Continent Panas
à l'approche du Bloc 17
De prime abord, Panas donne l'impression d'un continent morne et monotone : un relief principalement plat, à l'image d'un désert de sel brun, parsemé de taches rougeâtres et zébré de ravins profonds qui s'enfoncent dans les entrailles de Langkah. Cependant, un œil averti relèverait un motif dans les craquelures qui morcellent la surface ; elles semblent toutes s'aligner pour mieux rejoindre le rift gigantesque, pour l'instant invisible, qui crevasse Panas à des centaines de kilomètres d'ici. Parfois, ces fractures deviennent de véritables canyons d'où s'échappent des remontées de gaz prenant la forme de cheminées tortueuses et colorées qui s'élancent à l'assaut du ciel et des vents violents de la planète. Ces tuyères géologiques restent les seuls monuments de Panas, mais elles ne s'élèvent jamais plus haut qu'une grosse colline, les tornades leur rappelant vite qu'il est inutile de s'opposer à leur violence. Ainsi, des orgues brisés parsèment le décor ; bariolés de jaune, de vert et de violet, ils dégagent des fumerolles rapidement dispersées par les vents. Plus on se rapproche du rift, plus ils sont nombreux. Parfois, les canyons deviennent si larges et les dégazages si importants que les couches géologiques se fragilisent en surface et s'effondrent sur elles-mêmes, engloutissant les monticules mordorés et laissant derrière elles de profonds cratères. Les plus grands d'entre eux sont gigantesques et s'étalent sur plusieurs kilomètres. Les failles descendent alors si loin sous la croûte de la planète qu'elles atteignent souvent des poches magmatiques. Celles-ci remontent à l'air libre et viennent remplir la cavité effondrée, donnant l'impression d'un bol de soupe bouillante creusé à même le sol.
Par chance pour les colons, ces dépressions géologiques s'accompagnent généralement de réservoirs de gula en grande quantité et facile d'accès ; ils affleurent en nombre, faisant apparaître des nappes ambrées de matière qui cristallisent aussitôt sous la forme de cristaux dorés. Leurs accumulations aux abords des cratères s'empilent, enflent et se recouvrent, créant des cathédrales de cristal translucide dont la teinte fluctue entre le bronze et le caramel sous le soleil de plomb de Langkah. Les flèches vermeilles bougent presque à vue d'œil, poussées par les remontées de gula en surface. Mais les plus beaux cristaux sont fragiles et ne possèdent qu'une courte durée de vie, quelques mois tout au plus ; les vents de plaine, chargés de sable et de particules corrosives, viennent rapidement à bout de leur structure : ils les érodent, éparpillant des limailles de gula aux quatre coins du globe. Le cristal, inerte, n'est pas dangereux en soi. Mais il est aussi friable que sa poussière est acide ; elle entraîne des insuffisances respiratoires à ceux qui l'inhalent en grande quantité. À l'échelle de la planète, que les vents charrient ces particules fines ne pose pas de soucis et peu de personnes en ville se plaignent d'en être incommodées. Mais ce n'est pas le cas des colons exploitant les carrières de gula, contraints de porter de lourds équipements de protection pour éviter de nombreuses maladies chroniques.
L'environnement immédiat des cathédrales de cristaux, assaillies par les vents de Langkah, est donc un lieu grandiose et merveilleux, mais hostile et mortel pour de simples humains. S'il s'agit de sa configuration la plus facile à manipuler, le cristal n'est malheureusement pas la forme de gula que les colons exploitent le mieux. En effet, la substance ne révèle ses caractéristiques physiques et chimiques exceptionnelles qu'à l'état liquide, ou plutôt, sous la forme d'une mélasse vermeille qui sature les réservoirs à plusieurs kilomètres sous la surface. Une fois à l'air libre, la matière cristallise vite ; reliquéfier le solide obtenu demande une telle quantité d'énergie qu'il est préférable d'extraire directement le gula du sous-sol et le maintenir sous pression et température. Les colons connaissent cinq cratères similaires au Bloc 17 sur tout le continent de Panas.
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TURBA
Science FictionPour Marie de Glaz, quitter cette foutue planète est l'objectif ultime, le rêve de toute la colonie. Cela fait bientôt deux siècles que tous s'épuisent à rassembler suffisamment de gula pour un nouveau départ. Mais TURBA, un mouvement contestataire...