"Il était dit que le brouillard qui empêchait les marins clandestins d'accoster sur l'île de Novendill sans payer, titillait l'esprit et la culpabilité de ceux qui avaient commis des actes impardonnables. Leur âme était alors offerte à la Déesse des Océans, Nephrëa."
EZEKIEL
Dormir sur un navire qui tanguait en pleine mer déchaînée par l'orage n'était pas une mince affaire. J'étais allongé sur ma couchette mais je ne cessai de m'accrocher aux filets sous la couchette au dessus de moi, histoire de ne pas finir à plat ventre sur le plancher poisseux. La pluie battait, l'orage grondait et les éclairs fendaient le ciel amèrement.
Heureusement, Novendill n'était pas loin du Royaume, le voyage en mer n'était donc pas très long mais pour accoster en toute clandestinité, il convenait de contourner l'île.
Je ne savais pas où étaient Elya et Adélaïde. Quant à Alexius, il avait fini par se lever pour aller vomir à nouveau, trop malade à cause des secousses.
J'étais plongé dans le noir, ballotté à droite puis à gauche. Les muscles de mon bras se tendaient tant je devais forcer pour rester en place sur ma couchette.
— Attention ! Brouillard à cent mètres ! hurla un marin depuis le pont juste au dessus.
Sa voix semblait si lointaine. L'orage cessa de gronder un court instant, le bateau tourna à quatre vingt dix degré alors je me levai presque sur ma couchette, le bras contracté et enfin, je me retrouvai de nouveau sur le dos. Le tonnerre gronda une fois de plus, comme si la chanson reprenait. Enfin, un éclair illumina la petite pièce de sa lumière à travers le hublot et je sursautai quand je crus voir une silhouette se tenir non loin de ma couchette.
Je me redressai aussitôt et à tâtons, je cherchai ma lanterne que je rallumai en tournant légèrement le bouton vers la droite. Je me relevai en prenant garde à ne pas me cogner dans la couchette du dessus puis portai la lanterne à hauteur de mon visage. Je fis alors face à un faciès plus que familier. Mais elle posa son doigt contre sa bouche puis souffla sur la lanterne qui s'éteignit aussitôt, me plongeant de nouveau dans le noir.
Je tournai alors le bouton, ce qui alluma de nouveau ma lampe. Or, j'étais seul désormais.
— Tu m'as trahie, entendis-je murmurer près de mon oreille.
Je sentis un frisson parcourir mon échine alors je me retournai brusquement, levant ma lanterne. Personne ne se trouvait là et la soûte, ainsi dans le noir, ressemblait davantage à un trou noir, aux ténèbres qui n'attendaient plus que moi.
— Alex ? Adé ? appelai-je.
La seule réponse que j'eus fut l'écho de ma propre voix. Sans même m'en rendre compte, l'orage avait cessé et les éclairs aussi. J'étais seul contre mes démons, dans la solitude la plus complète.
J'avançai sur le parquet grinçant sous mes semelles épaisses. Ma lumière vacillaient quelques fois, le silence était imperturbable et j'avais cette affreuse sensation d'être épié, suivi, analysé... Impossible de savoir si cette force me voulait du mal ou du bien, qu'importe le visage qu'elle prenait.
— Tu m'as abandonnée.
Je me retournai à nouveau, la poussière vola sous mes mouvements mais je ne vis que des sacs de farines et autres marchandises pendre sur des crochets et se balancer dans un grincement sinistre au rythme du bateau.
VOUS LISEZ
Les Derniers Gardiens : II - La Voie du Saphir
FantasiaMaintenant que le Rubis a été retrouvé et est en possession de son Gardien, Elya a su mener les autres sur la voie du Saphir, près de chez elle, à Novendill. Mais la menace pèse de plus en plus sur les Gardiens, le Nécromancien dorénavant lié à Ely...