Flots et vagues de rouge
Comment tenir debout face aux tornades ?Sarah rejoint la cuisine pour se laver les mains, elle passe ses paumes sous l'eau bouillante: qu'est-ce que c'est relaxant, se dit elle, massant avec expertise ses doigts à l'aide du savon en barre.
Elle presse le bloc de savon sur la corne de son pouce, insiste ensuite sur la pulpe de son index, puis masse énergiquement ses phalanges douloureuses. Un geste très simple, mais plutôt bénéfique en ce qui concerne son moral. Se relaxer, voilà quelque chose que je devrais faire plus souvent, songe la jeune fille. Un bain, voilà ce dont j'ai besoin!
Sarah sourit, quelle bonne idée se dit-elle, impatiente de plonger son corps frêle et froid dans un bain d'eau chaude à la rose, pour se débarrasser des ses idées noires pendant un moment. Elle attrape le chiffon sur le plan de travail pour se sécher les mains, des fossettes plus visibles que jamais. Son sourire est devenu si rare en ce temps de crise que quelqu'un devrait le capturer et l'afficher dans tout Paris, pour que tout le monde puisse l'admirer.
Mais instantanément, la jeune fille perd son euphorie, lorsqu'elle baisse la tête: le chiffon est recouvert de tâches rouges.
Encore du sang.
Maudit couteau, se dit-elle en soupirant lourdement. Ses poignets sont décidément bien trop sensibles. Comme si la flaque dans la baignoire ne suffisait pas à lui faire passer le message;
C'est bon j'ai compris, je suis une faible. Il n'est pas nécessaire de me le rappeler en toutes circonstances, murmure Sarah à sa conscience, qui lui joue des tours.
Elle voit de ses yeux vus, sa force mentale et sa résistance, s'en aller à reculons, la laissant seule et sans défenses, face cette force démoniaque qu'est la vie. Elle balance le chiffon sur le tiroir à couverts, puis rejoint sa mère et sa grande sœur à la table à manger.
La chaise crisse sur le carrelage lorsqu'elle s'installe, ce qui fait évidemment grimacer le beau visage de Mathilde. Elle s'assied sur la chaise puis pose automatiquement ses mains frêles sur la table.
Sarah n'a pas faim, pas du tout, toutes ses idées noires lui ont déjà consumé l'estomac. Elle regarde la purée maison et les morceaux de poulet surgelé, sans appétit.- Tu ne manges pas? Demande la mère à Sarah, visiblement inquiète.
- Non, je n'ai pas faim.
Monique baisse les yeux, déçue de voir que sa purée de pommes de terre ne fait pas l'unanimité. Elle qui cuisine si rarement, est doublement attristée par le maigre investissement de sa fille. Pour une fois qu'elle l'a faite soi-même, elle aurait voulu que son plat ne retourne pas intact à la cuisine. Bon, je ne ferai plus de plats fait maison, se dit Monique en regardant tristement le visage fatigué son deuxième enfant.
Sarah soupire longuement, puis attrape la grosse cuillère en bois pour se servir une portion. Bon, juste pour lui faire plaisir, se convint-elle. Elle ne peut faire souffrir sa mère davantage, même si ce sont pour des choses aussi futiles. Monique sourit enfin, puis prend également son assiette pour la remplir à son tour.
Mathilde mange sans rien dire, les conversations autour de la table à manger sont plutôt rare chez les Mercier. Un simple petit "merci" pour le service et un "bon appétit" par politesse. Les vraies discussions qu'on la famille se passent généralement pendant les fêtes de fin d'années, où tout le monde semble plus souriant et ouvert. Les sapins, les grands repas et les cadeaux leur apporte une maigre touche d'espoir assez bénéfique. Les Noëls et les nouvel-ans sont donc une véritable aubaine pour la famille.
- Au fait Sarah, Mme Vincent a besoin de toi demain soir, pour garder sa fille. Tu n'as rien de prévu j'espère? Parle soudainement Monique, en s'adressant à sa plus jeune fille.
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RomanceÀ 17 ans, Sarah voit la vie en noir. Entre le récent décès de son père, une sœur qui la martyrise, un niveau de vie peu convenable et une mère trop peu présente, son quotidien est plus que chaotique. Sa seule ressource est la souffrance et elle pass...