XL. Vendredi matin

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« Mon cœur ? »

On me secoua doucement et je me réveillai en sursaut. Encore sous l’angoisse de mon dernier cauchemar, j’eus un mouvement de recul avant de reconnaitre Stéphane. Et comprenant mon erreur, je lui lançai pour me rattraper un timide et tardif sourire.

« Bonjour, commençai-je avec une voix encore toute enrouée de sommeil.

- Bonjour. Décidément, ta nuit aura été agitée. Tu es sûre que tout va bien ?

- Ce n’étaient que quelques cauchemars. Un câlin et je serai d’aplomb pour cette nouvelle journée. »

Il me scruta alors, légèrement dubitatif, mais ne relevant aucun mensonge dans mes yeux, m’ouvrit les bras pour que je m’y blottisse. Plaquée contre son torse nu, je déposai un baiser dans son cou avant de lui demander :

« Quelle heure est-il ?

- Aux environs de dix heures.

- Et comment as-tu dormi toi ?

- Plutôt bien. »

J’acquiesçai et une scène me revint.

« Tu es bien sorti avec Robin hier soir ou était-ce un rêve ?

- Non, c’était bien réel. »

Je hochai de nouveau la tête et m’écartai de Stéphane pour me lever.

« J’ai super-faim ! On a prévu quelque chose pour le petit-déj’ ?

- ‘Super-faim’ ? Rien que ça ! On n’a rien prévu mais je pensais qu’on pouvait ramasser nos affaires et retourner chez moi. On prendra des croissants au passage.

- Vendu ! J’adore les croissants !

- Je sais. »

Il enfila son tee-shirt et ne remarqua pas la surprise sur mon visage. Comment ça ‘il savait’ ? Voulait-il signifier qu’il se souvenait ? Oui, forcément. Comment saurait-il sinon ?

Plongée dans mes réflexions, j’attrapai machinalement de quoi me changer et allai dans la salle de bain. Alors que l’eau coulait sur ma peau, me purifiant des restes d’angoisse de la nuit, je repris le fil de mes pensées. Quatre détails tournaient dans ma tête et me chiffonnaient.

Le plus récent tout d’abord : les souvenirs de Stéphane. Jusqu’alors il m’avait semblé être la seule à retrouver la mémoire. Mais finalement les rôles étaient inversés : les seuls souvenirs qui me revenaient se révélaient être des réflexes acquis par l’habitude. Et de Stéphane, nous avions cru qu’aucun souvenir ne remonterait, comme si un black-out avait tout balayé définitivement. Mais en réalité, ses souvenirs semblaient revenir de manière si discrète qu’il ne s’en rendait pas compte. Peut-être que nos espoirs de retrouver notre ancienne vie retombaient sur lui. Enfin ‘nos espoirs’… les miens plutôt.

Et puis ce Robin qui ne cessait d’interférer. Bien qu’il ait été le meilleur ami de Steph’, je le trouvais un peu trop présent. Et trop louche : bizarre qu’il n’ait rien trouvé d’étrange dans nos comportements. Je n’étais pas sûre qu’il soit au courant de notre amnésie, mais il était assurément la dernière personne à qui je demanderai de l’aide.

Troisièmement : tous les indices qui semblaient indiquer que je me trouvais sur le départ avant l’amnésie. Presque toutes mes affaires étaient en fait chez Stéphane. Et contrairement à ce que ce dernier semblait penser, ce n’était pas un emménagement juste pour notre semaine de congé. Il était évident pour moi qu’il s’agissait d’une fuite. Mais pour combien de temps ? Et pourquoi ? Qu’est-ce que je pouvais bien fuir ? Visiblement je m’étais sentie en danger et cela pourrait expliquer le mystérieux coup de téléphone. Alors que je me questionnais, cela me revint tel un flash : la voix à travers le combiné, ce refus catégorique de se présenter et l’insistance dans la voix. Avais-je raison ? Et que pouvais-je bien fuir ? Avait-ce un rapport avec mes pleurs de la veille ? Je m’étais sentie lâche, je m’étais sentie fautive Et cela me faisait peur de ne pas savoir pourquoi.

Comme deux étrangersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant