Chapitre 18

303 32 7
                                    

Je le regarde furieuse de ses paroles. Mes yeux pourraient le tuer d'un simple clignotement mais je me contrôle et prends du recul. Est-ce que j'aime vraiment Paul ? Est-ce que je suis amoureuse de lui ? Est-ce que je connais réellement le sens du mot aimer ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Depuis qu'il m'a sauvé la vie, je ne me suis pas posée de question. Je voulais rester près de lui par sécurité, parce que je savais qu'en restant avec lui, je ne replongerai pas, je savais qu'à ses côtés, plus rien ne pouvait m'arriver mais est-ce que je suis épanouie dans cette vie ? La routine entre nous s'est installé. Le matin, Paul me réveille en même temps que lui, nous préparons le petit déjeuner ensemble dans le silence. Paul lit son journal et je débarrasse la table. Il part au travail, je reste à la maison. Il gagne tellement bien sa vie qu'il préfère que je reste à la maison. J'ai toujours fait ce qu'il désirait sans vraiment comprendre que cette vie ne me plaisait pas. Il ne me force en rien, bien au contraire, mais 15 ans d'écart, ça peut parfois poser problème. Il ne veut jamais faire de sport, il ne veut pas aller dans un parc d'attraction, il ne fait pas tout ce qu'une personne de mon âge fait. En fait, Justin a peut-être raison. Je reste peut-être avec lui en reconnaissance. Non. Non je ne peux pas rester avec lui juste pour ça. Je me suis mariée avec cet homme, je porte son nom, ça ne peut pas être ça.
- Non, c'est faux, déclaré-je après quelques longues minutes de silence.
- Tu ne penses même pas ce que tu dis.
- Pardon ?
- Si tu l'aimais vraiment, tu m'aurais directement répondu, tu n'aurais même pas réfléchi une seule seconde. Mais tu as attendu. Tu as attendu parce que tu pensais à ta vie avec lui. Tu n'es pas épanouie. Tu penses l'être parce qu'il n'y a pas de conflits entre vous, parce qu'il ne te force pas, parce qu'il s'occupe bien de toi, parce que tu as l'impression que la drogue ne t'attendra plus bien qu'au fond de toi, tu sais que c'est fini avec ça, que tu ne risques plus rien parce que tu as grandi et compris que cette chose n'est qu'une merde.

Il s'arrête comme pour reprendre son souffle. Je ne dis rien, c'est comme si ses paroles me paralysaient. Pourtant, je devrais penser à tout ça mais non. Je pense à Justin et le regarde juste, l'écoutant parler, s'exprimer à propos de mon histoire avec mon mari alors que ça ne le regarde pas. Il parle de ça comme si c'était son histoire, comme si ça le concernait. Il pense savoir ce qui est bien pour moi, il pense tout savoir, tout gérer alors qu'il devrait se taire et me laisser gérer seule ma vie, et moi je le laisse faire, comme une idiote.
- Je sais qu'au fond de toi, continue-t-il, tu n'es pas si heureuse que ça. Tu as besoin de vivre le grand amour, de connaître les effets que ça te fait quand tu vois la personne que tu aimes. Tu as besoin de ressentir le manque de cette personne, de penser à elle chaque minute, chaque seconde de la journée, de vouloir la serrer dans tes bras, de vouloir l'embrasser, lui parler sans cesse. Tu as besoin de vivre, de découvrir le monde avec elle. Tu as besoin de faire de nouvelles choses. Regarde, la dernière fois qu'on a fait le parcours sportif, tu avais adoré. Tu ne fais pas ce genre de choses avec lui. Tu ne fais pas de nouvelles choses à ses côtés. Tu...
- Stop, le coupé-je.

Il s'arrête net et me regarde attendant ce que je vais dire. Il sait qu'il a été trop loin mais il est sur de lui. Il sait qu'il a raison.
- Arrête, continué-je. Tu crois tout savoir mais c'est faux.
- J'ai raison, j'en suis sûre.
- C'est faux, j'aime Paul.
- Jure-le moi.
- Je n'ai pas à te le jurer.
- Parce que j'ai raison. Je ne sais pas pourquoi tu ne veux pas te l'admettre mais vois ne pourrez pas être heureux l'un comme l'autre si l'un des deux n'est pas épanouie dans la relation.

Sur ces mots, il part, me laissant seule avec ma tristesse et mon désespoir. J'ai voulu le retenir mais j'ai changé d'avis. Il ne serait pas rester de toute façon. J'ai tourné en rond toute la nuit, ne pouvant dormir. J'aurais pu penser à Paul mais non. Je suis restée éveillé uniquement pour penser à Justin, à tout ce qu'il m'a dit. J'ai essayé de me concentrer sur Paul, sur sa disparition inquiétante mais mes pensées étaient fixées sur cet homme, sur lui. Je repensais à nos moments passés ensemble. Nous ne sommes pas restés ensemble longtemps mais j'ai l'impression que c'était mes meilleurs souvenirs, que j'ai vécu plus de choses avec lui. Je lui ai envoyé plusieurs messages pour qu'il revienne à la maison parce que j'avais besoin de lui, de son soutien mais il est resté silencieux. Ça m'a fait mal de savoir qu'il m'ignore.
Il est à présent 12h. Le facteur vient de passer et mon portable vibre, m'annonçant un nouveau message.

De : Justin.
À : Moi.
Desolé. Je voulais juste t'ouvrir les yeux.

Je soupire et comprends qu'il a juste essayé de savoir si j'étais vraiment heureuse avec Paul. Je décide de lui répondre plus tard et ouvre mon courrier tranquillement. Lorsque je lis cette lettre, tout se bouscule dans ma tête, me glaçant même le sang en une fraction de secondes. Sous le choc, la lettre tombe sur le sol et les larmes coulent à nouveau. Je n'ai jamais autant pleurer en si peu de temps. Le premier réflexe que j'ai est de prendre mon téléphone afin d'envoyer un message à Justin.

De : Moi.
À : Justin.
Viens à la maison. Je t'en supplie, reviens me voir. C'est horrible.

Oublie-moi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant