Julie

15

Il est 17h et nous n'avons pas arrêté de parler et de se moquer du pauvre serveur. Mon ventre est plein à craquer et j'ai une terrible envie de dormir. Une fois nos menus réglés, il est temps de partir.

- On oublie tout ma biche ? Me demande Mélanie.

Je la serre dans mes bras en souriant.

- Je ne veux plus jamais qu'on se dispute !

Elle hoche la tête et rit en s'éloignant. Un poids quitte mes épaules et je monte dans ma voiture. Il faut que j'aille récupérer des affaires chez moi avant d'aller chez Robin. Sur la route, mes pensées divaguent et s'attardent sur Samir... je me demande s'il pense à moi, ce qu'il fait en ce moment... Sera t-il jaloux quand il reviendra et apprendra que son meilleur ami me fait du charme ?

Je chasse ces pensées quand je me gare devant la maison et me tend instantanément en voyant ma mère devant la porte, fumant sa clope.

Elle n'est pas avec son nouveau mec celle là ?

Je peste silencieusement et m'approche d'elle. Nous ne nous accordons aucun regard et je fonce dans ma chambre pour repartir le plus vite possible. Je suis en train de fourrer des affaires dans mon sac quand j'entend tout à coup les marches grincer. Ma mère toque à la porte.

- Qu'est ce que tu fais ? Dit elle en entrant.

Je la toise froidement.

- Il ne me semble pas que je t'ai autorisée à rentrer !

Celle qui m'a mise au monde lève les yeux au ciel.

- Et il me semble que je ne t'ai pas autorisée à découcher ce soir.

- Pourquoi me l'interdirais-tu ?

Elle croise les bras et me fixe durement.

- Peut être parce que tu te comporte comme une imbécile avec moi ? Tu m'as très mal parlé, Julie.

- C'était mérité. Tu sors avec le copain de ma collègue qui a 30 ans de moins que toi !

- Ça suffit, je fais ce qu'il me plaît ! Interdiction de sortir tant que tu ne te sera pas excusée et puis c'est tout !

Elle sort en claquant la porte. Je reste interdite quelques secondes puis la fureur me gagne.

Ne joue pas à ce petit jeu avec moi !

J'empoigne mon sac, dévale les escaliers et atteins rapidement la porte d'entrée. Sa voix me stope net.

- Julie ! Je te préviens, si tu pars...

En faisant volte face, je suis surprise de la voir en larmes. Mais aujourd'hui, cela ne me touche pas, la rage qui m'habite m'en empêche.

- Il est trop tard pour pleurer. C'est toi qui a tout foutu en l'air ! Je fais ce que je veux, j'ai 21 ans !

Ma mère me lance un regard glacial pour la première fois de ma vie. Le visage dur, les lèvres pincées, elle tente de contenir sa colère.

- Si tu pars, ce n'est pas la peine de revenir.

Je reçois sa phrase comme un coup de fouet et sens que tout mon corps se met à trembler.

- Tu es sérieuse ? Tu me fous à la porte ?

- Ça ne tient qu'à toi, Julie.

- Alors adieu, Maman, tu ne me reverra jamais !

J'ouvre la porte et fuis cette maison en courant. Une fois dans la voiture et les premiers mètres fais, je laisse échapper mes larmes. Elles coulent à flot, libérant toutes ces années de conflit avec celle qui était sensé me rendre la vie plus douce. Je prend alors conscience de la situation, je n'ai plus de maison et plus de famille.

Je suis seule...

Je me remet à sangloter et manque de percuter un camion qui me klaxonne vigoureusement. Une fois arrivée chez Robin, devant sa magnifique résidence, je reste quelques minutes dans la voiture afin de me calmer. Mais le poids que je ressens dans ma poitrine est trop lourd, et ma tristesse est telle qu'elle m'en fait mal au ventre. J'en suis complètement déboussolée d'avoir tant pleurer et mes paupières sont lourdes. Ma petite vie tranquille se brise en éclat et je ne peux compter que sur moi, à partir de maintenant.

Tu n'as plus le droit à l'erreur.

Le coeur pesant une tonne, je traîne ma carcasse jusqu'au hall d'entrée et sonne à son appartement. Personne ne répond.

Il est seulement 18h Julie, il doit être au travail.

Je me dirige alors vers le parc d'à côté, histoire de m'occuper avant qu'il n'arrive. Je marche lentement sur la petite route en gravier, l'humeur maussade et mes pensées plus noires que jamais. Des enfants jouent au loin, dans un espace qui leur est réservé. J'aimerais tellement retourner à cette époque, quand mon père était encore là et que ma mère était normale. Je continue d'avancer et tombe sur plusieurs installations de sport. Des garçons de mon âge y font leur entraînement et me regarde en souriant. Je passe mon chemin en les ignorant puis arrive à un petit lac. Des coureurs en font le tour en évitant les cygnes qui veulent défendre leur territoire. Je m'asseois sur un banc en admirant la nature et mes épaules commencent enfin à se détendre. Les minutes défilent et mes pensées flottent au dessus de l'eau.

- Julie ?

Je sursaute violemment et me retourne pour apercevoir la personne qui vient de m'appeler.

- Robin ! Qu'est ce que tu fais là ?

Son beau sourire me fait oublier tous les maux de ce monde et il me rejoint sur le banc, dégoulinant de sueur.

- Je cours ici tous les jours. Tu devrais essayer, ça détend, dit il en observant mon mascara qui à coulé.

Je fuis son regard, dépitée et il passe un bras autour de mes épaules.

- Qu'est ce qu'il se passe, ma belle ?

J'enfouis ma tête au creux de son cou et recommence à sangloter.

- Ma mère vient de me virer de chez moi !

Quelques minutes passent, dans les bras l'un de l'autre, perdus dans nos pensées. Puis il me lâche et se lève, me tendant la main pour que je le suive.

- Viens, on va réfléchir à tout ça chez moi.

Nous nous dirigeons vers la résidence et Robin me prend la main. Cela me fait chaud au coeur et mon sourire commence à revenir timidement.

Tu n'es pas seule, Julie.

☆