Ceci est une légende que j'ai entendue pour la première fois dans la petite ville de *****, dans le Michigan, lors de mon voyage scolaire aux États-Unis. C'est Tania, la mère de ma famille d'accueil, qui me l'a narrée après avoir remarqué mon regard perplexe, posé sur une petite statue en porcelaine représentant Saint François d'Assise, placée sur une commode du salon. Voici comment elle me l'a racontée :
"Il y a environ 200 ans de cela, vivait une jeune fille de 14 ans, du nom de Frances Dax. Personne ne savait d'où elle venait : les uns affirmaient qu'elle s'était échappée d'un asile psychiatrique réservé aux plus dangereux malades mentaux, les autres disaient qu'elle était la fille illégitime d'un marchand ambulant hollandais l'ayant abandonnée pour des raisons inconnues. Des paysans l'avaient un jour trouvée blottie au fond d'une grotte creusée sous un talus, le corps secoué de tremblements incontrôlés : ils l'ont alors recueillie et lui ont offert le gîte et le couvert, en échange de sa participation aux travaux des champs."
"Dès son arrivée, des choses étranges arrivèrent dans le village. Le temps devint tourmenté et changeant : on passait en une fraction de secondes d'un ciel d'azur à une pluie diluvienne aux nuages sombres, mettant à mal les récoltes ; de nombreux enfants se plaignaient de violents maux de tête qui empiraient de jour en jour ; et les chevaux devenaient nerveux et difficiles à contrôler lorsqu'ils s'approchaient de la ferme où vivait Frances."
"Bien entendu, toutes les accusations se reportèrent sur la jeune fille : les ragots circulaient à une vitesse folle. Ne l'avait-on pas vue, une nuit, sortir par la fenêtre de sa chambre pour aller courir pieds nus dans les bois et jouer avec les bêtes sauvages ? Ou alors, n'a-t-elle pas, un jour, offert des fleurs à une petite fille de quatre ans, morte d'une pneumonie les jours d'après ? Au village, il n'y avait plus de doutes possibles : la présence de Frances était clairement nuisible. Rejetée de tous, la pauvre Frances n'eut d'autre choix que de s'exiler."
"Deux années passèrent. Puis, un jour, on annonça l'arrivée d'un cirque dans la région. Ce n'était pas souvent que l'on avait le droit à de tels évènements à *****, et la joie était à son comble pour tous les villageois. Les gens du cirque arrivèrent enfin à ***** et s'installèrent dans une clairière environnante. Des hommes forts proposèrent leurs services pour monter le spectacle, et on vit un jour se dresser un chapiteau écarlate."
"Il n'y avait plus grand monde aux champs ou dans les chaumières le soir de la représentation : les places se vendirent comme des petits pains, si bien que l'on dut rajouter des bancs pour ceux qui n'avaient pas de place. Toute la soirée, le spectacle fut grandiose : des animaux dressés exécutaient parfaitement des tours élaborés, les acrobates redoublaient de virtuosité, et les clowns faisaient hurler de rire les plus petits. On arriva au clou du spectacle : le Monsieur Loyal s'avança sur la piste et déclara avec fierté : "Mesdames, Messieurs ! Voici maintenant venu un numéro aussi incroyable que risqué ! Voici... Mary Wolf, la dresseuse de bêtes féroces !"
Le public retint son souffle alors qu'une belle jeune fille aux cheveux bruns ondulés, vêtue d'une simple robe grise, entra sur la piste, suivie de près par trois loups, un ours et deux lynx. Aucun de ces animaux n'était attaché, pourtant ils s'avançaient docilement derrière leur maîtresse. La dénommée Mary Wolf se plaça au milieu de la piste, ses animaux l'entourant en cercle, et leva les yeux vers le ciel : à ce geste, les loups hurlèrent en concert. Elle baissa le regard : ils s'arrêtèrent. Elle recommença, levant cette fois-ci sa main gauche : les lynx exécutèrent alors de curieux pas de côté, semblant danser sur le chant des loups. Elle leva la main droite, et l'ours en fit tout autant, se dressant sur ses pattes arrières. Le public avait le souffle coupé. C'était irréel. La dresseuse leva alors les deux bras au ciel, les mains ouvertes, alors les animaux se mirent à marcher en cercle autour d'elle. Le public applaudit à tout rompre, subjugué. C'est alors que l'irréparable fut commis, lorsque l'un des enfants cria :"Frances Dax ! C'est Frances Dax, la porte-malheur !"
Un silence de mort se fit sous le chapiteau. Alors les villageois reconnurent celle qu'ils avaient chassée deux années plus tôt. Ils commencèrent à protester doucement, puis de plus en plus fort : aux murmures se succédèrent les cris, la surprise fit place à de la haine.
"Hors d'ici !"
"Jetez-la dehors !"
"Elle veut encore faire pourrir nos récoltes et tuer nos enfants !"
"À mort !"La foule était en délire. La pauvre Frances, effrayée, s'enfuit dans les coulisses, ses animaux la suivant à la trace. Mais déjà des hommes sautèrent des tribunes et se jetèrent à sa poursuite. La jeune fille sortit du chapiteau et se dirigea vers les bois, une masse hurlante à ses trousses. Dans sa course folle, elle longea un ravin escarpé, mais elle trébucha sur une pierre et perdit l'équilibre... Les villageois arrivèrent au moment où elle se précipitait dans le vide, poussant un cri strident. On a ensuite raconté que les six animaux sauvages, comme fous de chagrin, se jetèrent dans le ravin à leur tour, pour suivre leur maîtresse dans la mort."
"Le corps de Frances ne fut jamais retrouvé, et ce dramatique évènement tomba dans l'oubli. Pourtant, quelque chose d'inhabituel commença à arriver : en effet, une vague de disparitions se propagea chez les animaux du village. Ces derniers s'enfuyaient de leur maison la nuit tombée et se dirigeaient vers les bois, pour ne plus jamais revenir. Dans les années 40, un petit garçon raconta avoir suivi une brebis se rendant à son tour dans la forêt sombre : cette dernière se serait alors approchée du ravin de la légende, et aurait bêlé tragiquement avant de se jeter dans l'abîme."
"Voilà pourquoi, dans le village, on peut trouver de nombreuses statues de Saint François d'Assise dans les foyers : ce dernier était entre autres le protecteur des animaux, et mettre une représentation de ce saint dans sa maison éviterait ce sort funeste à son animal. Bien entendu, ce n'est qu'une légende, mais la tradition a perduré depuis."
Je me souviens que juste à la fin de son récit, Cookie, son berger allemand, s'est approché de moi, une balle en plastique bleue dans sa gueule, la queue frétillante. J'ai souri et suis parti jouer avec lui dans le jardin. Les gens d'ici sont vraiment superstitieux...
Nous étions devant une fenêtre ouverte, lorsque je lui ai lancé la balle, un peu trop fort. Cette dernière a continué sa trajectoire en entrant par cette même fenêtre. Cookie, tout joyeux, a alors bondi pour la chercher. S'en est suivi un bruit de porcelaine brisée. Un mauvais pressentiment m'assaillant, je me suis engouffré dans le salon, pour constater les dégâts : en voulant rattraper la balle, Cookie avait fait tomber la statue. Il n'en restait plus que des morceaux éparpillés au sol.
Le lendemain, le berger allemand avait disparu.
Quelques mois après ce voyage, rentré en France, j'ai repris contact avec Tania pour lui demander des nouvelles. Mais Cookie n'a jamais été retrouvé.
Ne pouvant donner publiquement le nom de la ville, vous pouvez me contacter si vous vous apprêtez à partir au Michigan, et que vous avez des animaux : s'il s'agit effectivement de ce village, surveillez-les en permanence, sous peine de les perdre à tout jamais.
#Laura :)
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N'ayez pas peur. [Réécriture]
HorreurCeci est un livre d'horreur et certaines de ces histoires sortiront de ma tête avec un peu de vrai (exemple: dates, lieux,époques,...) et d'autres seront déjà des écrits circulant sur Internet. Pour cela, ne vous inquiétiez pas, je vais faire de nom...