26 💎 Les Derniers Gardiens

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"Un battement de cœur, et tout vole en éclat."

ELYA

Je montai les escaliers du château presque en ruine. Ma main glissait sur la rambarde en pierres, lentement. Chaque pas que je faisais me demandait un effort me paraissant insurmontable. J'étais épuisée. Triste. En colère. Accablée.

Je poussai la porte de la chambre et trainai des pieds jusqu'à la grande armoire en bois brut. Là, j'ouvris les portes pour retrouver ma sœur recroquevillée sur elle-même, terrifiée. Quand elle me reconnut, elle se redressa et se jeta à mon cou. Je restai accroupie et la serrai de toutes mes forces.

Je ne pus retenir mes larmes. Nous venions de perdre quelqu'un mais le sentiment de soulagement que je ressentais en gardant ma soeur près de moi était indescriptible. Si nous étions toujours en vie, c'était en partie grâce à Alexius.

— Je suis là maintenant, lui murmurai-je. Tout ira bien, je te le promets.

J'espérais m'en convaincre, moi aussi.

Après quoi, nous dûmes rassembler tous les corps dans un coin de la cour pour les brûler hormis celui d'Alexius. Adélaïde et Ezekiel souhaitaient lui rendre hommage comme il se devait. Je respectais leur choix et le comprenais.


La vie n'allait pas reprendre son cours. L'histoire ne se terminait pas comme dans un livre. En réalité, elle s'empirait. Aude était blessée mais toujours capable de nous nuire. Elle devait être dans un état de colère indescriptible et probablement qu'elle planifiait déjà une nouvelle attaque.

Après avoir couché ma soeur, j'avançai dans les grands couloirs lugubres de la demeure. Nous n'avions nulle part où aller. Novendill n'était pas si loin mais nous étions épuisés pour faire un voyage et Adélaïde refusait d'utiliser son Rubis pour se téléporter. Elle ne s'en sentait pas capable pour le moment.

— Elya ? m'appela-t-on.

Je m'arrêtai et poussai la porte qui donnait sur une grande bibliothèque. Elle était sens dessus dessous, des livres éparpillés sur le sol, un sofa déchiré, les bureaux retournés...

Ezekiel se tenait face à la grande fenêtre surplombant toute la bibliothèque et ses étagères allant jusqu'au plafond. Le soleil se levait et la pluie avait cessé. Le vent s'était calmé. L'aurore arrivait sur des centaines de cadavres brûlés, sur du sang séché, sur des larmes inconsolables...

Ezekiel se tourna vers moi, toujours vêtu de son armure. Ses mâchoires tressautaient, le contour de ses yeux était rouge et son teint presque malade. Il était terriblement attristé mais s'efforçait de le dissimuler. Pourtant, c'était impossible. Je ressentais toute sa peine comme si c'était la mienne. Je ne connaissais pas Alexius depuis aussi longtemps que lui mais je l'appréciais. Le lien des Gardiens et de leur Guide était puissant. Je pouvais vivre ce qu'il vivait et cela me rapprochait encore plus d'eux.

Il s'avança vers moi, s'arrêta à à peine un mètre de moi, la tête baissée, le coeur lourd. J'aurais tellement aimé le serrer dans mes bras.

— Elya, je suis désolé, déclara-t-il après un court silence.

Il releva ses yeux verts vers moi. Comment ne pas s'y perdre ? Comment ne pas compatir à tant de peine ?

— Ce n'est pas le moment d'en parler...

— Si. Parce que, on ne sait pas quand nous aurons un autre moment pour nous parler. Alors je veux que tu saches que je suis désolé. Je pense que j'ai suffisamment fait d'erreurs et que je continuerai de vivre avec suffisamment de regrets pour que toi... tu n'en sois pas un.

Les Derniers Gardiens : II - La Voie du SaphirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant