Planète Langkah — Circuit Extra-Muros
205e Année-Equivalent-Terre (AET) après l'arrêt de Phoenix
Le glisseur file à toute vitesse, à quelques centimètres au-dessus de la piste poussiéreuse. Il bondit nerveusement de gauche à droite pour éviter les obstacles qui jonchent le parcours. Son pilote se cramponne aux commandes, allongé devant la turbine qui propulse l'engin dans un hurlement assourdissant. Un crochet à gauche et l'ogive mécanique se rapproche de la troisième balise, à la poursuite des deux vaisseaux en tête de la course. Les déflecteurs du bolide vibrent de plus belle, ils compensent les à-coups terribles engendrés par l'enchaînement de virages serrés. Le pilote redresse la trajectoire et profite d'une courte ligne droite pour pianoter sur son minuscule tableau de bord. Le réacteur rugit. Il grimpe d'une tonalité et le plasma qui le supporte vire du bleu au blanc dans un grésillement électrique suraigu. Le monstre métallique sursaute et entre à toute vitesse dans un couloir ; il prend de la hauteur et s'élève au-dessus des plots en sortie du virage. Puis le pilote coupe l'alimentation. Le glisseur rouge brique devient silencieux et immobile l'espace d'un instant. Le vaisseau pique finalement du nez, son pilote enclenche les turbines et projette violemment la flèche de métal vers la piste. Les déflecteurs s'illuminent juste à temps pour repousser le sol avec force, permettant au glisseur de faire une embardée démente dans la courbe suivante. Penché sur le côté et presque à la verticale, il ne ralentit pas. Il avale le terrain, en appui sur le mur d'enceinte de la piste. Le monstre métallique finit par se retrouver juste derrière les deux concurrents de tête. Les trois vaisseaux entrent alors dans la dernière ligne droite : plus que huit cents mètres. Les machines s'alignent et les pilotes se crispent sur leurs commandes. Ils pianotent furieusement sur leurs consoles et adaptent les indicateurs de leurs moteurs. Le glisseur rouge se décale et commence à remonter lentement ses adversaires. Aidé par l'appel d'air, il grimpe à l'extérieur, dépassant ainsi le deuxième vaisseau qui perd immanquablement du terrain. Puis il pousse son réacteur à la limite de l'explosion, continue son avancée furieuse, gagne quelques centimètres sur le premier pilote et franchit en tête la ligne d'arrivée.
Les cinq bolides en lice s'arrêtent aux stands de ravitaillement un peu plus loin. Ils sont couverts d'une fine couche de poussière brune masquant à peine les réparations de fortune qui émaillent leurs blindages, comme le feraient des cicatrices sur les carcasses efflanquées de vieux félins. C'est l'image que les glisseurs renvoient : des monstres faméliques d'un autre temps, recroquevillés et prêts à bondir, grondant sourdement tandis que leurs turbines baissent en régime. Les pilotes descendent de leurs montures, s'étirent et se donnent des tapes amicales sur les casques. Leurs combinaisons en cuir sont étouffantes et leur premier réflexe — une fois passée la barrière de sécurité — est de retirer leurs protections pour prendre une grande bouffée d'air frais.
Il y a peu de monde dans les gradins, juste quelques curieux qui bravent la moiteur de l'après-midi pour tuer le temps et regarder les glisseurs tourner sur la grande piste du circuit de Langkah. En dehors des jours de compétition, le circuit est ouvert aux amoureux de glisse venus conduire leurs propres bolides et se mesurer aux autres passionnés de sport mécanique. Ces rendez-vous se déroulent dans une ambiance enjouée, toutefois teintée de la rivalité bon-enfant qui caractérise les compétitions amateurs : des enjeux limités, la possibilité de discuter à l'infini du dernier tour de course et d'échanger de petites astuces de pilotage pour faire grappiller à sa machine quelques secondes supplémentaires sur la ligne d'arrivée. Le vainqueur de la course franchit d'un bond la courte palissade après les félicitations d'usage de ses camarades et s'approche d'un homme bedonnant qui applaudit largement sur la première rangée.
— Bravo, Marie, s'exclame-t-il en essuyant du revers de la main son front. Tu l'as encore une fois coiffé au poteau ! Le pilote détache la boucle de son casque, laissant apparaître le visage rayonnant d'une jeune femme blonde qui ne cache pas sa satisfaction.
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TURBA
Fiksi IlmiahPour Marie de Glaz, quitter cette foutue planète est l'objectif ultime, le rêve de toute la colonie. Cela fait bientôt deux siècles que tous s'épuisent à rassembler suffisamment de gula pour un nouveau départ. Mais TURBA, un mouvement contestataire...