XXVI. Difficile ce matin de quatrième jour

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Une odeur de brulé chatouilla mes narines, me réveillant. J’avais dormi du sommeil du juste tellement j’avais été éreinté, un sommeil sans rêve. Mais il fallait croire que je ne m’étais pas réveillé à temps. Quelle était donc cette odeur? Qu’est-ce qui avait cramé? J’avais beau avoir les yeux grands-ouverts, l’obscurité me ceignait de toute part. Et j’entendais des bruits précipités non-loin. Décidé à me lever enfin, je cherchai à tâtons l’interrupteur de ma lampe de chevet, me cognant brutalement contre le coin de la table-de-nuit. Je me retins de jurer: les réveils ne devraient pas avoir le droit d’être aussi difficiles!

Une fois la lampe allumée et un pantalon enfilé, je me dirigeai vers la porte menant au séjour. Un froid glacial me cueillit dès l’ouverture de la porte. Une des fenêtres était grande ouverte, et l’odeur de cramé plus intense.

«Léa? Tout va bien?»

Je me mis à imaginer le pire, encore dans les brumes du sommeil.

«Léa?

-Euh… Bonjour mon cœur!

-Que s’est-il passé?» lui demandai-je rassurée de la trouver sauve. Elle baissait les yeux, refusant de me regarder.

«J’ai… j’ai fait cramer des biscottes… Je n’ai pas fait exprès.»

La surprise me prit. Je la scrutais pour voir si elle se moquait de moi. Mais je ne pus rien déceler sur son visage recouvert de cheveux rebelles. Je l’attirai à moi et dégageai cette chevelure désobéissante.

«Comment as-tu réussi à faire cramer des biscottes? Ça ne se fait pas griller des biscottes.

- Même au grille-pain?»

Je ne pus réprimer un soupir et plongeai mon regard dans le sien, tellement heureux de la tenir là contre moi. Ses yeux brillaient encore de sommeil mais son teint était frais et son air doux. Elle tendit le visage vers moi, réclamant en silence un baiser, et je fus l’homme le plus heureux de la Terre pour m’exécuter sans délai. Ma princesse voulait un baiser pour se réveiller, ou pour devenir une bonne ménagère? Comment une femme aussi scientifique, avec l’habitude de suivre à la lettre des protocoles longs comme la Bible, pouvait-elle faire autant de bêtises en cuisine? Décidément, il fallait croire que la cuisine resterait mon espace, sans que cela ne me déplaise outre mesure. Léa s’était blottie contre moi, épousant mes formes des siennes, comme si le destin avait décidé qu’ici serait sa place. Comme si nous étions faits pour rester emboîtés.

Je me rendis compte brusquement de mon erreur, apparemment mon esprit ne voyait de manière si poétique «l’emboitement» de deux personnes et un flot de désir me prit soudainement. Je me détachai de Léa, et me dirigeai vers la fenêtre, faisant semblant de vouloir la refermer. Il fallait que je me calme immédiatement. Je la voyais pourtant brulante entre mes bras, j’imaginai sans problèmes la douceur de sa peau contre la mienne, ainsi que la pression de ses reliefs.

«Désolée, je voulais aérer.»

Oh, ce n’est pas pour cela que j’avais envie de la punir, loin de là. Ces histoires de biscottes cramées avaient été éjectées sans ménagement de mon esprit J’étais heureux qu’elle ne puisse entendre mes pensées et qu’elle n’imagine pas quel trouble était en moi et comment je l’imaginai.

«C’est toi qui doit avoir froid avec…»

Je ne complétai pas ma phrase, parce que justement c’était le fait qu’elle porte aussi peu qui devait la rendre sensible au froid. Elle ne portait après tout que le maillot de foot et une culotte, comme tous les matins précédents. Je tentais de ne pas imaginer sa tenue dans ma tête, tout en gardant mon regard dans le ciel derrière la fenêtre. Mais qu’est-ce qui me prenait de penser à tout cela? Je devais me calmer. Me calmer. Surtout que maintenant elle avait remis son maillot, contrairement à cette nuit où elle n’avait porté qu’une culotte. Non mais ce n’était pas possible! Je me retrouvais incapable de canaliser mes pensées, toutes semblaient prendre le malin plaisir à m’exciter un peu plus.

«Tout va bien Steph’?

- Oui, oui. Tu ne veux pas enfiler un pantalon s’il-te-plait?»

Je n’osai la regarder. Elle vint alors se planter devant moi, toujours vêtue de son maillot et me dis en rigolant:

«En effet, tu n’es pas si fâché que ça.» Elle me fit un clin d’œil et s’éloigna vers la chambre.«Je vais me couvrir un peu plus… à moins que tu viennes me rejoindre dans la chambre…»

Je me tournai vers elle, surpris, et cela la fit rire.

«Je blaguais! Je reviens tout de suite»

Elle passa la porte et la referma derrière elle. Je fus tenter effectivement d’aller la rejoindre, mais je préférai secouer la tête pour effacer ces idées perverses de ma tête. Je lui avais promis de lui laisser du temps, mais là elle me provoquait. Je ne savais combien de temps je devrai et pourrai tenir.

Je me concentrai alors sur notre petit déjeuner ‘si bien préparé’. Je jetai les biscottes brûlées à la poubelle et en sortis de nouvelles. Je mis en route la bouilloire électrique pour le café puis sortis céréales et confiture. J’entendis la porte de la chambre s’ouvrir et Léa se glisser derrière moi. Ses deux bras enserrent alors ma taille et elle se colla contre mon dos nu.

«Avoue que je suis un boulet…

-Mais non, t’as pas le sens pratique, c’est tout. Mais pourquoi vouloir faire griller des biscottes?

- Pour qu’elle soient chaudes»

Sa logique devait, au son de sa voix, lui sembler imparable, si bien que je n’insistai pas.

«Allez Mme Logique! A table.»

Comme deux étrangersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant