Chapitre 23 : Le 22ème et petits fours

9 2 5
                                    

Elle lui devait bien ça.

Carmen jeta un coup d'œil de part et d'autre de la rue avant de s'élancer à pas nerveux sur le passage piéton. Un passant la regarda de haut en bas d'un air hautain, jugeant sans doute ses goûts vestimentaires désastreux.

Elle avait enfilé à la va-vite, sans trop se préoccuper de l'ensemble, une robe rouge pétante en soie qui devait dater de 1992, et ses converses blanches, qui dépassaient sous le tissu et cassaient complètement le look chic qu'elle avait tenté de se composer.

Gênée pour beaucoup de raisons différentes incluant le port de robe, de mascara et de rouge à lèvre, elle évita le regard du passant et serra contre elle son sac à main en simili cuir.

Qu'est-ce que je fous là.

Depuis cinq minutes, les quartiers se faisait de plus en plus classes, les immeuble se faisaient plus haut et les regards se faisaient plus insistants. Les femme en fringues de designer se pressaient en répondant à leur amies par oreillette, les hommes regardaient l'heure sur leur montre Cartier en accélérant le pas, engoncés dans des costumes Armani ou Hugo Boss. Les trottoirs en pierre pâle devenaient plus réguliers, des grands pots de fleurs et des fontaines bordaient les avenues, et ça sentait la richesse et les fleurs.

Elle n'était pas vraiment habituée et commençait à se dire qu'elle n'avait rien à faire là. Ses insécurités l'assaillaient à chaque seconde et elle questionnait sa robe, sa coupe de cheveux ou son maquillage, les sourcils froncés et la mine sombre.

Elle lui devait bien ça.

Cette éventualité tournicotait dans sa tête depuis une semaine, et elle ne cessait d'y revenir, inlassablement. Ses yeux s'attardaient sur les vieux cartons de sa mère, elle avait soudainement retrouvé un tube de rouge ancien, datant sans doute de ses années de petite fille, et elle se surprenait sans arrêt à repenser au visage contrarié de Joël, penché sur sa coupelle, tendu, au moment où il lui avait proposé cette affaire.

Et puis elle avait pensé à Smith.

Pouvait-elle être utile à tout ça ? Danse avait, pour sûr, un lien direct avec NetMoney. Elle ne savait pas à quoi s'attendre, mais elle espérait trouver quelque chose, n'importe quoi. Elle voulait aider.

Son expérience lui avait appris que Smith était un homme pratique : il se s'embarrassait pas de poids morts. Et elle sentait qu'elle avait été un poids mort. Peut-être qu'en allant là-bas, elle allait pouvoir alléger les épaules de cet homme.

Une quantité d'information tourbillonnait dans son esprit, et la réponse qui s'en était dégagé lui semblait évidente. Elle devait y aller.

Elle avait appelé Joël deux jours plus tôt, pour lui annoncer d'une voix ferme qu'elle acceptait. Il avait répondu calmement, avec une pointe de soulagement et de gratitude. Avant de raccrocher, il avait soufflé un court "merci".

Toute cette situation l'avait donc amenée à côté de ce gratte-ciel intégralement vitré, qui avait du coûter très cher à louer, et qui avalait régulièrement des flots et des flots de gens riches. Des grands gars en costard gardaient l'entrée, et il lui sembla alors qu'elle n'arriverai jamais à rentrer là-dedans avec sa tenue.

Elle pesta intérieurement.

C'est parti pour la torture.

Environ à 100 mètres de la grande porte dorée qui servait d'entrée à la soirée,  elle s'accroupit derrière un pot de bégonia massif, et enleva ses baskets d'un coup de talon. Elle extirpa de son sac une paire d'escarpins noirs vernis, qu'elle avait eu pour 8 dollars à une friperie du centre-ville. Elle s'était vaguement entrainée à marcher avec, et étonnamment, elle se débrouillait vraiment bien. Elle les enfila et s'appuya sur le pot pour se relever, en soufflant comme un bœuf. Puis elle fourra ses baskets dans le sac et s'avança vers l'entrée en essayant de paraitre riche et heureuse d'être là.

M. SmithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant