1 💎 Vers le vieux port

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"Il y avait ceux qui aimaient la terre, et ceux qui aimaient la mer. Les pieds sur terre mais la tête dans les nuages. La coque sur l'eau, mais les yeux dans les cieux."

ELYA

Marcher, marcher, et encore marcher. Voilà ce que nous faisions depuis des heures, à longer la plage, sous le chant pourtant réconfortant des vagues et sous un ciel nuageux, fouettés par le vent frais de cet automne tout juste installé.

J'avais mal aux pieds, je n'osais même pas imaginer leur état au retrait de mes bottes. Mes jambes étaient faibles, fatiguées et semblaient peiner à supporter mon poids. C'était comme si j'étais sur le point de m'écrouler à chaque pas que je faisais.

Le grognement dans mon dos me fit me retourner, en même temps qu'Adélaïde et Ezekiel. Les genoux d'Alexius touchèrent le sable à ce moment même et c'est Ezekiel qui s'empressa de l'aider à se remettre debout. Alexius grimaçait. Sa chemise ouverte laissait entrevoir ses brûlures encore à vif. L'onguent avait été bu par sa peau calcinée et dorénavant, sa chemise virevoltante avec le vent amplifiait sa douleur lorsqu'elle se collait à ses plaies rouges.

— Allez, regarde, la ville la plus proche est là-bas, à à peine quinze lieux d'ici, l'encouragea Ezekiel.

— Je suis fatigué, bon sang...

— Nous allons te trouver un sorcier, un guérisseur qui te soignera mais tu dois patienter et prendre sur toi, renchérit Adélaïde.

Elle semblait épuisée, elle aussi. À bout de nerfs, la boite de son Rubis entre ses mains. Je suppose que nous étions tous épuisés et peut-être même inquiets de ce qui allait advenir de la suite des évènements. Comment l'Ordre allait-il agir ? Comptaient-ils nous capturer ou nous effacer, comme ils aimaient si bien le dire.

D'après Adélaïde, effacer quelqu'un signifiait lui ôter toute trace de sentiments, d'émotions, de souvenirs. En réalité, cela revenait à lui extirper l'âme et la détruire. Ne resterait plus qu'une coquille vide maintenue en vie par l'eau et la nourriture. De quoi donner froid dans le dos.


— C'est bon, je vais marcher, gronda Alexius en se défaisant de l'étreinte de son allié.

Il avança devant Ezekiel, titubant, branlant, à deux doigts de s'écrouler à nouveau mais le mental jouait davantage sur la fatigue physique et les blessures. Alexius était admirable, il pouvait supporter tout le poids du monde sur ses épaules, il se relevait à chaque fois.

Ezekiel frotta ses mains pour retirer les grains de sable qui s'y étaient incrustés puis reprit sa route, très légèrement voûté et encore blessé. Ils avaient tous besoin d'un sorcier, mais aucun d'eux n'était capable de l'assumer. La tension entre chaque membre des Gardiens était palpable. Je me trouvais en son centre, incapable de dénouer ce qui les torturait.

J'avançai près d'Ezekiel alors qu'Adélaïde et Alexius zigzaguaient plus en avant. Je gardai mes mains croisées devant mon bassin, mes pieds s'enfonçaient dans le sable mais nous voyions au loin, la ville portuaire qui nous attendait à bras ouverts.

— Ta blessure n'est pas trop douloureuse ? questionnai-je.

— Non. J'ai connu pire douleur.

Ezekiel me répondait d'un ton si ferme et distant que j'avais l'impression de le retrouver, deux mois en arrière, encore inconnu et aussi froid qu'un glacier.

— Va-t-on parler de ce qu'il s'est passé ? renchéris-je.

Un court silence avant qu'il ne me jette un regard sur le côté.

Les Derniers Gardiens : II - La Voie du SaphirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant