Chapitre 35 : Ô

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  Lorsque je me réveillai, le soleil était là. Nous étions certainement le matin, mais j'aurais été incapable de donner une heure. Je m'assis en repliant mes genoux contre moi. Je mourrais littéralement de froid. J'étais dans une cage faite de bouts de bois et de sortes de lianes. Si j'avais eu ma baguette magique je n'aurais eu aucun mal à en sortir, mais à mains nues c'était peine perdu. Les cordages semblaient très serrés. Et de toute façon, je n'avais pas pour but de m'enfuir. Après tout, je les avais suivis sans rechigner. Je les avais suivis presque de mon plein gré.

J'étais au milieu des marécages en pleine forêt, seule, totalement seule. J'essayais de me souvenir comment j'avais atterri ici, sans y parvenir cependant. Je ne me souvenais que de ce qu'il s'était passé juste avant que je ne passe à travers cette étrange flaque d'eau.

Je visualisai parfaitement ma petite dispute avec Drago la veille, petite dispute qui me paraissait tellement idiote à présent. Je repensai au moment où j'avais eu le front appuyé contre les baies vitrées de chez moi et que j'avais entrepris de me tourner pour embrasser Drago et lui montrer que malgré mon humeur maussade, je l'aimais plus que tout. C'était là que tout avait dérapé. Juste avant de me tourner je les avais vus au loin sur la droite, sur la grande étendu de sable. Ils s'approchaient lentement, comme s'ils ne s'inquiétaient pas que je m'enfuis. J'avais aussitôt compris qu'ils venaient pour moi et uniquement pour moi. Et ma seule pensée, à cet instant précis, avait été d'éloigner Drago du danger. Après tout, il n'était pas directement concerné par cette histoire. Ce n'était pas chez lui que ces elfes d'eaux s'étaient rendus, mais bien chez moi.
J'avais alors accusé Drago de la première chose qu'il m'était passé par la tête, ne voulant surtout pas qu'il reste et qu'il affronte les elfes en bon héro.

Lorsque Drago avait transplané, j'avais aussitôt dit à mon elfe d'aller s'enfermer dans le placard. Pulie non plus n'y était pour rien et je ne voulais pas que les elfes de l'eau la voit. Quand je fus enfin seule et que les six créatures se postèrent enfin face à moi, je ne leur posai qu'une question.
" Est-ce vous qui m'avez envoyé ces lettres ?". L'un des elfes s'étaient avancé vers moi en hochant la tête. J'avais alors laissé tomber ma baguette sur les planches en bois de la terrasse.

Toujours d'un signe de tête, l'elfe qui m'avait répondu, m'avait ordonné de les suivre. Qu'aurais-je pu faire d'autre de toute façon ? Me battre ? Contre six créatures ? C'était peine perdue. J'avais donc choisis de les suivre en silence. Nous avions emprunté la même direction par laquelle je les avais vu arriver. Et à un moment, l'elfe qui m'avait semblé être le chef et guider le groupe, s'était arrêté au bord d'une sorte de flaque d'eau brillante. L'elfe qui s'était adressé à moi par des hochements de tête m'avait tendu son bras et c'est là que je l'avais reconnue. C'était l'elfe que Drago et moi avions vu dans la forêt et certainement elle aussi que j'avais revu à la lisière de cette même forêt alors que j'attendais l'heure de mon cours de botanique près des serres. L'elfe avait plongé son regard dans le mien et j'avais presque eu l'impression qu'elle me souriait. J'avais finalement attrapé son bras et nous nous étions avancées dans un même mouvement dans cette étrange flaque bleu et scintillante.

Je ne me souvenais de rien après ça, juste que je m'étais sentis m'enfoncer dans cette substance étrange. Je me frottai vigoureusement les bras. J'avais si froid... J'étais à peine couverte alors que nous étions en plein hiver. J'allais tomber malade et en mourir. Peut-être que c'était leur but après tout, me faire mourir. Leurs lettres ne m'avaient en effet jamais paru très amicales.

Du bruit me fit soudain relever la tête, l'elfe que je commençai à reconnaître facilement à présent, apparut. Elle marchait dans ma direction et bientôt d'autres arrivèrent à sa suite. Six au total. Surement les six de la veille. Ces créatures ne semblaient nullement souffrir de la température. Elles étaient en effet à peine couvertes, me laissant le loisir d'admirer leur jolie peau bleutée. Une fois face à ma cage, les six elfes s'arrêtèrent dans un même mouvement. L'un d'eux fit un signe de tête dans ma direction et l'elfe que je connaissais ouvris la cage et me fit signe de sortir. Je me relevai alors, en tremblant, pour exécuter l'ordre. Je ne savais pas si je tremblais parce que j'avais froid ou peur. Surement un peu des deux.
- Nous n'avons pas le droit à l'erreur Ô, fit remarquer la créature qui semblait être le chef.
C'était la première fois que j'entendais le son de leur voi. Elle était grave et plate.
- Elle a les marques, répondit celle que je connaissais.
Il n'y avait absolument aucune intonation dans ce qu'ils disaient. Était-ce leur manière de communiquer ou était-ce seulement approprié à ce moment ?
- Elle ne les avais pas la première fois que tu l'as vue, signala le chef.
Personne ne répondit.
- Ô ? Insista le chef.
Ainsi c'était son prénom.
- Elle n'avait peut-être pas l'âge requit, répondit Ô.
- J'ai dix-sept ans, me permis-je soudain de dire.
Ils me fixèrent tous d'un air choqué. Peut-être n'étais-je pas autorisée à intervenir, mais je voulais que les choses bougent. Je voulais savoir ce qu'il se passait, pourquoi j'étais ici et surtout ce qu'ils comptait faire de moi. Celle qui s'appelait Ô s'avança davantage vers moi.
- On se fiche de quand elles sont apparues, dit-elle d'une voix toujours aussi plate en attrapant mon bras pour le lever. Elles sont bien là, c'est elle.
Un elfe s'approcha du chef.
- Elle a reçu les lettres qu'on lui a envoyées, elle a les marques sur les poignets et les cicatrices derrières les oreilles. Il n'y a pas d'erreur sur la personne. C'est impossible.
Ô me relâcha le bras.
- Attachez-là dans l'eau, dit alors le chef comme seule réponse.

Dans l'eau ? Dans l'eau ? Cela signifiait clairement qu'ils étaient au courant pour le sort que Voldemort avait lancé contre moi. Je tentai aussitôt de transplaner, mais en vain, mes pieds refusèrent de bouger. Que se passait-il ? Je tentai plusieurs fois de disparaître, mais rien n'y fis. Je ne pouvais pas. Et d'ailleurs quel jour étions nous ? Dimanche. Nous étions dimanche, le lendemain du réveillon de Noel. Le sort contre l'eau allait agir jusqu'à demain matin. Du moins, c'était tous les lundi matin que je le renouvelais. Une montée d'angoisse m'envahit et je reculai malgré moi jusqu'à l'intérieur de ma cage. Ô se tourna vers moi et fronça les sourcils en me voyant faire. Ils ne pouvaient pas être aussi cruels que ça, ce n'était pas possible ! Ils ne pouvaient pas me torturer ainsi. Narcissa m'avait raconté à quel point j'avais hurlé étant petite, lorsque mes orteils avaient noircis, je ne voulais pas revivre ça. Ô me fit signe de revenir près d'eux, mais je ne bougeai pas d'un pouce, trop effrayée.
L'elfe s'approcha alors de moi et attrapa fermement mon bras pour me forcer à ressortir. Elle me lança le même regard que Narcissa m'avait lancé un nombre de fois incalculable lorsque je faisais des bêtises étant petite.
- Tout de suite ? S'enquit Ô.
- Tout de suite, confirma le chef.

Un mince espoir s'immisça en moi. Le sort de protection fonctionnait jusqu'à demain. S'ils me mettaient dans l'eau et que rien ne se passait, que je ne souffrais pas et que je devenais pas entièrement noire, peut-être en concluraient-ils qu'ils s'étaient trompés de personne. Oui peut-être ! Surtout que malgré les lettres, mes cicatrices et marques sur les poignets ils n'étaient toujours pas surs que je sois la personne qu'ils cherchaient.
De l'espoir, il fallait que je m'y accroche le plus possible. Je n'avais plus que ça.

Ô m'attrapa de nouveau le bras et me força à la suivre. Elle s'arrêta juste devant une des nombreuses marres et me fit signe d'y entrer. Je regardai rapidement derrière moi pour constater que les cinq autres elfes me fixaient avec attention. Pourtant ils n'étaient pas suffisamment proches de nous pour nous entendre.
- Vous voulez me tuer ? Demandai-je alors à voix basse.
Ô ne me répondit pas et se contentant de faire un geste impatient en direction de la marre. J'y plongeai alors mes pieds, l'un après l'autre. Même avec la peur au ventre, j'eus la sensation d'être totalement idiote d'entrer dans l'eau avec des chaussures. Je me crispai soudain et l'elfe m'observa avec attention. C'était gelé, j'allais en mourir.
- Qu'elle rentre dans l'eau entièrement, ordonna l'un des elfes restés en arrière.
Entièrement ? Je n'allais pas y survivre ! Pas à cause de la malédiction que Voldemort m'avait lancé, mais à cause du froid. Ô me poussa légèrement dans l'eau pour m'inciter à y entrer complètement. J'avançai jusqu'aux mollets tandis que les larmes me montaient aux yeux. Que m'avait-il donc prit de les suivre ! Pourquoi ne m'étais-je pas défendue ? Pourquoi avais-je lâchement laissé tomber ma baguette à mes pieds. J'avais été tellement stupide !
- L'eau est glacée, soufflai-je le plus bas possible à Ô. Je vais en mourir.
Elle appuya de nouveau sur mon dos à l'aide de sa main.
- Je t'en supplies, murmurai-je dans un sanglot.
Cette fois-ci, je parvins à capter son attention et son regard se plongea dans le mien. Elle jeta discrètement un œil en arrière et me répondit enfin.
- Rentre d'un coup, murmura-t-elle si bas que j'eus du mal à l'entendre. Immerge toi de la tête au pied et se sera finit.
Il me semblait qu'elle avait un regard triste mais encourageant en même temps. Elle avait un regard qui me paraissait familier. Elle me faisait penser à Narcissa. C'était un regard désolé. Je décidai de lui faire confiance, car c'était le seul espoir que j'avais et plongeai alors dans la marre la tête la première. J'eus le sentiment que ma peau se resserrait au point de faire exploser mon corps. L'eau était si froide, qu'elle me brûlait. Je crus que ma tête allait exploser et que mes poumons allaient cesser de fonctionner.
Quand je ressortis enfin de l'eau, Ô me regardait d'un air effrayé.
- Ce n'est pas elle ! S'exclama l'un des elfes au loin.
Pour la première fois, il y avait de l'intonation dans ce qu'ils disaient. Tous les elfes se fixèrent les uns les autres et profitant qu'Ô ne me regardait pas, j'entrepris de sortir de la marre secouée d'affreux tremblements.
- Qu'elle y reste, cracha l'elfe qui semblait être le chef. Attachez-là fermement.
Mon regard se décomposa au même titre que celui de Ô. Il fallait que je tente le tout pour le tout. Je me précipitai sur le sol boueux mais elle me cloua aussitôt au sol. J'essayai à tout prix de capter son regard, mais elle ne semblait pas vouloir me regarder. Elle me replongea avec force dans l'eau glacé et m'attacha fermement les mains entre elles. Elle prit une nouvelle corde, l'entoura fermement autour de mes deux mains unies et elle entra à son tour dans l'eau. Elle plongea dans la grande marre et lorsqu'elle en ressortir la tête, elle n'avait plus l'extrémité de la corde entre les mains. Encore une fois, je ne parvins pas à croiser son regard et lorsque je voulu sortir de nouveau de l'eau je constatai que je ne pouvais pas aller bien loin. Mes mains semblaient reliées au fond de la marre. Je voulus crier mais aucun son ne sortit de ma bouche, mes tremblements de transformaient peut à peut en spasmes douloureux, mais je parvins tout de même à entendre Ô me dire quelque chose à voix basse.
- Tiens le coup, je t'aide dès que je peux.
J'aurais voulu lui dire que je ne pouvais pas attendre, que j'allais certainement mourir dans les minutes qui suivaient, mais j'étais bien incapable de prononcer le moindre son. J'allais mourir dans une marre au beau milieu de la forêt loin de tout le monde, loin de Drago.


J'avais dû perdre connaissance car lorsque je repris conscience quelqu'un me frappait avec force dans le dos. Je me rendis presque aussitôt compte que je ne parvenais pas à respirer. Ma bouche était remplie d'une eau au goût immonde. On me tapa une nouvelle fois dans l'eau et enfin je toussai. Tousser était un faible mot, je vomissais presque. Ma gorge me brûlait affreusement.
- Chut...
Après quelques secondes, je parvins enfin à prendre une énorme bouffée d'air et je pus prendre conscience de l'environnement dans lequel je me trouvais. J'avais toujours les mains attachés, j'étais toujours dans cette affreuse marre, mais je n'avais plus froid. Plus du tout froid. Il fallait que je m'en aille ! Je tirai de toute mes forces sur la corde qui reliait mes mains au fond de la marre, provoquant des remous et des vagues sur la surface de l'eau.
- Ne fais pas de bruits, ils vont se réveiller, ma souffla une voix.
Je me retournai stupéfaite vers Ô. Il avait beau faire nuit, je parvenais à la distinguer presque parfaitement grâce à l'éclat de la lune.
- Tu n'as plus froid ? S'enquit-elle.
Je secouai la tête et ma réponse sembla la satisfaire.
- Comment ça se fait ? Demandai-je.
Elle ne répondit pas. Elle semblait en avoir envie mais quelque chose l'en empêchait visiblement.
- Je n'ai pas le droit de te parler. Si les autres apprennent que je suis là et que je t'ai aidée, ils me tueront.
Il n'y avait pas la moindre once de peur dans sa voix, non, elle aurait pu me parler du temps qu'il faisait, cela n'aurait rien changé à l'intonation de sa phrase.
- Merci, dis-je alors.
Après tout c'était la moindre de chose, elle m'avait aidé, elle m'avait peut-être même sauvé la vie. Bien sûr qu'elle n'avait pas le droit de me parler, j'étais en quelque sorte une prisonnière et elle venait visiblement de trahir les siens pour me venir en aide. Mais il y avait peut-être une autre raison à tout ça.
- Tu n'as pas le droit de me parler où tu ne veux pas ? Demandai-je. C'est parce que vous ne pouvez pas mentir ? Tu as peur de me dire des choses que je ne devrais pas savoir ?
Ô sembla véritablement surprise que je le sache et maintenant que j'étais en présence de ces créatures je me demandais vraiment comment George avait pu obtenir un peu de leur sang pour créer ses bonbons.
- De toute façon je vais bien finir par mourir n'est-ce pas ? Continuai-je. Donc je ne risque rien de révéler.
- C'est vrai.
Son ton était dénué de toute tristesse et pourtant ses yeux en semblaient remplis.
- Pourquoi m'as-tu aidé ? Demandai-je alors en lui adressant un regard reconnaissant.
- Je ne veux pas être un monstre.
- Pourquoi m'a-t-on plongé dans l'eau ?
Je voulais en avoir le cœur net, je voulais savoir si ils étaient au courant de la malédiction. Elle resta silencieuse plusieurs secondes et face à mon regard désespéré, elle finit pas répondre.
- Nous cherchions quelqu'un qui aurait eu une autre réaction au contact de l'eau, mais nous nous sommes trompés.
Elle ne mentait pas, mais ne me disait pas toute la vérité pour autant. C'était une belle pirouette de sa part mais j'avais ma réponse. Ils étaient donc au courant.
- Vous allez donc me relâcher ? Demandai-je pleine d'espoir.
- Ils ont prévu de te laisser mourir, déclara-t-elle alors.
- Mais pourquoi ! M'exclamai-je. Je ne suis pas la bonne personne.
Ô fronça les sourcils et positionna son index sur sa bouche en signe de silence. Elle vérifia les alentours avant de se tourner vers moi de nouveau.
- Ils ne peuvent pas te laisser partir, pas après notre erreur.
Je lui lançai un regard d'incompréhension.
- Si le peuple des sorciers l'apprends, s'ils savent que nous nous en sommes pris à l'un des leurs, ils nous tueront tous.
- Donc me laisser mourir dans la solitude est la meilleure solution, déclarai-je en comprenant l'horreur de la situation.
Je n'avais aucune échappatoire, j'allais mourir dans tous les cas.
- Mais moi je vais t'aider, murmura Ô. Je ne laisserai pas mon peuple tuer une sorcière. Nous ne sommes pas des monstres.
J'aurais voulu lui assurer que si, que malgré leurs beautés ils en étaient bel et bien pour m'avoir fait subir tout ça, mais je me retins le cœur battant d'espoir.
- Mais il faut me promettre de rien révéler nous concernant, dit-elle en plongeant son regard dans le mien. Il ne faut rien dire de ce qu'il s'est passé, il ne faut pas parler de nous. Il ne faut pas dire que tu nous as vus, insista-t-elle toujours à voix basse. Il faut que tu me le promettes.
- Je te le promets.
J'aurais pu lui promettre tout et n'importe quoi pour partir d'ici. Je voulais vivre et rejoindre Drago. Je voulais pouvoir de nouveau le prendre dans mes bras, je voulais revoir mes amis.
- Je ne peux pas mentir mais toi si, dit-elle sans me lâcher des yeux. Ne me trahis pas. Ne trahis pas la main qui t'aide, déclara-t-elle avant de se relever et de disparaître de ma vue.
J'aurais voulu crier pour la rappeler, pour lui demander quel était le plan, mais je ne voulais pas réveiller les autres. Je restai donc silencieuse le coeur battant à tout rompre.   

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