Chapitre 37 : L'Amerande

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Après une demie-heure de panique totale, j'étais finalement parvenue à me calmer.

Non, je n'étais pas réellement calme, j'avais juste cessée de m'agiter dans tous les sens. Mon coeur quant à lui battait toujours aussi vite. J'avais toujours aussi peur et j'étais toujours aussi perdue par ce qui m'arrivait. Ô était restée à côté de moi, du début à la fin attendant que je me calme et nous étions à présent assise sur le sable, les vagues nous balayant les jambes. Non pas les jambes. Moi j'avais une queue de poisson à la place et je ne parvenais pas à en détacher mon regard. Les autres elfes étaient restés plus haut sur la dune de sable et n'avaient fait aucun pas dans notre direction depuis ce qu'il m'était arrivé. Pour la première fois depuis plus d'une demie-heure, je me tournai légèrement pour les surveiller.
- Ils n'approcheront pas, ils ne nous feront rien, déclara Ô.
Je reportai mon attention sur ma queue de poisson. Elle avait une couleur étrange, entre le rose et le orange. Ce n'était pas saumon pour autant, c'était trop clair pour ça. Il y avait également d'étrange nuance de doré et de jaune. En fait, c'était le bout de ma queue qui était le plus orangé. Je me retournai une nouvelle fois vers les elfes. Ils se tenaient toujours à l'écart.
- Ils ne te feront rien, tu es l'Amerande.
Je la regardai sans comprendre.
- Je ne comprends pas pourquoi tu ne t'es pas transformée dans la mare et pourquoi cela a mit tant de temps tout à l'heure, continua Ô visiblement perdu dans ses pensées.
- C'est quoi l'Amerande ? Demandai-je.
Ô m'observa pendant quelques secondes avant de prendre une profonde inspiration.
- L'Amerande c'est toi, déclara-t-elle. Cela ne m'étonne pas que tu n'aies jamais entendu ce nom. Les sorciers ne s'intéressent qu'à eux mêmes. Ils ne s'intéressent pas aux histoires et aux légendes des autres peuples, des autres créatures magiques. On te cherche depuis ta naissance, tu sais.
- MAIS JE SUIS QUOI ? M'écriai-je soudain.
Je savais que Ô n'y était pour rien dans ce qu'il m'arrivait, du moins je l'espérais, mais je commençais à perdre patience. Je voulais qu'on m'explique ce qu'il se passait, je voulais comprendre.
- Je vais te raconter une histoire, fit Ô d'une voix plus douce que d'habitude, l'histoire de Caleen.
Je pris sur moi afin de prendre mon mal en patience. Je me fichais totalement de l'histoire de cette Caleen, mais je fis l'effort de me taire et d'écouter.
- Caleen était la fille de la reine des mers, de la reine des sirènes. Elle était la première des filles, ce qui signifiait que c'était à elle de reprendre les rennes à la mort de sa mère. Caleen était douce et gentille, rêveuse et passionnée, tout le contraire d'une bonne reine, mais elle était tout de même aimé de son peuple. Seule sa mère s'inquiétait que son caractère puisse un jour poser problème. Et comme tu t'en doutes, les problèmes sont arrivés. Elle tomba amoureuse d'un humain, mais pas de n'importe quel humain, un sorcier. Il faut que tu comprennes, insista Ô, les elfes des eaux comme moi, détestent les humains et encore plus les sorciers, mais c'est encore pire pour le peuple des sirènes. Vos deux peuples se haïssent littéralement. Alors tu imagines bien que lorsque Caleen est allée annoncer à sa mère qu'elle aimait un sorcier, le scandale a été immense. Il parait que l'océan n'a jamais été agité aussi longtemps. La colère de la reine ne s'est calmée que le jour où sa fille a disparu. Sa colère s'est transformée en peur.
- Disparu ?
- Le sorcier dont elle était tombée amoureuse lui avait offert ce dont elle rêvait depuis toujours : des jambes. Caleen a donc quitté le monde de l'océan pour vivre avec cet homme. Elle n'a revu les seins qu'un an plus tard. C'est son peuple qui l'a retrouvé, ici même, sur cette plage. Elle avait retrouvé sa queue de sirène, mais était sur le point de mourir. Le soleil l'avait complètement desséché.
- Mais pourquoi n'est-elle pas retournée dans l'océan ! M'exclamai-je. Elle était attachée ?
- Non. Elle voulait mourir.
J'ouvris de grands yeux ronds.
- Le sorcier dont elle était follement tombée amoureuse, s'était servit d'elle du début à la fin. Lorsque l'enfant qu'elle portait, l'enfant de leurs unions, naquit, le sorcier lui reprit ses jambes et l'abandonna sur cette plage. Il partit bien sûr avec l'enfant.
- Mais son peuple l'a sauvé ? Demandai-je brusquement. Elle a survécu ?
- Son peuple l'a aussitôt ramené chez elle bien sûr, lui évitant de mourir, mais elle semblait morte de l'intérieur. Son unique amour l'avait trahi et lui avait pris son enfant. Elle ne parla pas pendant près d'un an et un jour, elle explosa de fureur. Après une nouvelle année de recherche, elle parvint à reprendre contact avec l'une des personnes qu'elle avait connu durant sa courte vie d'humaine. Le contact fut bref, elle ordonna qu'on lui rende son enfant lorsqu'il serait majeur.
- Pourquoi pas avant ? Demandai-je surprise.
- Tu ne connais rien des sirènes n'est-ce pas ? Me demanda Ô presque amusée. Les sirènes ne sont pas des créatures très maternelles, ce sont les mâles qui s'occupent des enfants pendant que les femelles sirènes chassent et s'occupent de diriger leur royaume. Comme tu dois le comprendre, il n'y a pas d'égalité des sexes, les femelles dominent, les femelles dirigent. C'est pour ça que Caleen ne se préoccupait pas plus que ça de ne pas voir son propre enfant grandir, tout ce qu'elle voulait c'était la récupérer une fois adulte.
- Son peuple ne lui en a pas voulu d'être partie ? D'avoir eut des jambes ? Demandai-je. De les avoir abandonné pour un sorcier ?
- Si, mais cela n'a duré qu'un an. Lorsque Caleen explosa de colère elle devint enfin la sirène qu'espérait sa mère. Elle devint la créature la plus froide et cruelle que le peuple des sirènes n'avaient jamais eu. Et pour ça, elle était littéralement adulée.
- Je ne comprends pas les intentions du sorcier... fis-je en fronçant les sourcils.
- Les sorciers sont les créatures les plus puissantes sur terre, m'expliqua Ô. Le peuple des sirènes est le plus puissant de l'océan. Le sorcier avait juste voulu créer un hybride, un hybride qui aurait à la fois le pouvoir des sorciers mais aussi celui du peuple des sirènes. Et c'est pour cette même raison que Caleen voulait récupérer son enfant, sa fille.
- De quand date cette histoire ?
- Comment ça ? Demanda Ô en fronçant les sourcils.
- Quand est-ce que Caleen a eu son enfant.
- Il y a dix-sept ans. Tu n'as toujours pas compris ? C'est toi cet enfant. Tu es l'Amerande.
J'avais difficilement ma salive.
- Sait-on qui est le sorcier ? Demandai-je finalement le cœur battant.
- Je crois que vous l'appeliez Voldemort.
J'eus l'impression qu'un seau d'eau glacé se déversait sur moi. J'étais la fille de cet immonde sorcier et d'une sirène devenue à présent tout aussi cruelle.
- Es-tu sure que c'est moi ?
- Après ta transformation tu en doutes encore ? Me demanda-t-elle stupéfaite. Tu es l'Amerande, tu es une demie-sirène. Seule ta transformation est un mystère. Je ne comprends pas pourquoi cela n'est pas arrivé plus tôt.
- Le sort ! M'exclamai-je soudain. Le sort, insistai-je en fixant Ô. Ma famille m'a longtemps fait croire que Voldemort m'avait lancé un sort, une malédiction m'empêchant d'aller dans l'eau. Je devais lancer un contre sort toutes les semaines. Je le lançais tous les lundis matin et tout à l'heure, je n'ai pas pu le faire. Je n'avais donc plus aucune protection contre ma transformation. Par Merlin... murmurai-je. Ma vie entière est un mensonge.
- Mais tu es l'Amerande ! S'exclama Ô. Tu es à présent la créature la plus puissante de notre monde. Tu es une sirène et une sorcière à la fois.
- Je me fiche d'être puissante ! Je n'ai rien demandé, je ne veux pas de tout ça.
- Tu es toute de même l'Amerande.
Je fusillai Ô du regard. Pouvait-elle arrêter de prononcer ce nom. J'étais Hermione.
- Et vous ? Que venez-vous faire dans cette histoire ?
- Nous ne vivons peut-être pas sous l'eau, mais nous sommes un peuple de l'eau. Nous sommes plus ou moins gouvernés pas les sirènes et nous avons des jambes. Nous avons donc eut l'ordre de te retrouver et de te ramener à elles.
- Qui est la sorcière avec qui Caleen a reprit contact ? Qui était au courant que je devais être ramenée à ma mère biologique à ma majorité.
- Je pense que tu le sais, répondit Ô après quelques secondes de silence.
Narcissa Malefoy. C'était elle. Elle savait tout depuis le début évidemment. C'était elle qui avait mis en place le mensonge sur ce maléfice avec l'eau, c'était elle qui m'avait élevée, elle qui m'avait fait construire cette maison, à cet endroit précis. A l'endroit où Caleen avait été retrouvée par les siens. C'était elle, qui m'avait éloignée de Drago lorsque les choses étaient devenues intimes entre nous. Elle savait que j''étais une Hybride. Je sentis soudain une intense chaleur sur le bas de mon corps et quand je posai mes yeux dessus, j'avais récupéré mes jambes et je n'avais plus le moindre orteil noir. Je me mis aussitôt debout pour m'éloigner le plus possible de l'eau.
- Tu es un miracle, déclara Ô en se levant à son tour. Tu ne meurs pas au contact prolongé du soleil, tu retrouves tes jambes. Tu es un miracle Amerande.
- Je m'appelle Hermione, corrigeai-je. Je suis une humaine et je le resterai, il est hors de question que ...
- Que quoi ? Me coupa Ô. Elles arrivent pour toi.
- Qui ça ?
Comme seule réponse, Ô me fit un signe de tête en direction de l'océan. Des têtes sortaient peu à peu de l'eau. Je fixai leurs visages sans parvenir à faire le moindre mouvement. Elles étaient magnifiques, leurs traits étaient si fins et si gracieux que c'en était troublant.
- Elles sont belles n'est-ce pas ? Fit Ô d'une voix rêveuse. Tu l'es devenue tout autant. Lorsque le contre sors habituel a cessé d'agir, tu n'as pas seulement récupéré une queue de poisson, tu as récupéré les beaux traits qui auraient dû être les tiens depuis toujours. Tu as récupéré les pouvoirs que tu aurais dû avoir depuis toujours. Tu n'imagines pas de quoi tu es capable. Tu es l'Amerande.

- Amerande ! S'écria soudain une voix au loin.
L'une des sirènes s'était détachée du groupe et s'était considérablement rapprochée de la plage, si bien que j'eus le loisir de l'observer en détail. Elle avait de long cheveux bruns et des yeux verts en amande. Elle avait une peau de porcelaine, sans la moindre imperfection. Cette dernière continua d'avancer, jusqu'à être le plus près possible de nous.
- Je suis Ivany, déclara-t-elle alors d'une voix de cristal. Je suis désolée pour la fois où j'ai failli te noyer, continua-t-elle d'un air amusé.
Je me contentai de froncer les sourcils.
- Un jour tu t'es baigné ici, expliqua-t-elle. Je t'ai alors tiré par les jambes pour que tu sois totalement sous l'eau et que tu te transformes mais ça n'a pas marché.
Je lui aurai lancé un bloc-langue si j'avais eu ma baguette en main tellement son comportement m'exaspérait. Elle était consciente d'avoir faillit me tuer, mais trouvait tout de même ça très drôle. Si il n'y avait pas eu Drago pour lancer un sort et me sauver j'y serais surement passée.
- Le sort que tu as reçu t'a fait rire aussi ? Lui lançai-je alors sur un ton de défis.
Je vis son regard s'assombrir. Et ce n'était pas qu'une expression. La partie blanche de ses yeux était devenu plus foncée. Une deuxième sirène se joignit cependant à elle et lui posa une main sur l'épaule. Cela eu visiblement pour effet de calmer Ivany et ses yeux redevinrent blancs.
- Tu viens ? Me demanda la nouvelle arrivante.
Je me retournai effrayée vers Ô.
- Il faut que tu y ailles, me souffla-t-elle à voix basse. C'est ta famille.
- Elles ne sont rien pour moi.
- Pour l'instant. Souhaites-tu réellement rester dans l'ignorance ? Ne veux-tu donc pas savoir qui tu es ?
- La dernière fois que j'ai suivis des créatures dans l'espoir d'en apprendre sur mon compte, j'ai failli mourir de froid dans une marre, lui répondis-je d'un ton cassant malgré moi.
- Il faut que tu y ailles Amerande. Hermione, se corrigea-t-elle presque aussitôt. Pense à ta mère.
- Elle ne s'est pas intéressée à moi avant mes dix-sept ans ! M'exclamai-je.
- Nous n'avons pas toute la journée ! S'exclama soudain Ivany qui semblait nerveuse.
- Mais elle veut tout de même te voir maintenant, insista Ô à voix basse. C'est peut-être ta seule occasion de la connaitre, de connaitre le peuple de ta mère.
Je tournai les yeux vers les visages émergeants à peine de l'eau. Elles me fixaient toutes sans exceptions et comme me l'avait expliqué Ô, les hommes n'avaient pas vraiment de place dans ce genre de démarche. Il n'y avait en effet que des femmes sirènes. La deuxième sirène à s'être approchée me lança un regard encourageant.
- Je vais chercher ma baguette, déclarai-je alors.
- Pas de baguette ! S'exclama Ivany dont le blanc de ses yeux recommençaient à se foncer.
- Je suis l'Amerande ! M'exclamai-je alors à mon tour. Je fais bien ce que je veux.
Contre toute attente, Ivany n'ajouta rien et me laissa remonter jusqu'à ma maison. Ô me suivit de près jusqu'à la terrasse.
- Tu as été parfaite, dit-elle. Tu as été dure et autoritaire. Soit toujours comme ça et elles te respecteront sans broncher.
- Je ne trouve pas ma baguette, fis-je sans répondre à ce que Ô venait de me dire. Elle était là ! Je l'ai laissé tomber sur la terrasse...
- Maîtresse... couina soudain une faible voix.
Pulie s'avança vers moi d'un pas hésitant, tout en me tendant ma baguette magique.
- Comment vas-tu ? Demandai-je avec tendresse.
Mon elfe allait me répondre quand Ô coupa court à notre échange d'un signe impatient de la main.
- Ton peuple ne t'attendra pas éternellement, me dit-elle. Les sirènes ne se rapprochent jamais à ce point des cotes. Dépêches-toi d'y aller.
Je hochai la tête, récupérai ma baguette tout en lançant à Pulie un sourire sincère et tournai les talons.
Je descendis rapidement jusqu'à la plage et m'arrêtai devant les elfes de l'eau.
- Je vous interdis de vous en prendre à Ô, lançai-je alors. Si j'apprends qu'il lui est arrivé qu...
- Bien entendu Amerande, répondit précipitamment le chef.
- Ne t'en fais pas, ils ne me feront rien, me glissa Ô à l'oreille.
Cette dernière m'accompagna jusqu'à ce qu'elle ait les pieds dans l'eau et s'arrêta. Elle m'adressa un sourire encourageant et j'avançai dans l'eau, seule.
J'eus vite rejoins Ivany et la deuxième sirène qui me lançaient un regard curieux. Je pris alors mon courage à deux mains en repensant à l'affreuse douleur que j'avais ressentis lors de ma première transformation et m'immergeai totalement sous l'eau. Cependant, je ne perçu aucune douleur cette fois-ci. Je sentis juste une vague de froid passer sur mes jambes et derrières mes oreilles et lorsque je remontai à la surface, j'avais récupéré une queue de poisson.
- Tu veux être une sirène ? Me demanda Ivany sur un ton de défis.
J'hésitai quant à quoi lui répondre, mais je n'eus pas le temps d'y réfléchir d'avantage.
- Alors enlève moi cette robe ! S'exclama-t-elle en l'attrapant de ses deux mains pour l'arracher. Elle lança ce qui ne ressemblait plus du tout à une robe à Ô et j'enroulai mes bras autour de mes seins nus. Je me sentais très mal à l'aise, j'étais... nue, totalement nue.
- Ne fais pas l'idiote, fit Ivany en levant les yeux au ciel amusée. C'est bon pour ceux qui ont des jambes les vêtements, pas pour nous. Nous, nous sommes libres.
Elle m'attrapa la main et plongea aussitôt dans l'eau. Je n'eus pas d'autre choix que de la suivre et je pris conscience du mouvement naturel de ma queue de poisson. Je la faisais fonctionner comme n'importe qu'elle autre partie de mon corps, comme si elle avait toujours fait partie de moi.


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