Chapitre 5 : Filature et Daydream

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Nora avait faim. 

D'habitude, elle pensait toujours à manger avant d'avoir faim. Enfin, d'habitude, elle pensait à la nourriture plus qu'autre chose. Mais là quelque chose lui trottait dans la tête et du coup, elle avait faim. Logique. Nora avait un peu de mal à manger, néanmoins. C'était bien la première fois qu'elle se disputait avec son frère (la toute première fois depuis quelque temps, du moins). Ils avaient toujours été d'accords l'un avec l'autre ! Alors qu'est-ce que c'était que ça... Juste pour une histoire d'isolement... En fait, elle avait été la plus stupide des deux, à y repenser. Peut-être devait-elle juste le laisser tranquille. Ca n'était qu'un adolescent. 

Elle était déçue de se faire à l'idée que son frère ne serait plus jamais comme avant avec elle, mais elle devait s'y résigner. Coûte que coûte. 

Elle se tritura une des ses longues mèches brunes entre les doigts, fixa le plafond de sa chambre en grommelant. Maintenant elle s'ennuyait. Sans son frère, sans ses amies, sans rien d'autre à faire que de ruminer des idées noires en se roulant sur son lit en pyjama licorne. Elle se redressa furieusement, sauta du lit, fit quatre tours autour de sa chambre et finit par sortir, excédée par son propre stress. Elle ouvrit la porte de la chambre de son frère à la volée, sourcils fronçés. 

Et resta debout devant l'entrée, sans savoir quoi faire. 

Les bibelots en pâte à sel datant de leur 5 ans lui souriaient fièrement sur une étagère croulant sous le poids des livres en tout genre. Le tapis noir et rouge lui rappelait son entrée au collège avec son frère. Elle observa religieusement le tas de fringues et de bouqins accumulés surmontés d'une douzaine de feuilles en papier. L'ordinateur était toujours là, sur le lit. 

"Tout est de ta faute, hein", pensa-t-elle.

Elle s'approcha de l'ordinateur portable, osant franchir le seuil, et souleva sans hésitation l'écran. Un code devait être entré. Après avoir tenté "Alec", "Nora", et d'autres trucs évidents comme la date de naissance ou de fête, elle abandonna avec un grand soupir. 

Bien sur. Si cet ordinateur était si problématique c'était parce que elle ne pouvait pas accéder à son contenu.

Après vingt minutes passées à tout tenter en vain, elle finit par retourner dans sa chambre avec un jus d'orange à la main et un sandwich dans la bouche, dans le but d'apposer un nouveau verni rouge bordeaux mordoré sur ses ongles de pied. Stupide occupation qui avait le mérite de lui retirer de la tête toutes ses mauvaises pensées. 

Une fois le sandwich avalé et le verre de jus d'orange vide laissé inerte sur le sol, elle entreprit de regarder les messages de son téléphone (son ennui avait atteint un point inimaginable). Elle allait pour l'allumer lorsque soudain il vibra comme un fou. Elle écarquilla les yeux, sourit et décrocha immédiatement. 

- Lola ! cria-t-elle. Alors comment ça se passe ? 

Personne ne lui répondit pendant un moment, elle n'entendait que des bruits de rue et une voix essouflée. 

- S... Salut ! répondit Lola entre deux respirations bruyantes.

- Tu est en train de courir ? 

- Je fais une filature. 

Nora baissa la voix, impressionnée. 

- Tu lui as parlé ? 

- Ouais. J'étais en train d'engager la conversation avec lui, mais... 

Nora hocha la tête. 

- Il est parti trop tôt pour que tu le mette en confiance ? 

Elle se gratta le menton, dubitative. Elle se sentait à la fois excitée de faire une enquête sur son frère de la sorte, et puis un peu honteuse de lui faire des cachotteries. Même si c'était lui qu'avait commencé. 

M. SmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant