Le collège semblait plus agité que jamais. Le nouveau s'était battu. La fin d'année était tellement chaotique que les profs n'avaient pas fait vraiment attention à lui jusqu'à maintenant. Mais on était le 15 juin et l'arrêt des cours était dans moins de deux semaines, alors il n'aurait pas fait de bruit bien longtemps.
Nora se pressa entre les élèves de troisième, ces grands bien habillés qui parlaient forts et riaient à gorges déployée, encourageant le surveillant (qui tentait de séparer les deux garçons) en l'appelant par son prénom.
Ils étaient là. L'un se roulant à terre, se tenant le ventre à deux mains, lèvre ouverte, l'autre, debout, supportant sans ciller les hurlements de "Myriam", grande blonde slave à la voix insupportable, qui lui hurlait dessus sa leçon de morale. Il s'était débrouillé pour envoyer son adversaire de cinquième au tapis en n'ayant que les cheveux ébouriffés, quelques bleus sur le visage et des marques rosâtres de griffures sur les bras. Il planta ses yeux noirs dans ceux, d'un bleu de glacier de l'arctique, de "Myriam".
- Fous-moi la paix, dit-il d'une voix rauque.
La Myriam ouvrit des yeux grands comme des soucoupes et se mit à beugler des ordres comme un bouledogue. Elle et le garçon disparurent derrière les buissons de la cour. Direction le bureau du principal. Ça allait être chaud pour lui.
Elle haussa les épaules. Un petit voyou fâché. Avec ça, la victime se tordait de douleur SEULE sur le macadam, et personne ne restait autour de lui pour lui venir en aide. Nora était d'un naturel avenant, mais elle devait avouer qu'elle se foutait ouvertement de son destin. Elle lui donna la main en marmonnant quelques paroles et se détourna, préférant s'assoir sur un banc avec ses amies plutôt que de rester avec lui. Quel tête de pioche. C'était vrai qu'on avait envie de le frapper.
Oui, elle était de mauvaise humeur. Alec avait l'air mal, hier matin, quand il était rentré avec son psy. Et il avait refusé de lui dire ce qu'il FOUTAIT ce samedi, et comme si elle pouvait lui dire "oui alors en fait, j't'ai espionné, pardon hein, mais tu peux ARRÊTER de me mentir, steuplé ?!". Impossible ! Et ridicule. Seulement voila, c'était comme ça, et si elle avait pu lui dire comme ça, ou plutôt si elle avait eu le courage de lui dire comme ça, elle l'aurait fait. Mais Alec avait l'air plus fâché qu'elle, et elle savait que si elle l'avait chauffé un peu plus, elle l'aurait vu dans un état où elle n'aurait jamais voulu le voir.
Elle soupira lentement. Ses amies agitèrent leurs bracelets Pandora à 200 euros pièce, bien loin de ses spéculations nerveuses.
- Et toi, Nora ? demanda Tiffany d'une voix excitée.
La jeune fille releva la tête, perdue.
- Quoi ?
- Le nouveau ! clamèrent deux d'entres elles ensemble.
Elle se gratifièrent d'un rire niais.
- Et alors quoi ? Celui qui vient de se battre ?
- Oh ouais, la classe...
Nora failli s'enfuir en courant. Le sujet de conversation le plus gênant au monde pour elle. Les garçons.
- Je l'ai trouvé trop mignon quand il a tenu tête à cette grosse vache allemande, c'était génial. C'est rare. Les autres sont tellement plus coincés.
- Ouais, approuva Véro avec un petit sourire. C'est rare. Surtout qu'il a gagné.
- Justement, renchérit Tiffany. Justement... répéta-t-elle d'une voix savante.
- Du coup on te demandait ton avis, Nora.
Elle réfléchit quelques secondes et répondit, très sérieuse.
- Il n'avait aucune raison de se battre.
- Peut-être que si ! C'était Antoine, son adversaire, je te rappelle. Ce mec est chelou. 'Trouvez pas ?
Les filles hochèrent la tête. Nora baissa la tête. Elle ne s'y connaissais pas vraiment. En fait, elle se fichait du sujet en lui même et s'y intéresser ne lui apportait aucun plaisir.
- Il n'empêche qu'il l'a vraiment trop frappé. C'est un sauvage, ce mec. De toute façon le principal va l'exclure jusqu'à la fin de l'année, si ça se trouve. Alors cessez de rêver. C'est mort.
Elle avait du lancer un regard un peu trop farouche au visage peinturluré de Tiffany car celle-ci se rembrunit brutalement et croisa les bras, prête a cracher du venin.
- C'est pas ta faute, Nora. Toi qui vit avec un frère aussi étrange, c'est sur que tu ne dois rien y connaitre, aux garçons.
Elle lui sourit niaisement.
- Mais c'est pas grave, on t'aime bien quand même.
Nora ouvrit la bouche pour hurler, la referma et sourit, préférant s'incliner plutôt que de la frapper au visage. De toute manière elle s'appelait Tiffany, pensa-t-elle en fronçant les sourcils. Ses parents devaient pas l'aimer pour lui avoir donné un nom de connasse dés sa naissance. C'était comme si ils avaient prévu son avenir. Dans quelques années, Tiffany s'inscrira à un club de zumba, se coupera les cheveux en un carré plongeant et se fera un immonde balayage blond, avant de compléter son apparence par un ma-gni-fi-que trait de crayon à lèvre prune et un far à paupière couleur perle. Elle gueulera sur ses gosses toute la journée et fumera dans la voiture avec la fenêtre ouverte. Les cigarettes seront gratifiées d'un label moisi pour attirer les femmes de son genre. Par exemple "Skinny Bikini O%". C'était ÉCRIT.
- Ouais, renchérirent les autres, qui auraient probablement le même destin que leur "bestie de toujours".
Nora haussa les épaules, observa d'un air morne l'ensemble de la cour grouillant comme une fourmilière en soupirant. Dans les autres collèges, comment ça se passait ? Celui-ci représentait l'élite, les plus intelligents et les plus talentueux. Le pire c'était ça : ici, les gens comme Tiffany était malins. Alors ailleurs, combien y'avait-il de requins comme elle habillés comme des couverture de magazine de mode ? Elle la faisait gerber. Alec lui aurait probablement rit au nez en lui disant de mieux choisir ses amies. Alec...
Elle ferma les yeux, souffla du nez comme un boeuf et s'enfonça autant que possible dans le banc, attendant patiemment le bruit insupportable de la cloche de dix heure.Les cours s'éternisaient.
Quel ennui.
Tous les élèves se levèrent brutalement, sauf Nora, qui resta seule assise, à triturer son stylo quatre couleurs, pensive. La voix grave du principal lui fit relever la tête, et elle se leva en panique, s'inclinant sèchement comme l'exigeait le règlement, pour s'excuser.
- Je vous ramène le jeune homme. Bonne journée, madame.
La prof de français hocha la tête, d'un sérieux impressionnant, et poussa le petit caïd de la récréation vers sa table, une main sur son épaule.
Les élèves se rassirent dans un brouhaha déconcerté.
Depuis quand le principal absout les crimes des élèves sans aucunes représailles ? Nora jeta un coup d'oeil paumé au garçon qui s'assit derrière elle. Il la fixa avec effronterie, et elle du se détourner avec un claquement de langue, vaincue. Qu'est-ce qu'il foutait là ? Elle entendait déjà les piaillements de Tiffany et les autres.
Ça lui faisait mal à la tête.C'était elle la délégué de la classe. La fille, en tout cas. L'autre, c'était Robert, le gars qui avait vomi sur ses chaussures en CM2. Alors c'était à elle de lui parler.
La prof de français l'avait abordée à 16 heure 30, lorsqu'elle sortait du cours de math de l'immonde monsieur Roger. Vous vous dites que Roger n'est pas un nom de famille, et bien si. Il devait faire partie des gens qui se faisait appeler par son nom de famille au collège. Ceux qu'on appelle pas, parce qu'on se souvient plus lequel des noms est le prénom et vice-versa.
La prof de français n'était pas mauvaise, juste un peu cruche, et très vieux jeu. Le genre de femme qui a l'air simple et normale mais qui passe des week-end à adapter leur baraque au feng-truie, ou peu importe le nom du truc qui fait raboter des meubles juste parce que "l'énergie a du mal à passer". Elle voulait parler à Nora en tant que délégué "responsable" de la classe de sixième 3.
- Le nouvel élève, Mike, se sent un peu seul. Je crois qu'il a du mal à s'intégrer à la classe, qu'il comprend mal les valeurs fondamentales de l'établissement. J'aimerais que vous soyez pour lui une amie constructive et intelligente, qui lui dicte le bon savoir vivre. C'est très important.
Et elle avait ajouté avec un air de chaton battu :
- Il vit une période difficile.
Ce qui expliquait en partie la clémence surnaturelle du principal. Nora avait accepté. Comme si elle pouvait dire "navré, je traine pas avec les sauvageons".
Voila pourquoi elle se retrouvait, pendant un moment très perturbant de sa vie, en tête à tête avec un garçon inconnu qui de toute évidence, n'avait aucune envie de se faire dicter le bon savoir vivre.
Ils étaient devant le collège, l'un comme l'autre n'ayant aucune envie de se parler.
- C'est la prof qui t'envoie.
- Oui.
- Elle t'a dit qu'il m'arrivait des trucs pas cool ?
- Oui.
- Elle t'a demandé de devenir une amie ?
- Oui.
Nora se sentait un peu perturbée par toutes ces questions. Elle détailla le visage du garçon, ses cheveux roux en bataille, ses yeux noirs, ses marques sur le coups, son nez un peu trop haut et ses yeux trop enfoncés dans leurs orbites. Il avait tout prévu, semblait-il.
- On va faire un marché, d'accord ? dit-il en soupirant, comme si il avait déjà fait ça des milliards de fois.
Elle sentit soulagée.
Elle avait autre chose à penser.
Comme son frère.
- Ça marche. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ? demanda-t-elle en croisant les bras.
- Juste fiche moi la paix. Et si la prof te pose des questions, dis que je t'ai demandé de ne rien dire, que ça reste entre nous, genre je t'ai dit des secrets, ok ?
Elle hocha la tête, impressionnée par la vitesse de sa réfléxion.
- Et si tes amies stupides te demandent pourquoi tu traine avec moi sous demande de la prof....
Il soupira une deuxième fois. Nora haussa un sourcil. "Stupides"...
- ... Alors dis-leur la vérité.
Elle haussa l'autre sourcil, définitivement intriguée.
- C'est-à-dire ?
Elle n'avait pas l'impression qu'il y ait quoi que ce soit à dire par rapport à leur relation. Le néant.
Il lui adressa un sourire en coin, avec un pauvre regard. Il avait l'air faible, tout d'un coup.
- Dis-leur que tu te fiche totalement de moi ou de ce qui m'arrive, que tu fais juste ça pour plaire à la prof. Salut, conclut-il en faisant volte-face.
Elle ne dit strictement rien.
Le pire, c'est qu'il avait raison.Plus loin, à moins de deux kilomètres de là, Alec se planta les ongles dans la paume pour se donner du courage.
Il observa les eaux tourbillonnantes du canal.
Puis, sans aucune hésitation, il sauta.----------------------------------------------------------------------------------------
Hey hey... C'est Garanace... Si jamais quelqu'un passe par là alors merci beaucoup. Je travaille énormément sur ce projet et j'en suis déjà au septième chapitre... C'est super cool. J'espère avoir un peu plus de popularité à l'avenir parce que je n'aime pas vraiment parler pour moi-même...
N'hésite pas à commenter.
SCHUSS
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M. Smith
AdventureNetMoney, l'entreprise qui a tout perdu, et dont la faillite à fait trembler les US. Le coupable n'est autre qu'un enfant de douze ans, Alec, qui possède un talent évident pour le piratage, et qui n'a aucune idée des conséquences de ses actions. Or...