1 - Tour de piste (2/2)

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— T'as quel âge Marie... 25 ans cette année c'est bien, ça ? demande Alain en changeant soudainement de sujet. La jeune femme acquiesce du menton tout en suivant du regard son cousin qui aligne son bolide sur la ligne de départ.

— Oui... La majorité l'année prochaine.

— T'as changé d'avis pour le fourchettage ?

Marie secoue la tête. À ses 26 ans, l'Amirauté lui proposera d'intégrer une des trois corporations qui l'auront retenue pour ses compétences. Ainsi fonctionne l'évolution sociale dans la colonie : tout est contrôlé par l'Amirauté, même la répartition des métiers. Les Intra-Muros — ou « Intra-M » — occupent ainsi les positions de pouvoir sur Langkah. Refuser un tel poste est possible, mais cela signifie être relégué au rang d'Extra-Muros et chercher fortune au milieu de la jungle urbaine qui croît autour des capsules, comme la majorité des colons n'ayant reçu aucune proposition d'intégration.

Marie ne se fait aucune illusion : vu le statut de sa famille et le résultat de ses recherches, on ne lui proposera qu'une seule option : rejoindre définitivement les ingénieurs de l'Amirauté et suivre les traces de ses parents.

— Non, je suis toujours décidée, mais nous en avons déjà discuté : un poste aux ateliers ne m'intéresse pas. D'accord, c'est prestigieux, mais ce n'est pas ce que je recherche : je veux être pilote et je ferai tout pour le devenir, répond avec fermeté la jeune femme.

— Réfléchis bien à ce que cela signifie.... Pilote, c'est un métier dangereux et solitaire. Rejoindre les ateliers t'assure une place chez les Intra-M... Tu perdras cette opportunité en devenant transporteur.

— Pourtant, toi, tu as bien refusé, proteste Marie en se tournant brusquement vers son aîné. Tu as quitté les capsules pour devenir Extra-M, et Cornac en plus !

Alain écarte les bras, puis il s'éponge le front en soupirant :

— Cornac est ma vocation... Rien n'était bon pour moi dans les vaisseaux-capsules.

— C'est la même chose pour moi, je t'assure ! Je ne veux pas rester enfermée aux ateliers, à réparer des vaisseaux quand d'autres mecs les pilotent !

Marie est furieuse. Elle se lève et pointe du doigt son glisseur parqué sur le bord de la piste.

— La course parle pour moi, j'ai encore gagné cette fois ! ajoute-t-elle. Je suis peut-être une bonne ingé, mais je suis aussi une bonne pilote. Peut-être même un des meilleurs.

— T'as gagné de peu, reprend son oncle en levant les deux mains en signe d'apaisement. Les deux derrière toi n'étaient qu'à quelques centièmes de seconde de ton vaisseau.

— Mais le résultat est là, bougonne-t-elle en se détournant de lui. Je pense que ma place dans la colonie est au pilotage de transporteurs, nulle part ailleurs.

Alain a l'air déçu. Il prend une grande inspiration, mais renonce finalement à convaincre sa nièce, elle est trop têtue. Il pose nonchalamment les yeux sur le circuit et regarde les bolides tourner à toute vitesse. Alex a déjà pris la tête de la course et creuse l'écart sur ses poursuivants.

— Marie... ose-t-il dire d'une voix douce. Peux-tu me rappeler la devise du fourchettage ?

La jeune femme lui jette un coup d'œil. Devant le calme de son oncle, elle revient s'asseoir près de lui en lâchant un soupir. Elle appuie ses coudes sur ses genoux, les mains soutenant son menton, comme vidée de toute force.

— « Un poste à chacun, là où il excelle le mieux », siffle-t-elle entre les dents.

— Bien, tu prétends être meilleur pilote qu'ingénieur. Regarde donc un peu la course.

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