Oublie-moi.

Chapitre 23

Je longe le couloir sans fin, croisant les proches des malades, les patients ainsi que le personnel. Ils ont tous l'air fatigué, triste d'être ici, à voir les autres en fin de vie, prêt à mourir. Perdre un proche n'est jamais joyeux mais il ne faut pas se sentir malheureux à leur côté, il faut rester fort, se dire que tout ira bien même si au fond, c'est faux.
Je regarde chaque numéro des portes lorsque j'arrive à cette fameuse chambre. Je prends sur moi, me disant qu'en réalité, Paul est en train de soigner un patient et qu'il a changé de lieu de travail. Lorsque j'ouvre la porte après avoir frappé, je découvre un homme seul, dans cette pièce blanche vide, sans vie. Il est allongé avec des draps blancs, ne bougeant pas. Je m'approche, les larmes aux yeux, voyant mon mari sur ce lit d'hôpital alors qu'il y a à peine une semaine, il était de l'autre côté, guérissant les patients dans le besoin. Il a perdu du poids, ses joues sont creuses, sa barbe n'a pas été rasé depuis quelques temps déjà alors qu'il avait pour habitude de l'entretenir tous les deux jours, ses bras manquent de muscles. Je pose ma main sur la sienne et des frissons me parcourent tout le corps. Je ne comprends pas pourquoi il est comme ça ni pourquoi il est ici. Si ça se trouve, Paul était mal à l'idée de ne plus me voir. Je ne suis pas rentrée pendant quelques jours et il s'est inquiété, mettant sa vie en danger. Il a sûrement du me chercher et il a atterrit ici. Malgré le fait que mon mari soit ici, j'aurais aimé que Justin soit également là, avec moi. Paul a toujours été là pour moi, et bien qu'il m'a toujours soutenu, protégé, Justin a su me rassurer rien qu'en étant à côté de moi. Au contraire de Paul, à côté de Justin, je me sens quelqu'un d'autre, j'ai l'impression d'être une autre femme, de n'avoir aucun passé. C'est bizarre comme sensation.
Je sens la main de Paul me serrer, m'enlevant toutes pensées de Justin en un instant.
- Paul, murmuré-je en essayant les quelques larmes restantes.
- Savannah, dit-il avec une voix si faible.
- Paul, qu'est-ce que tu fais ici ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je vois dans son regard qu'il se passe quelque chose de grave mais qu'il n'ose pas dire, ne sachant pas quels mots employés afin de me faire le moins mal possible. Après tout ce que j'ai traversé en très peu de temps, j'ai l'impression de pouvoir tout encaissé.
- Rien, un petit accident, ment Paul.
- Paul... Même si tu avais eu un accident, tu ne serais pas dans cette ville. C'est trop loin de chez nous. Qu'est ce qu'il se passe ? Tu avais peur pour moi et tu as tenté de me retrouver mais tu as mis ta santé en danger, c'est ça ? Je peux tout entendre, tu sais.

Il baisse la tête et soupire, comme si j'avais vu juste. Je m'assois sur son lit et me blottis dans ses bras pour le rassurer. Je me déteste lorsque je ne cesse de penser à Justin alors que Paul est allongé sur un lit d'hôpital. Il pose ses mains sur moi, me caressant légèrement. Des larmes coulent sur ses joues et je le regarde, me demandant si il pleure parce qu'il est heureux de me retrouver ou pour une autre raison. Je me redresse afin de mieux l'observer. Il a l'air réellement triste.
- Paul, murmuré-je. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Pardonne-moi, pleure-t-il.
- Mais de quoi ?
- Pardonne-moi pour tout.

Il ne cesse de pleurer et de me demander pardon. Je suis près de lui, ne sachant même pas de quoi il veut parler. Avec difficulté, il se redresse afin d'être installé le mieux possible, sûrement parce qu'il veut m'annoncer quelque chose dont il a du mal à trouver les mots. Je le regarde, attendant une réponse de sa part qui pourrait peut-être me permettre de mieux comprendre cette situation.
- J'ai fait ça pour ton bien, m'avoue-t-il en séchant ses larmes.
- Paul, je ne comprends pas de quoi tu veux parler.
- De tout. J'ai essayé d'être le mari parfait pour toi, de te faire rire, sourire, de te rendre une vie meilleure où tu n'aurais aucun problème, où la drogue ne serait plus qu'un lointain souvenir mais je n'ai pas réussi.
- Arrête, je suis très bien avec toi.
- Non Savannah. Je sais que c'est faux. Tu te sens rassurer parce que j'ai réussi à t'éloigner de tout ça mais tu ne m'aimes pas. Tu ne penses pas toutes les heures, toutes les minutes à moi. Tu n'as pas ses frissons qui te parcourent tout au long de ton corps lorsque ma peau touche la tienne. Tu n'as pas ses papillons qui s'envolent dans ton ventre quand tu m'aperçois. Tu ne m'aimes tout simplement pas.

Je ne sais pas quoi dire. J'ai simplement la bouche, voulant parler mais rien n'est sortit. Je me sens comme paralysée. J'ai honte. Honte de ne pas l'aimer. Honte d'être resté avec lui alors que je n'ai aucun sentiment. Honte de l'avoir épouser pour le rendre malheureux. Il me prend la main, comme pour me dire que ce n'est rien, qu'il ne m'en veut pas et bizarrement, ça me rassure. Justin me l'avait pourtant dit. Il savait que je ne l'aimais pas. Si un homme qui me connaît depuis peu a compris que je n'aimais pas réellement Paul, il était donc évident que Paul lui-même le comprenne.
- Je l'ai compris avec le temps, continue-t-il. Et ça ne sert à rien de continuer ensemble. Autant tout arrêter maintenant.
- Non, Paul...
- C'est mieux. Tu ne dois pas te forcer ou faire semblant. J'ai voulu te protéger, du mieux que je pouvais mais tu as été plus forte que moi.
- Comment ça ? Le coupé-je en fronçant les sourcils.
- Tu es beaucoup plus maline que je ne le pensais et je m'en excuse. Pardonne-moi Savannah. Pardonne-moi de t'avoir drogué.