Chapitre 9

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Près de la fenêtre
Les temps roses

Les rues sont vides et sombres, il n'y a personne. Seul Sarah et le mystérieux artiste s'y promènent librement. Le froid a rougit les joues de la jeune fille, mais la timidité et la joie y sont aussi pour quelque chose. Elle se sent différente de d'habitude, plus libre, plus proche du monde. Elle a l'impression d'avoir manqué des choses jusqu'à maintenant, comme si sa vie aurait dû être un long fleuve tranquille sur lequel naviguer était plus que facile. C'est exactement ce qu'elle ressent en ce moment même ; la facilité et la libération. Elle se sent bizarre, mais incroyablement bien et proche d'elle même. Seigneur, que cette sensation est étrange mais plaisante en même temps.

Elle porte toujours le sac à main de sa mère sur l'épaule, lorsque le jeune homme pousse la porte d'un petit bar. Une ambiance chaude et conviviale plane dans la grande pièce. Les lumières sont tamisées et la salle est presque pleine. Mais il n'y aura probablement plus de place, songe Sarah.

- Il y a une table double, là-bas proche de la fenêtre monsieur, rétorque le serveur en regardant le compagnon de Sarah.

- Très bien, merci, répond ce dernier.

Lui et Sarah prennent place à la table vers la fenêtre, puis posent leurs mains sur la nappe blanche.

- Au fait, je ne t'ai même pas demandé ton nom, se rend soudain compte le jeune homme, en posant sa main sur sa bouche, d'un air désolé.

La jeune fille sourit. Les instant qu'elle vient de passer l'ont tellement perturbée qu'elle ne s'était elle-même pas posé la question.

- Je m'appelle Sarah, et toi ?

- Je suis Tyron.

La jeune fille hausse les sourcils.

- Tyron ? Je n'ai jamais entendu ce prénom.

- C'est un prénom anglais, c'est mon père qui l'a choisit à ma naissance, rétorque-t-il fièrement.

- Un prénom anglais ? Tu es anglophone ? S'interroge Sarah.

- Oui, je suis né en Angleterre, près de Greenwich.

Sarah hoche la tête. Elle se doutait qu'il parlait une langue étrangère, il a un petit accent.

Le serveur qui les a accueilli arrive avec deux cartes sous le bras.

- Monsieur, madame bonsoir. Voici la carte des menus pour le dîner.

- Nous souhaitons simplement prendre un café, rétorque Tyron sans détacher son regard de la jeune fille.

Le serveur hoche la tête.

- Très bien, deux expresses, pour vous.

Sarah sourit, elle se sent mieux, mieux qu'elle ne l'aurait jamais cru. Elle sourit, puis elle engage naturellement la conversation.

§

Ses talons lui font mal, ce foutu jean est trop serré, il pleut des cordes ; c'est définitivement une soirée décevante. Il n'y a littéralement pas d'autres mots pour désigner les dernières heures heures écoulées. C'est une belle journée pour pleurer.

Monique avance à grands pas vers son immeuble, heureuse d'enfin pouvoir se reposer. Elle n'en peut plus, son corps lâche au fur et à mesure des jours, elle le sent. Elle s'éteint, et finira bien un jour par s'arrêter complètement de vivre. Elle monte le perron devant son immeuble, puis prend son sac main pour prendre sa clé, et rentrer.

Il n'est pas là... Mais où ai-je la tête, pense-elle, désespérée. Je l'ai sûrement oublié au travail ou dans le métro, quelqu'un a dû le ramasser, et prendre les dix euros que contenait mon porte feuille, ce n'est pas une très bonne pêche.

Elle soupire à nouveau : ses clés sont dans le sac. Elle va devoir attendre que Mathilde arrive pour pouvoir rentrer.

La maman s'assied sur le béton gelé et humide pour attendre. Son aînée ne devrait pas tarder à arriver.
Elle regarde les alentours, tous ces vieux immeubles décrépis et ternes, c'en ai presque effrayant. Seigneur, que ce quartier Nord est laid, pense-t-elle. Il n'y a aucun espace vert, ni même de fleurs aux balcon pour apporter un peu de couleurs à cette épouvantable grisaille.

Monique relève les yeux sur la route, puis distingue malgré le peu de lumière, deux silhouettes s'approcher d'elle. Ce doit être Mathilde et son petit ami de la fac, déduit Monique. Elle se lève, heureuse d'enfin voir sa fille en compagnie de son petit ami. Mathilde s'approche.

Monique est plus qu'étonnée ; ce n'est pas Mathilde, c'est Sarah qui s'approche d'elle.

- Bonsoir maman, rétorque Sarah d'une voix timide.

Monique ne sais pas quoi dire, elle est surprise de voir Sarah dehors à cette heure-ci, dans le noir.

Monique remarque le jeune homme aux côtés de sa fille, avec ses cheveux noir de jais, et son étrange démarche.

- Bonsoir, jeune homme je suis la mère de Sarah.

Il lui tend la main, elle la serre pour le saluer poliment. Monique baisse les yeux et s'écrie :

- Vous avez retrouvé mon sac ! Seigneur, merci à vous. J'ai dû l'oublier dans le métro ce matin.

Tyron ébauche un léger sourire.

- Oui en effet, j'ai essayé de vous rattraper dans la station, mais vous étiez déjà bien loin.

Tyron lui tend le sac, qu'elle récupère avec un sourire grandissant.

- Merci jeune homme, c'est adorable à vous, je ne sais pas comment vous remercier !

Un silence s'installe entre eux, mais Monique reprit immédiatement:

- Puis-je vous inviter à dîner pour vous remercier, jeune homme ?

- Avec plaisir, répond il d'une voix enjouée.

Monique hoche la tête, heureuse d'enfin pouvoir rentrer chez elle. Elle ouvre son sac, puis sort la clé.

Sarah regarde Tyron, elle avait oublié que le sac contenait la clé. Elle n'y avait même pas pensé. Elle se mord la lèvre pour exprimer son regret puis baisse les yeux, se sentant soudainement honteuse.

Tyron la rassure d'un regard, puis ils suivent Monique dans l'immeuble.

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