15 - Un crépuscule sur Langkah

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Cockpit du T21

Survol de la Bande

Traverser le mur thermique de Panas vers la bande habitable de la planète est bien moins impressionnant que dans l'autre sens ; du moins, l'épreuve ne procure pas cette sensation à couper le souffle qui avait saisi Marie la première fois. Bien au contraire : si le méridien de Dante présente toujours des pics acérés que le transporteur dépasse à vive allure, l'expérience se traduit par un plongeon dans un océan de nuages. Non seulement les vents font grincer le vaisseau au fur et à mesure de sa descente, mais les turbulences deviennent franchement désagréables lorsque le T21 s'engouffre dans le matelas de coton gris orage qui tapisse la vallée. En un instant, la cabine s'assombrit ; seules les alertes du tableau de bord permettent d'y voir quelque chose. Le transporteur entre dans le Galopin à toute vitesse, il secoue et gronde, comme si des géants invisibles lui assénaient des coups terribles aux flancs, tandis que Daphné tente de lui faire recouvrer son assiette. Au bout de quelques secondes, DaDa rallume l'affichage holographique du vaisseau, ce qui procure aux passagers deux émotions successives particulièrement contradictoires : le réconfort d'un cockpit mieux éclairé avec un horizon sur lequel accrocher son regard, tout de suite remplacé par une peur viscérale engendrée par les zigzags serrés du T21 entre les pitons rocheux. Mais la traversée du Galopin n'est que de courte durée, une dizaine de minutes tout au plus, malgré tout vécues comme un calvaire par les voyageurs. Retrouver les plaines d'herbes grasses de la Bande a du bon. Marie ne peut s'empêcher de pousser un soupir de soulagement quand les dunes paresseuses de Langkah remplissent enfin les écrans de l'habitacle, tandis que Justine, blême à ses côtés, retient encore sa respiration. Décidément, la jeune femme n'apprécie pas les voyages en vaisseau. Pourtant, ce n'est pas son premier aller-retour, elle doit revenir sur la colonie régulièrement, à chaque rotation d'équipes. Elle effectue probablement ce trajet une dizaine de fois par an, mais à bord d'un transporteur de troupe, bien plus stable et bien moins dangereux qu'un convoyeur de gula. Si chaque voyage se veut périlleux, le style de pilotage tout particulier de Daphné ne doit pas être étranger à son angoisse... Malgré tout le risque est faible aujourd'hui : les conditions de vol sont optimales et le cargo n'est pas alourdi par une cuve instable et explosive.

Traverser la Bande dans sa largeur prend du temps et SVP ne se montre pas une seule fois tout le long du trajet. Marie le soupçonne de vouloir imposer Daphné comme pilote exclusif, afin d'énerver Justine au maximum. Ce n'est que lorsque le relief de la planète s'accidente à nouveau que Samuel daigne les gratifier de sa présence.

— Tu peux me rendre ma place ? demande-t-il à Justine en surgissant dans son dos.

La jeune femme s'était assise sur le siège du commandant, laissé vide au décollage du transporteur. La technicienne s'exécute de mauvaise grâce et s'attache au strapontin à côté de Marie.

— Tu viens finalement faire le job pour lequel on te paie ? lui glisse-t-elle en passant.

Le pilote hausse les épaules et se vautre dans le fauteuil. Désinvolte, il bascule le dossier et arrière et pose les pieds sur le tableau de bord.

— Je le fais déjà, ce job... lui répond-il en maugréant. Là, je pilote, si tu ne l'avais pas remarqué.

— Ben voyons... À part ton IA tarée, y a pas grand monde aux commandes.

— Au lieu de râler, tu ferais mieux de regarder à l'extérieur et de te préparer, nous arrivons sur Dingin.

— Il faut s'attendre à quelque chose de particulier ? s'inquiète Justine. Un nouvel enfer ? Comme le mur thermique ?

Samuel lui jette un regard de côté et lui sourit.

— C'est la première fois que tu voyages dans ce secteur de la planète, hein ? Comme les rigs sont pratiquement tous répartis sur Panas, les occasions manquent pour visiter cette partie du globe.

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