Quartier Intra-Muros
Marie lisse la manche de sa veste du plat de la main, elle n'a pas porté la tenue classique des capsules depuis longtemps. La toile est de bonne facture, d'une blancheur immaculée comme le veut l'étiquette, les membres de TURBA ont confectionné un habit de qualité en un temps record, parfaitement taillé. Même ses bottes semblent neuves — elles le sont probablement d'ailleurs —, rien ne permet de penser qu'elle vient de vivre plusieurs jours dans le sable et la poussière de Langkah. Marie rajuste son col et ferme le dernier bouton de son chemisier, puis jette un œil au miroir intégré à la porte du glisseur. La petite cicatrice héritée du crash du T21 lui barre la tempe, mais reste discrète, cachée derrière une mèche de cheveux. Elle fait bonne figure, son maquillage sobre lui donne un air frais et léger : avec un sourire appuyé, elle n'aura aucun mal à passer inaperçue en secteur intra. Après tout, elle vient de ce monde. Elle ne peut pas en dire autant de SVP qui s'enfonce à côté d'elle dans la banquette du véhicule. S'il a l'habitude des dîners mondains, il jouait toujours le rôle de l'excentrique de service, du pilote décalé qui se moque des convenances. Son attitude désinvolte cadre mal avec la sècheresse des hommes intra. S'il a accepté de se raser de près et de se tailler les cheveux pour l'opération, sa nonchalance risque de le trahir rapidement.
— Tu vas devoir faire des efforts, Sam, si tu ne veux pas attirer l'attention, prévient Marie.
— J'étouffe avec cette veste, rétorque le pilote d'un sourire las.
— Dans ce cas, garde tes distances avec la foule et suis-moi... Laisse-moi gérer.
— J'ai l'impression d'avoir déjà vécu cette scène, grimace Samuel, mais dans un contexte bien différent. Ne te fais pas de soucis, je devrais m'en tirer.
— Marie a raison, déclare Céline assise en face d'eux. L'Extra-M détache les boucles du sac en toile qu'elle tient sur ses genoux et reprend :
— Tu as l'air déguisé. Si tu ne fais pas attention, quelqu'un va rapidement te reconnaître.
— Bof, réplique SVP en haussant les épaules, si ça se trouve les IA des capsules l'auront fait bien avant. Y a pas des caméras de surveillance un peu partout dans le coin ?
— Si, mais j'ai des brouilleurs pour ce type d'occasion, sourit la jeune femme.
Elle sort deux broches métalliques d'une pochette en velours et en tend une à chacun d'entre eux. Il s'agit d'un projecteur minuscule grimé en bijou et monté sur une épingle.
— Accrochez-les au revers de votre veste, ajoute Céline. Orientez-les vers vos mentons, ils projetteront sur vos visages un motif invisible à l'œil nu, mais qui trompera les capteurs des caméras. Votre profil n'activera pas les alarmes.
— Vous avez chopé ça où ? demande SVP admiratif en agrafant le brouilleur. C'est astucieux.
— TURBA connaît quelques mecs doués en électronique... Des indépendants pour la plupart, qui trouvent un intérêt à ce genre d'outils.
Marie allume le module réseau du glisseur et tente une reconnaissance faciale sur le terminal. Une mire rouge tourne un instant à l'écran, vite remplacée par la fiche d'une parfaite inconnue : Octavia de Jailly, une blonde affable, vaguement ressemblante et qui porte comme elle les cheveux courts.
— Attention, ça ne fonctionne que pour les caméras de sécurité et les vérifications simples, précise Céline. Alors, n'essayez aucune authentification biométrique poussée sur des bornes publiques, vous seriez repérés instantanément.
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TURBA
Science FictionPour Marie de Glaz, quitter cette foutue planète est l'objectif ultime, le rêve de toute la colonie. Cela fait bientôt deux siècles que tous s'épuisent à rassembler suffisamment de gula pour un nouveau départ. Mais TURBA, un mouvement contestataire...