et marqué par les années, avait un regard perçant. Ses rides profondes et son corps affaibli ne cachaient en rien la sagesse et la force qui avaient fait de lui le leader incontesté du village. Il s'assit sur un trône fait de bois sculpté, ses yeux se fixant intensément sur son fils, cherchant à comprendre ce qui se passait dans son esprit.

« Raiatea, tu m'inquiètes. Depuis que cette étrangère est arrivée, tu te comportes différemment. Tu l'as choisie pour recevoir ton gibier, alors que c'était Naria, ta promise. Tu sembles t'éloigner de ta destinée. »

Raiatea resta silencieux un moment, comme s'il cherchait les mots justes. Il savait ce que son père attendait de lui, mais il ne pouvait ignorer les rêves, les révélations et l'intensité du lien qui s'était formé avec Eleanor. Le poids de l'âme qu'il portait ne pouvait plus être contenu.

« Père, ce que je ressens n'est pas le fruit d'une simple attraction. J'ai fait des rêves, des visions que la chaman m'a expliquées. Nos âmes sont liées, elle et moi. Nous avons fait une promesse il y a des siècles. Nous ne pouvons y résister. »

Un silence lourd s'abattit entre eux. Le chef observa son fils avec une intensité presque douloureuse. Il savait que Raiatea était le cœur et l'avenir du village, mais il ne pouvait pas ignorer l'inquiétude qui grandissait en lui. Il n'était plus jeune, et son temps sur cette terre touchait à sa fin. Raiatea devait être prêt à prendre la relève, fort et sage, mais les défis extérieurs, comme les étrangers qui approchaient, risquaient de le distraire et de fragiliser son rôle.

« Tu parles de destin et de promesses, mais tu oublies que nous sommes un peuple de guerre, Raiatea. Nous avons survécu grâce à notre vigilance et à notre unité. Cette femme... elle pourrait bien être un piège. Un moyen de nous affaiblir. Peut-être qu'elle est là pour te détourner de ce qui est vraiment important. »

Raiatea se raidit sous les mots de son père. Il n'avait pas envisagé cette possibilité, mais en écoutant son père, une partie de lui sentit la vérité de ces mots. Le village, sa famille, tout ce qu'il représentait, était fragile. La vie de son père était sur le point de se terminer, et son rôle de chef allait bientôt lui incomber. Il devait être fort et prêt à diriger. Il ne pouvait pas se laisser distraire par des rêves ou par des liens d'âme qui n'étaient pas visibles aux yeux de son peuple.

« Tu es l'héritier, Raiatea. Rien ne doit t'éloigner de ton devoir. Peut-être que cette femme t'attire, mais elle ne fait pas partie de notre monde. Elle vient de loin, avec ses idées, ses manières. Si elle est là, c'est parce qu'elle a un but. Peut-être qu'il est plus sombre que tu ne l'imagines. Nous devons protéger notre peuple. »

« Je comprends, père. Mais il y a quelque chose de plus puissant ici. Je dois comprendre ce lien, même si cela semble difficile. Je ne peux ignorer ce que mon cœur et mon âme me disent. »

Tamoa le fixa un moment, une lueur de regret dans ses yeux. Il savait que Raiatea était un homme de caractère, mais il n'était pas prêt à accepter que son fils se laisse égarer par des désirs personnels. Il avait vu trop de peuples et de royaumes se dissoudre dans la confusion de leurs désirs. Il n'avait pas envie que cela arrive à son propre fils, à son propre héritage.

« Soit vigilant, Raiatea. Les étrangers peuvent sembler inoffensifs, mais la faiblesse est parfois plus subtile qu'on ne le pense. Nous avons tout risqué pour préserver notre peuple, et il ne faut pas que tout cela soit détruit par un simple rêve. Tu es notre avenir, mais tu n'es rien sans la protection de notre héritage. »

Le silence retomba lourdement dans la pièce. Raiatea, bien qu'il ne voulait pas contredire son père, se sentait déchiré. Ce lien qu'il avait avec Eleanor ne pouvait être ignoré. Mais il savait aussi que sa loyauté envers son père et le village passait avant tout. Son cœur et son devoir se faisaient la guerre. Le poids de l'héritage, de la tradition et de l'amour le conduisaient dans des directions opposées.

« Je resterai vigilant, père. Mais je ne peux ignorer ce que je ressens. Je dois voir où cela me mène. »

Le chef le regarda une dernière fois, le cœur lourd. Il savait que son fils était prêt à défendre son peuple, mais il n'était pas sûr que Raiatea sache encore comment protéger son propre cœur.

« Alors, je prie que les dieux nous guident. »

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