Chapitre 13

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Surprise, surprise
La vérité n'est pas un secret.

À la fin du repas, Mathilde s'approche discrètement de Thomas, puis lui susurre doucement à l'oreille :

- J'ai oublié ma portefeuille dans mon casier, est-ce que tu peux payer ? Je te rembourserai demain.

Le jeune homme hoche la tête en souriant.

- Aucun souci.

- Merci beaucoup, répond-elle.

La jeune blonde a du mal à supporter cette situation, elle a du mal à l'admettre. La situation où elle n'a pas le pouvoir, où elle ne peut pas faire ce qu'elle veut. C'est pourquoi elle refuse de devenir une femme entretenue, qui sera incapable de faire ses propres choix et de prendre ses propres décisions. Certes, il peut être flatteur de se faire inviter au restaurant, mais cela reste pour elle un manque d'autonomie considérable.

Rien que la situation financière de sa mère la met dans une situation précaire. Elle ne peut pas sortir tous les samedis pour faire la fête et ne peut pas se permettre d'aller au restaurant tous les jours. C'est terriblement frustrant. Mais ce qui la rend folle, c'est cet appartement dans lequel elle vit. Selon elle, il est hors de question d'emmener Thomas là-bas. Elle se sentirait inférieure, voir même honteuse. Lui qui vient d'une famille assez fortunée, jamais elle ne pourrait lui montrer l'envers du décor.

Il lui a déjà demandé de rencontrer Monique, et ce, plus d'une fois. Mais malgré son insistance, Mathilde cède pas. Elle sait que c'est mal. Et elle sait aussi que si son histoire dure avec Thomas, elle sera bien obligée un jour de lui présenter sa mère et sa sœur, et de lui dire la vérité : elle vit dans une cité, dans un petit appartement, et sa mère gagne à peine de quoi la nourrir elle et sa sœur.

La vérité n'est pas toujours belle à voir.

Peu importe. Ce n'est pas un problème pour le moment, se dit la jeune fille. J'attendrai encore et le plus possible s'il le faut.

§

Monique n'avait jamais autant regarder une horloge que depuis ce matin. Elle tourne la tête vers elle presque chaque minute, attendant le moment fatidique. Seule les dires de son patron résonnent dans ses oreilles " Quant à vous madame Mercier, je vous attend ce soir à dix-huit heures dans mon bureau ". Elle n'avait jamais ressentit une telle angoisse, et en même temps, une telle rage. Le fait d'être punie pour quelque chose qu'elle ne pouvait pas maîtriser, provoque en elle un profond sentiment d'injustice. Elle a envie de crier, de dire ce qu'elle pense et d'enfin se sentir mieux. Mais non, elle ne peut pas. Elle n'est qu'une petite caissière, au service d'un grande surface, et un autre salarié se ferait une joie de prendre sa place. Son renvoi n'aurait absolument aucune incidence sur qui que ce soit. C'est un monde cruel auquel la mère ne s'attendait pas, mais elle doit faire face, elle n'a plus le choix.

Chaque fois qu'elle voit le temps avancer sur l'horloge, elle sent son estomac se tordre et la douleur la hanter. L'angoisse monte en elle, au fur et à mesure que l'aiguille avance.

Elle termine de compter ses billets, et toutes les petites pièces. Elle recommence, encore et encore, puis regarde enfin l'horloge. Il lui reste deux minutes.

Monique va bientôt être condamnée. Elle se voit, là, au centre de la place notre dame, sur la petite estrade en bois, près de la guillotine, attendant son châtiment. Elle entend les gens hurler. Elle réfléchit aux dernières paroles qu'elle va prononcer et que le public entendra. Malgré son espoir, il est trop tard pour qu'elle puisse recevoir l'empathie de qui que ce soit, sa vie est désormais entre les mains de quelqu'un d'autre. Son destin est entre les mains de Monsieur Rémy.

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