Chapitre 14

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Hey !

(Pour rappel, Jeanne et Sarah se sont rencontrées en classe, dans le chapitre 6)

Bonne lecture !
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Confessions
Un hasard de soirée

Sarah et Jeanne se promènent au bord de la Seine, en ce beau samedi de novembre. Il fait froid, mais c'est encore supportable. Le givre a recouvert tous les bancs d'une fine pellicule blanche, et tous les passants sont emmitouflés dans de gros manteaux et d'épaisses écharpes.

C'est la première fois que Sarah sort avec une amie durant le week-end. C'est même la première fois qu'elle sort tout court. C'est quelque chose qui pourtant semble si normal et insignifiant et qu'elle n'a jamais eu l'occasion de faire, à son plus grand regret. Étrangement, elle ne se sent pas honteuse, car comme dis souvent sa mère, il vaut mieux tard que jamais.

La jeune fille se rend compte au fur et à mesure des jours, qu'elle est en train d'entamer un nouveau chapitre de sa vie. Elle voit que depuis un certain temps, la vie semble être un peu plus clémente et plus tendre avec elle. La jeune fille remarque qu'elle commence même sourire et parfois à rire. Elle sent que tout change et que peut-être, elle a des chances d'être heureuse.

Les deux jeunes filles ne se sont plus quittées depuis le jour de leur rencontre, dans cette classe de littérature. Un hasard, une chance ou peut-être une malédiction, peu importe, Sarah se sent plus libre qu'elle ne l'avait jamais été. Une sensation agréable et libératrice, qu'elle aurait aimé ressentir bien avant aujourd'hui.

Jeanne lui indique un banc qui semble moins mouillé que les autres, puis lui propose de s'y asseoir. Sarah obtempère, puis se tourne vers son amie, qui entame la conversation.

- Tu te souviens du jour où l'on s'est rencontrées ? Je t'avais dit qu'il me fallait un peu de temps pour parler de ce qui m'était arrivé pour que je change d'école au milieu de l'année.

- Oui, dit Sarah. Je m'en souviens parfaitement.

- Aujourd'hui je me sent prête à te dévoiler la vérité. Je pense qu'on se fait assez confiance maintenant.

Sarah hoche la tête. Jeanne rajoute :

- Je pense aussi que c'est bien pour moi d'en parler, j'en ai besoin.

- Je t'écoute, Jeanne. Dit Sarah

Elle prend une longue et profonde inspiration, avant de regarder Sarah dans les yeux et d'entamer son récit.

- A l'époque, mon père travaillait dans une grande multinationale, ce qui l'obligeait a beaucoup voyager. Il était courtier dans une grande entreprise américaine. Il était donc très rarement présent à la maison et je vivais seule avec ma mère la plupart du temps, mais je n'en était pas malheureuse pour autant.

Sarah voit un maigre sourire s'étendre sur le visage de son amie, mais elle remarque qu'il renferme plus de regret que de joie.

- Une fois, il m'avait appelée le soir de mes quatorze ans et pour me souhaiter un bon anniversaire. J'étais littéralement folle de joie, et ça faisait déjà plus de huit mois que je ne l'avais pas vu, ni serré dans mes bras.

Les yeux de Jeanne commencent à devenir rouges.

- Seulement, il y a une chose que j'ignorais pendant son appel...

Sarah fronce alors les sourcils. Elle jette un œil à son amie, qui regarde au loin, comme si elle voulait s'évader. Jeanne tourne sa tête vers elle, puis une larme remplie de souffrance s'échappe de son regard embué de sombres souvenirs.

- J'ignorais qu'il était en voiture et qu'il s'apprêtait à rentrer à la maison, pour me venir me voir. À ce moment là, je ne m'en était pas douté une seule seconde.

Sarah commence à comprendre.

- Il me disait à quel point je lui manquait et à quel point il m'aimait, jusqu'au moment où j'entendis un cri déchirant à travers le téléphone.

Jeanne semble voir les images en même temps que ses paroles, tant ses yeux sont humides et son regard flou.

- C'était celui de mon père, qui venait de se prendre un camion qui roulait en sens inverse.

C'est horrible, pense alors Sarah.

- Il est mort sur le coup, et le lendemain, j'ai appris non-seulement que mon père était mort en venant me voir, mais qu'en plus le conducteur du camion qui l'avait percuté n'était autre que le directeur de l'entreprise pour laquelle il travaillait, et qu'il était en plus vivant.

Sarah pose alors sa main sur sa bouche.

- Était-ce un assassinat ? Je n'en sait rien, et personne n'en saura jamais rien. Les policiers en ont déduit qu'il s'agissait d'un accident lié à un endormissement, et à l'inattention des deux conducteurs. Résultat, mon père est mort dans la périphérie de Paris, alors qu'il venait pour me faire une surprise. Ma mère a voulu porter plainte, mais l'affaire a été classée sans suites...

Sarah pense alors à l'histoire injuste qui est arrivée à son père avec sa mort cachée dans l'entreprise où il travaillait, et tout le reste.

- Après son décès, je suis tout de suite retournée à l'école. Mais sans que je sache pourquoi, tout le monde me tournait soudainement le dos. Puis j'ai compris. Le fils du patron de mon père, accusait mon père d'avoir tenté de tuer le sien... Ma vie est devenue un véritable enfer après cette histoire... et les questions me hantent.

Elle serre les lèvres, essayant de contrôler ses sanglots.

- Penses-tu que si mon père n'était pas au téléphone avec moi à ce moment là, il aurait pu éviter le camion ? Demande alors Jeanne.

Jeanne semble désespérée. Sarah la rassure.

- Non, certainement pas. Ce n'est absolument pas de ta faute, et tu n'as pas à en douter. Je suis certaine que si ton père te voyais dire cela, il viendrait pour te dire le contraire.

Un silence s'installe alors entre les deux filles, Sarah essaye de digérer cette histoire tandis que Jeanne sèche encore ses larmes. Après quelques minutes, Sarah choisit de lui raconter elle aussi la mort de son père. Après tout, elle aussi peut enfin se confier.

- Moi aussi mon père est mort, tu sais. Il est mort en Irak à cause d'une bombe.

Jeanne tourne la tête vers elle, puis lui demande :

- Je suis vraiment désolée... Il était militaire ?

Sarah secoue la tête.

- Non, il était juste journaliste.

La jeune fille aime parler de son père, car il représente tout ce qu'elle veut devenir. Benoît n'avait jamais eu le goût du risque, mais le jour de sa mort, il y avait goûté sans même avoir eu le temps de s'en rendre compte.

§

Sarah est assise dans le bus, seule. Il est environ vingt deux heures et elle vient seulement de quitter le centre ville. La jeune fille a préféré prendre le bus au lieu du métro, car elle sait qu'à cette heure-ci, les souterrains se transforment en une vraie assemblée pour les alcooliques anonymes, ce qui peut être plus qu'effrayant.

Elle avait mis ses écouteurs, comme à son habitude. La jeune fille apprécie toujours autant ces moment de plénitude, où personne ne peut l'empêcher de penser et de réfléchir. Sarah augment le son, et Nirvana prend plus de place dans sa tête.

Soudainement, alors qu'elle est perdue dans ses pensées, elle sent une main se poser sur son épaule. Elle retire hâtivement ses écouteurs, puis se retourne d'un coup. La jeune fille voit tout d'abord un inconnu. Puis il s'approche un peu, et la regarde.

Sarah le reconnaît alors. L'artiste comme elle aime l'appeler dans sa tête. Tyron s'approche d'elle, en souriant.

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