— Ravi de vous revoir, mademoiselle de Glaz, salue un militaire en entrant dans la pièce à grands pas.
Marie reconnaît sans peine le commandant Henry Carter-Yuko qui l'avait interrogée suite à son arrestation dans le quartier du Val d'Or. Le soldat s'est débarrassé de son armure d'impact pour un costume intra-M strict, rehaussé d'épaulettes rouges, la marque du premier cercle de l'Amirauté.
Marie ne renvoie pas la politesse, elle n'en a pas la force. Deux insectes humanoïdes la maintiennent contre le mur, ils lui interdisent de bouger pour rejoindre Samuel allongé derrière le canapé. Un autre militaire lui fait écran, l'empêchant de voir l'état de son ami ; Carter-Yuko se penche par-dessus l'épaule du soldat et il sourit de toutes ses dents.
— Ce bon vieux SVP, s'amuse-t-il. Toujours fourré dans les pires situations. Avec un peu de chance, il va s'en sortir, l'animal.
— Il va bien ? Croasse Marie en cherchant à dégager son bras.
— Inconscient, c'est le mot, les armes de mes hommes n'étaient pas en position létale. Je ne garantis rien, cela dit, ajoute-t-il avec un sourire mielleux.
L'électricité est revenue dans l'appartement investi par l'armée. Un exosquelette se charge de Judith de Glaz en pleurs et lui fait quitter la pièce, un autre ramasse le terminal sécurisé et le branche à une console militaire ramenée pour l'occasion.
— Qu'en est-il, Umti-Sato ? Demande Carter-Yuko.
— Un logiciel espion, commandant, lui répond le militaire à travers son casque. Il ciblait des données confidentielles.
— Il a trouvé une brèche ?
— Oui, mais il n'a pas eu le temps de router les data. Les contremesures sont efficaces, les flux sont bloqués. Il reste un kyste de virus récalcitrant, mais on est sur le coup : tout va rentrer dans l'ordre.
— Parfait ! déclare Carter-Yuko en gratifiant le militaire d'une tape sur l'épaulière.
Marie baisse la tête : ça a foiré.
— Ne soyez pas trop dure avec vous-même, mademoiselle, c'était perdu d'avance. Désolé de vous décevoir, mais vous êtes tombés dans notre piège.
— Que voulez-vous dire ? grimace la jeune femme.
— Chaque chose en son temps. Lieutenant ! ordonne-t-il au soldat qui s'occupe de Samuel. Stabilisez Vogel-Poulon, je souhaite pouvoir lui parler dans l'heure. Faites en sorte qu'il soit vivant à ce moment-là.
L'armure de céramique acquiesce et injecte au pilote le contenu d'une petite fiole jaune. Samuel se plie en deux, mais reste évanoui. Les lumières de la pièce clignotent bizarrement ; elles s'éteignent encore, puis regagnent en intensité.
— Le circuit électrique est défaillant dans le quartier, s'étonne Carter-Yuko en levant les yeux. Demandez l'intervention d'une équipe d'entretien à notre départ.
Puis il tourne les talons et sort de la pièce. Les deux militaires silencieux qui encadrent Marie débloquent leurs articulations et la poussent vers la sortie de l'appartement.
***
— Je dois vous remercier, grâce à vous, je viens de clore le sujet TURBA ! se réjouit le commandant en entrant dans son bureau.
Le quartier général de la brigade des Indivis se trouve à un étage élevé du vaisseau numéro 3, à quelques minutes en glisseur des premières habitations. Si la garnison en tant que telle stationne dans les soubassements des capsules et en périphérie de Langkah, les têtes pensantes se dorlotent au chaud, à proximité des cercles de pouvoirs, quelques passerelles plus haut.
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TURBA
Science FictionPour Marie de Glaz, quitter cette foutue planète est l'objectif ultime, le rêve de toute la colonie. Cela fait bientôt deux siècles que tous s'épuisent à rassembler suffisamment de gula pour un nouveau départ. Mais TURBA, un mouvement contestataire...