XXV. Léa's spleen

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«Cette journée a été fatigante et éprouvante pour nous deux. Viens.»

Il me tira doucement vers le lit. Il m’assit sur le bord et entreprit d’enlever mon pull et mon pantalon. Réalisant le bizarre de la situation, je me mis à rougir et me débattis.

«Léa, ne crains rien, je voulais juste que tu sois habillée confortablement pour dormir.»

Puis devant ma résolution ajouta :

«Bien, déshabille-toi seule. Je vais me préparer aussi.»

Sa fatigue se faisait de plus en plus ressentir et j’eu une pointe de culpabilité à le gêner ainsi. J’entrepris d’enlever mon pantalon, mes chaussettes et mon tee-shirt en silence, puis me glissai sous la couverture avant qu’il n’ait pu me voir. Lui enfila juste un caleçon et vint me rejoindre.

Blottie contre sa chaleur, je pris garde à ne pas penser à la tenue dans laquelle nous nous trouvions tous les deux. Je réclamai juste un baiser et il s'éxecuta malgré sa contrariété.

Nous nous couchâmes ainsi, quasi-nus, l'un contre l'autre, sans faire d'histoires. Stéphane était vanné et s'endormit de suite. J'entendais sa respiration se faire lente et régulière. Mais moi, le sommeil me fuyait. Dans le noir, collée contre son poitrail chaud qui se soulevait sous un rythme lent, épuisée malgré avoir dormi toute la journée, le sommeil me fuyait. Je n'aurais su dire si une appréhension me tenait ou si l'excitation pour demain n'était pas tombée, mais mes paupières restèrent grandes ouvertes pendant un temps qui me sembla une heure. Une heure sans réfléchir à toutes berzingues, juste à écouter le souffle de l'autre et à ressentir sa chaleur, sans même se demander pourquoi le sommeil ne m'emportait pas. Je ne sus détecter quand j’eu sombré.

"Qu'on lui coupe la tête!"

J'étais nue, dans un tribunal sombre et difforme, étiré en hauteur comme un chewing-gum écartelé entre une chaussure et un trottoir. Des gens, installés tous autour de moi derrière leurs pupitres et la tête cachée dans l'ombre, chuchotaient.

"Quelle honte!"

"Il existe encore des gens pareils?"

Les chuchotements et les murmures qu’ils prononçaient se transformaient en une brise glacée qui parcourait ma peau nue, se délectant de mes frissons de froid, de peur et de répulsion. Je me retrouvais au milieu d'un tourbillon glacé sans pouvoir réagir. Et malgré les courants d'air, leurs murmures étaient aussi distincts que si on les avait proférés à mon oreille.

"C’est inadmissible. Ecoutez-la geindre!"

"Une femme en plus!"

"Il faut qu'elle meure, les individus de sa sorte sont des virus, des plaies et des fardeaux pour notre société"

"Et ça ose se faire passer pour victime!"

Je tournais la tête dans tous les sens, essayant de voir ceux qui me jugeaient ainsi, mais l'obscurité resta sur leurs visages et je ne pus en discerner aucun. Pas la moindre compassion, pas le moindre effort. Je n’étais plus une femme, je n’étais même plus un être humain. Je n’étais plus qu’une créature abjecte et geignarde, un détritus qu’ils foulaient de leur mépris. Me rendant soudain compte de ma nudité, je ressentis honte et colère. Alors que je tentais de cacher sans réel résultat les parties les plus intimes de moi-même, je me demandais qui étaient ces gens qui jugeaient en l'humiliant.

Comme deux étrangersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant