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Le vaisseau frissonne dans un chuintement de métal et de céramique. Marie sent le ronflement des turbines à travers la cloison, la paroi plaquée contre son crâne vibre, émet un grincement métallique puis se met à trembler. Un sifflement strident devient de plus en plus fort. Le grésillement électronique qui l'accompagne gagne en intensité pour envahir tout l'habitacle et se perdre dans les aigus. Dans les entrailles de la navette, les pulsations des générateurs grondent et s'affolent. La jeune femme se trouve à l'arrière du vaisseau, à proximité des propulseurs : l'atmosphère de sa cachette devient pesante au fur et à mesure que le transporteur relance ses compresseurs. Un peu de poussière se soulève des interstices coincés entre les cloisons, manquant de faire éternuer Marie qui s'accroche autant qu'elle le peut. Elle n'entend plus ce que dit Samuel à son copilote dérangé, mais c'est le cadet de ses soucis pour l'instant. Son genou lui fait mal et une crampe menace dans son épaule droite. Elle doit tenir le coup quelques minutes encore. Le vaisseau tangue tandis que les pinces d'amarrage le relâchent. La navette rétablit son assiette et les turbines rugissent pour compenser l'appel soudain de la gravité. Marie se cogne le front contre le montant de carlingue, le transporteur a basculé en avant pour se dégager de sa zone de stationnement. La jeune femme jure tout en essuyant la sueur qui lui colle les yeux : le réduit est devenu une fournaise, car le retour des circuits de refroidissement court juste derrière son dos. Les moteurs s'emballent et la bête de carbone avance doucement. Elle sent le monstre de métal prendre de l'altitude et se caler devant les portes aériennes. Marie imagine la scène qu'elle a vue des centaines de fois : la couverture de céramique se déplie comme une fleur dont les pétales glisseraient le long des travées métalliques. Le vaisseau attend patiemment en vol stationnaire que la totalité du portail de sécurité s'ouvre, puis il bascule en arrière et gagne en hauteur. Les réacteurs prennent le relais des propulseurs magnétiques et la navette s'échappe de la zone portuaire.

Marie ressent l'accélération de transporteur qui soulève son énorme réservoir de gula. Le vaisseau roule sur sa gauche et accélère, tandis que le vrombissement électronique des propulseurs s'amenuise et que les réacteurs poussent de plus en plus fort. Marie sent sa poitrine se serrer tandis qu'elle s'agrippe aux armatures de la cloison. Elle y est presque. Selon ses calculs, le vaisseau devrait bientôt franchir les limites de la zone aérienne de Langkah et plonger dans les courants d'altitude qui traversent la grande plaine. Une fois cette limite dépassée, les vents le pousseront violemment sur plusieurs centaines de kilomètres en direction du nord et mettront la navette à rude épreuve, à tel point qu'un demi-tour ne sera pas envisageable. Rebrousser chemin ne pourra se faire qu'en sortant du corridor aérien, serrer au plus juste les montagnes puis revenir sur la colonie par le sud, bref, en perdant de nombreux jours de voyage. Aucun pilote n'accepterait ce retard, même pour un passager clandestin. Ils préféreront l'abandonner sur la plateforme de forage la plus proche, à des milliers de kilomètres d'ici.

Mais soudain, le transporteur pique du nez. Les rétrofusées rugissent et les propulseurs magnétiques s'allument d'urgence pour stabiliser le vaisseau. Marie est jetée contre la paroi, s'écrase sur la porte qui s'ouvre d'un coup sous le choc. La jeune femme bascule dans le sas de la navette, elle roule au sol, et percute le mur opposé en renversant sur son passage un extincteur fixé dans l'allée. Marie se redresse le souffle coupé avec une vilaine douleur dans la hanche. Le transporteur se maintient en vol stationnaire au lieu de filer à toute vitesse porté par les tempêtes d'altitude.

— Désolé Daphné, résonne la voix de Samuel depuis le cockpit. Je ne peux pas te laisser gagner.

— Comme ça ? s'indigne l'IA.

— Tu peux dire à ta copine dans la soute de sortir, renchérit le pilote.

« Et merde », pense Marie, tandis que son champ de vision se tapisse de taches colorées. Elle prend appui sur le mur et se relève complètement.

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