L'air était devenu lourd.
L'atmosphère chaude d'été avait commencé à se compresser, et Joël pouvait déjà sentir une sorte d'électricité ambiante. Généralement, ça mettait tout le monde sur les nerfs. Ce jour-là, ça n'était pas une exception. Même Bertie semblait avoir perdu son air idiot.
Les têtes étaient basses, les épaules abattues, les respirations se faisaient lourdes et les regards, nerveux. Le ciel était d'une couleur blanche désagréable, et tout le monde pouvait sentir l'orage arriver, ce qui les laissait dans un état de tension permanente : comme quand on essaye en vain d'éternuer. Le temps semblait s'être arrêté.
Joël gardait les yeux rivés sur l'e-mail qu'il venait de finir d'écrire. Il craignait que ça paraisse trop artificiel, trop agressif, aussi. Il ne savait pas vraiment de quoi il avait peur. Ses parents restaient ses parents. Plus que ses tournures de phrases, ce qui le perturbait, c'était leur contenu. Comment annoncer à ses paternels qu'on ne les reverrait pas avant une autre longue année ? Les sacrifices s'alourdissaient et s'empilaient. Un nœud soucieux se forma au milieu de son front.
Au bout d'une bonne minute de débat intérieur, il parvint à se convaincre qu'il enverrait l'e-mail le lendemain.
- Temps de merde, hein ! dit Bertie en se retournant sur son siège.
Joël se sentait déjà à bout de patience.
- On peut dire ça, répondit-il sèchement sans lever les yeux.
Bertie non plus, ne devait pas être d'humeur patiente, puisqu'il se jeta sur une autre victime à torturer, déçu de la non-récéptivité de Joël. Ce dernier se tourna vers une fenêtre, la tête vide.
Il avait hâte qu'il pleuve. La chaleur n'était pas son fort. Dans tous les sens du terme, en l'occurrence. Mais c'était surtout l'impression que rendait une ville sous la pluie qui lui plaisait. Le temps était comme arrêté, mais pas dans un mauvais sens, cette fois. Il n'avait plus qu'à espérer que sa journée soit finie lorsque l'orage se déchainerait.
Motivé par l'ennui, il se leva de sa chaise et décida de rendre visite à Quinn. Les journées au bureau étaient vides d'action et d'occupations, mais c'était des heures payées. On faisait ce qu'on pouvait pour tuer le temps.
Quinn avait un bureau avec quatre murs lui, ce qui était très utile pour discuter tranquillement ou prendre le café. Le bémol, c'est qu'il était également très souvent utilisé pour les plaintes des clients ou les interrogatoires mineurs. En s'approchant de la porte vitrée, Joël entendit des éclats de voix. Sans se poser de questions, il tourna le bouton et entra, refermant doucement la porte derrière lui.
Ils avaient raison de mettre Quinn aux interrogatoires. Il était la personne la plus douce et la plus diplomate de la planète entière. Surtout avec les enfants. En parlant du loup : un gamin de 17 ans était assis sur la chaise en face du bureau, prostré comme un moine, le visage sombre. Un bandage s'enroulait autour de son front et disparaissait momentanément dans ses cheveux châtains.
- Tu n'as pas de prénom ? Pas de nom ? retentit la voix claire de Quinn.
Le gamin resta silencieux, les yeux rivés sur ses mains. Joël s'approcha discrètement de son partenaire et lui glissa à l'oreille :
- Il s'est battu ?
- Aucune idée. Il est probablement mineur, et il était dehors à plus de 4 heures du mat hier soir, expliqua calmement son ami. Non seulement monsieur s'est enfui de sa chambre à l'hôpital où il se faisait soigner, mais en plus il refuse de dire son nom, ou son adresse.
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M. Smith
AdventureNetMoney, l'entreprise qui a tout perdu, et dont la faillite à fait trembler les US. Le coupable n'est autre qu'un enfant de douze ans, Alec, qui possède un talent évident pour le piratage, et qui n'a aucune idée des conséquences de ses actions. Or...