M. Smith

Chapitre 16 : De l'eau et du poulet tomate gingembre

Le collège était un endroit déprimant pour Mike. Un peu à la manière d'Alec il souffrait constamment des autres. Sa différence avec lui résidait dans le fait qu'il ne se considérait pas supérieur à la planète entière. Il appréciait peu Alec. Quelque chose en lui le dérangeait. Il avait trempé dans tellement de choses malsaines ou illégales... A 12 ans ! En même temps, Mike n'était pas vraiment en mesure de dire quoique ce soit : si il était dans ce collège de péteux, c'était grâce à l'aide de Smith, et indirectement parce qu'il avait fait de grosses conneries. Même si celles d'Alec le dépassaient en tout point.

En parlant du loup, sa sœur devenait de plus en plus invasive. Il savait pertinemment qu'elle n'avait pas envie de s'occuper de lui, mais elle devait être de nature fouineuse : elle semblait toujours avoir envie de lui parler, de savoir plus de choses sur la raison de son arrivée ici, bla bla bla. Mon dieu, mais si elle savait ce qui lui tient de frère ! Elle avait cette petite expression hautaine, en permanence placardée sur son visage, comme si elle savait tout. Comme son frère. Elle non plus, Mike ne l'aimait pas.

C'était un garçon belliqueux, au sang particulièrement chaud. La vie lui avait appris à se servir de ses impulsions plus que de son cerveau. Il avait eu de nombreuses occasions de montrer ce qu'il savait faire, notamment car les enfants semblaient particulièrement repoussés par sa crinière rousse. Alors il se défendait. Mais il se servait mal des mots, alors très souvent, ça finissait en bagarre générale. On pouvait dire que Smith lui avait sauvé la vie. Il ne considérait en aucun cas Pete comme un potentiel paternel, mais voyait Smith comme un grand frère. Un très très grand frère.

Malgré sa réintégration dans la société "normale", Mike avait peu d'amis. Il passait le plus clair de ses récréations seul, et ça le foutait parfois en rogne. Il fut alors très surpris d'apercevoir Alec se diriger vers lui, tête baissée, à la pause de 10 heure. Mike regarda derrière lui, vérifia si Alec allait vraiment l'aborder lui. Il était la seule personne assise dans ce périmètre. C'était forcé. Il se tendit.

- Il faut qu'on parle, lui indiqua sèchement l'autre garçon.

Mike comprit qu'il s'agissait de Smith et obtempéra. Ils s'écartèrent promptement du reste des élèves.

- J'aurais aimé te parler de ton expérience avec Smith.

Il avait l'air stressé. Son regard était fuyant, son expression tendue. Mike n'avait pas du tout envie de parler de lui à ce mec chelou. Il croisa les bras et soupira.

- Pourquoi ? Tu as peur de la suite ?

Alec prit une grande inspiration et secoua la tête.

- C'est du nouveau, pour moi. J'ai du mal à comprendre pourquoi il se donne autant de mal. Et aussi... je voulais savoir si...

Il gardait les yeux rivés sur le sol. Mike ne l'aurait jamais imaginé perdre ses moyens.

- ... c'était déjà allé aussi loin... auparavant.

- Alors là, autant de prévenir tout de suite : je pense que tu bats des records niveau "poids de la connerie". Tu trempes dans de la sacrée merde, répondit l'autre garçon du tac au tac.

Alec sembla comprendre, mais se mordit la lèvre, anxieux.

- Penses-tu que Smith soit en mesure de se confronter à ce que je fais ?

Mike inclina la tête, sans comprendre. Mettait-il en doute les capacités de Smith ? Était-ce seulement possible que Smith ne parvienne pas à bout d'un de ses "boulots" ?

- Je veux dire : tu crois qu'il réussira à venir à bout de cette histoire ? J'ai trop de mal à le cerner. Tu le connais mieux que moi, poursuivit Alec en plantant ses yeux dans ceux de son interlocuteur.