Chapitre 2

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- Pour cette première leçon, nous allons parler du livre que je vous ai donner en devoir pour les vacances d'été, est-ce que quelqu'un aurait la gentillesse de venir devant la classe et de nous parler de ce chef d'œuvre?

Mlle. Fletcher doit être la professeur la plus bizarre que le monde ait connu, rousse au cheveux frisés, peau parcheminée et vieille jusqu'au os. Si le monde était plus vieux elle aurait pu lui enseigner la philosophie. Ses ongles jaunis sont soigneusement déposés sur ses genoux dont le cartilage a sûrement été délaissé pour de la graisse, ses lunettes rouges accordées à sa robe à pois blancs tiennent avec souffrance sur le bout de son nez. Ses dents pleines de calcaires sont visibles par tous les élèves présents dans la salle. Ses yeux bleus transparents observent les élèves les uns après les autres pour trouver une proie. Ils s'arrêtent finalement sur un garçon aux cheveux charbonneux dont certaines mèches rebelles retombent sur son front et devant ses iris d'un bleu marine. Ses lèvres pâles commencent à trembler attendant l'appel de son prénom. Mlle. Fletcher le regarde avec tendresse et l'invite à venir devant la classe.

- Nicholas Baker, je vous en pris ne soyez pas timide mon grand, je suis sûre que vous avez des idées très intéressantes à partager.

Je m'avance maladroitement jusqu'au tableau noir en m'encoublant et en trébuchant une dizaine de fois sur les bandoulières des sacs de mes "camarades" qui eurent, une fois de plus, l'occasion de se moquer méchamment de moi.

- Arrêtez de faire le sac Baker et parlez nous du Loup des plaines.

- Le loup des quoi?

Encore une vague d'hilarité de la part de ces abrutis et un regard noir de la part de Mlle. Fletcher qui me fait comprendre qu'elle a compris que je n'ai pas lu le livre mais qu'elle me fera quand même parler quitte à me faire rougir de honte après la cinquantième minute.

- Le loup des plaines est un célèbre livre de l'écrivain Conn Iggulden, que vous avez vraisemblablement négligé durant ces longues vacances, me tromperais-je Mr. Baker?

- Non Mlle. Fletcher, mais je dois avouer que ce livre a l'air fort intéressant...

- Oui c'est le cas. Est-ce que vous pourriez au moins me donner une raison valable pour laquelle vous n'avez point eu le temps d'ouvrir ce livre? Une petite amie peut-être?

Quel sarcasme...

- Non Mlle. Fletcher. Si vous le voulez bien je le lirai pour la prochaine leçon et j'en ferai un travail complet.

- Ce serait fort ridicule de vous demander ceci Mr. Baker. Je n'aurai pas le même plaisir à vous tourmenter la semaine prochaine. Est-ce qu'au moins vous pouvez, à travers le titre, deviner de quoi parle ce livre?

Des moments de solitude j'en ai connu dans ma vie mais jamais comme celui-ci. C'est comme si le temps attendait sur moi, le silence, les mots. Ma bouche crispée ne savait pas quoi répondre mais bizarrement tous les abrutis qui se font une joie de se moquer de moi depuis que je suis entré en maternelle sont muets. Mlle. Fletcher me regarde attentivement sans prononcer le moindre mot, même les oiseaux ont arrêté de chanter. Je remarque que mes doigts sont gelés et que mes ongles sont enfoncés comme les racines d'un arbre dans mes paumes ce qui provoque un ruissellement rouge sur mes mains, mes genoux tremblent et mon T-shirt est perlé des traces de gouttes d'eau de mes pores à première vue, seulement ce n'est pas de la transpiration. Je tourne ma tête en direction de la fenêtre et aperçois les contours de mon visage sur le plexi glace, je vois un petit garçon effrayé, orphelin qui pleure les bras de sa mère. Soudain je me rends compte de la honte que je porte sur moi en pleurant comme un gros bébé devant tout le monde. Je décide de prendre mes jambes à mon cou et de partir loin de tout, dans la forêt.

Je cours, le vent frappe mon visage humide, mes yeux baignés de larmes chaudes essaient de les contrer sans réussite. Je finis pas m'arrêter devant un immense chêne et m'assieds sur la mousse humide qui recouvre les racines du géant. J'ai mal au cœur, je suffoque car l'air ne veut plus rentrer dans mes poumons, ma tête tourne à cause de l'effort que je viens de fournir et mes mains ensanglantées tremblent au même rythme que mes genoux que j'essaient de stabiliser avec la plus grande peine du monde. Mes yeux se révulsent, mes paupières deviennent lourdes, la seule image que j'arrive à distinguer est celle d'une jeune fille se penchant sur moi mais celle-ci est floue. La forêt devient noire comme tout le reste.

WOLVES - La prophétie du Grand LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant