Prologue Partie 2

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Le soleil s'élevait haut dans le ciel, baignant l'île dans une lumière dorée. Le village, autrefois marqué par le chaos et la destruction, était devenu un centre de vie et de prospérité. Sous la direction de Raiatea, les terres avaient été réorganisées, de nouvelles alliances établies, et les échanges avec les îles voisines avaient prospéré. Les villages environnants avaient trouvé en lui un leader ferme mais juste, un visionnaire qui respectait les traditions tout en ouvrant la voie à de nouvelles opportunités.

Cependant il se profilait à l'horizon un nouveau dilemme.

Depuis l'union bénie de Raiatea et Eleanor, deux années s'étaient écoulées sans que la nouvelle famille royale ne s'agrandisse. Les conseillers, les anciens, et même les villageois avaient commencé à murmurer. En etant conscient de ces commérages, Raiatea organisa un conseil avec ses anciens.

La chaleur du matin, déjà pesante, ne semblait pas affecter l'assemblée des anciens. Dans la salle silencieuse, la lumière filtrée par les feuilles des arbres se posait comme une ombre d'incertitude. Raiatea se tenait au centre, entouré des sages du village, leurs visages marqués par l'âge et l'expérience. Le silence, pesant comme une brume, précéda la parole.

L'un des anciens, le plus âgé et respecté, leva lentement la main avant de parler d'une voix rauque mais déterminée

"Raiatea, toi qui es notre chef, qui as guidé notre peuple à travers des temps de prospérité, nous devons pourtant te faire part d'une inquiétude que nous portons tous en nous. L'union avec Eleanor, ta belle étrangère, n'a pas porté ses fruits. Deux ans se sont écoulés et l'héritier que tu attends n'est toujours pas venu. Les signes sont clairs, et les dieux eux-mêmes semblent vouloir nous avertir."

Raiatea, les yeux baissés, sentit une colère sourde monter en lui. Ce n'était pas la première fois qu'on évoquait cette question. Pourtant, entendre ces mots, prononcés par des hommes qu'il respectait profondément, lui serra le cœur. Il prit une profonde inspiration et s'efforça de garder son calme. Il était le chef, et cela exigeait une dignité qu'il ne pouvait négliger.

"Qu'entendez-vous par 'les signes' ?" demanda-t-il, sa voix étonnamment calme malgré la fureur qui grondait en lui.

"Les dieux, bien sûr," répondit un autre ancien, sa voix grave, "ils ont choisi de bénir les unions selon la lignée, et toi, tu as pris une femme étrangère. Peut-être est-ce un châtiment. Peut-être que les dieux ne veulent pas que tu sois le père d'un héritier. Peut-être qu'Eleanor est... stérile."

Les paroles de l'ancien frappèrent Raiatea comme une gifle. Ses mains se serrèrent involontairement. Il avait toujours su que les coutumes et les croyances de son peuple étaient rigides, mais entendre que la faute lui était attribuée, à lui et à Eleanor, l'indignait. Pourtant, il n'éleva pas la voix. Il se força à rester digne.

"Je n'accepte pas ce jugement," répondit-il, la voix ferme,

"Eleanor est ma compagne. Elle a mon amour et mon respect. Les dieux nous ont unis, et cela ne peut être une erreur."

Un autre ancien, plus jeune, intervint alors, un regard perçant fixé sur Raiatea

"Il n'est pas question de remettre en question ton amour, mais de la survie de ton peuple. Si tu n'as pas d'héritier, qui prendra la relève ? Les traditions sont claires. Si Eleanor ne peut te donner un enfant, tu dois envisager de prendre une autre femme, une concubine capable de le faire. Si tu refuses, ton trône sera menacé."

Les paroles résonnèrent dans la pièce, lourdes de conséquences. Raiatea se tint là, pétrifié, comme si le sol sous ses pieds était devenu soudainement instable. Sa position de chef, tout ce qu'il avait bâti, tout ce qu'il avait rêvé pour l'avenir, était désormais en jeu. Le respect des traditions et des anciens, le désir de préserver son héritage, mais surtout son amour pour Eleanor, tout cela se heurtait brutalement dans son esprit.

"Je... je ne peux pas faire cela," murmura-t-il, plus pour lui-même que pour les autres.

"Je refuse de briser ce que j'ai avec elle, de l'abandonner de cette manière."

Les anciens échangèrent des regards, certains semblaient accablés par sa réponse, d'autres plus fermes. L'un d'eux, un vieil homme qui avait vu tant de chefs défiler, conclut avec gravité

"Tu as le choix, Raiatea. Soit tu prends une autre femme, soit tu risques de voir ton autorité remise en question. L'avenir de notre peuple ne peut être laissé au hasard."

Le silence qui suivit était lourd, chaque mot pesant sur les épaules du jeune chef. Il savait que les sages avaient raison, que le peuple attendait de lui un héritier, que la stabilité de l'île reposait sur cet enfant qui ne venait pas. Mais son cœur, son âme, se révoltaient contre cette idée. Il n'envisageait pas de trahir Eleanor, pas pour la politique, ni pour les coutumes.

"Je vais réfléchir à cela," dit-il enfin, d'une voix fatiguée. "Mais je n'accepte pas la condamnation d'Eleanor. Pas maintenant. Jamais."

Il tourna alors les talons et s'éloigna sous les regards silencieux des anciens.

Les deux jours suivants furent marqués par un silence torturant. Raiatea se retrouvait dans la solitude de son esprit, traversant des tourments qu'il n'avait jamais imaginés. Quand il arriva enfin près de leur maison, il trouva Eleanor assise, plongée dans la contemplation du coucher du soleil. Son cœur se serra en la voyant si belle, si calme, si forte... et pourtant si vulnérable.

Il s'approcha lentement, s'assit à ses côtés et prit sa main dans la sienne. Elle tourna son regard vers lui, un sourire doux sur ses lèvres, mais elle savait qu'il y avait quelque chose de lourd qu'il portait en lui.

"Qu'y'a t'il?"

demanda-t-elle d'une voix douce, presque inquiète.
Raiatea hésita, sa gorge serrée. Les mots étaient si difficiles à prononcer. Après tout ce temps, après tout ce qu'ils avaient partagé, il devait lui dire ce qu'il venait d'apprendre.

"Les anciens... ils disent que je dois prendre une autre femme. Parce qu'il n'y a pas d'héritier. Ils pensent que tu ne peux pas avoir d'enfant."

Ses mots frappèrent le silence de la soirée, brisant quelque chose entre eux.

Eleanor se figea. Un froid glacial s'empara d'elle, ses yeux brillant d'une incompréhension douloureuse.

"Et toi, que penses-tu de cela ?" murmura-t-elle, la voix tremblante.

"Est-ce que tu... est-ce que tu me crois stérile ?"

Les mots se coinçaient dans la gorge de Raiatea, mais il devait être honnête.

"Je ne crois pas que tu sois stérile," répondit-il avec force.

"Mais les dieux, eux, ont d'autres plans pour nous. Et cela... cela me déchire."

Elle baissa les yeux, ses mains tremblant légèrement.

"Pourquoi... pourquoi me choisir, alors ? Pourquoi choisir une femme comme moi, si les dieux me punissent ainsi ?"

Les larmes montèrent aux yeux d'Eleanor. Elle se sentait brisée, inutile. Le poids des attentes, des croyances et des coutumes pesait désormais sur ses épaules. Elle se demandait si, en effet, elle n'était qu'une étrangère dans ce monde, si sa place parmi eux était réellement acceptée.

"Je t'aime, Eleanor,"

dit Raiatea, les yeux remplis de douleur.

"Mais ce que je ressens ne suffit pas à défier les dieux. Je... je vais devoir y réfléchir."

Elle tourna son visage vers lui, cherchant une lueur d'espoir dans ses yeux.

"Tu es le chef, Raiatea. Je ne te retiens pas. Mais n'oublie jamais que ce qui nous unit est bien plus fort que ce que les autres peuvent penser."

La nuit tomba lentement, enveloppant leur conversation de ténèbres. Raiatea la prit dans ses bras, mais il savait que tout avait changé. Le doute, la peur et l'incertitude s'étaient installés entre eux, et rien ne serait plus jamais pareil.

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