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Pendant tout le week-end, qui après la soirée de vendredi soir, avait été calme pour Camille, je n'avais pas arrêté de penser au contact quelques peu brutal de nos deux parcelles de peau. Le picotement que j'avais ressenti sur le dessus de ma main avait désormais disparu et j'en étais soulagé.

La règle disait qu'il ne fallait avoir aucun contact avec un humain et je continuais de me demander pourquoi? Après tout, cela n'avait rien changé. Simplement un petit picotement, certes étrange, mais à peine quelque temps plus tard il avait disparu et pourtant rien n'avait changé. Allais-je être puni ?

Je continuais de veiller calmement sur Camille qui dormait devant moi. Elle était si paisible. Je me débrouillais pas trop mal, elle semblait heureuse dans sa vie, même si elle donnait parfois du fil à retordre.

Son souffle était lent et régulier et soulevait à chaque expiration une mèche ondulée, délicatement posée sur son visage. Mon regard était fixé sur elle en permanence, pourtant je ne pouvais m'en lasser. Même la regarder immobile au milieu de son lit pendant des heures n'était jamais ennuyeux car je savais qu'elle était bien à ce moment là et que c'était tout ce qui importait pour moi.

Chaque nuit, j'espérais que son rêve soit plus beau que le précédent, cependant je n'avais aucun moyen de le vérifier. Je ne savais même pas ce que signifiait "rêver". J'avais entendu dire qu'on voyait et qu'on vivait des choses sans pour autant les vivre pour de vrai. Mais cette définition était très floue pour moi, j'enviais les hommes de pouvoir vivre plusieurs vies à travers leurs rêves. Parfois, pour les hommes, rêver signifiait tout autre chose, quelque chose qui ne nécessitait pas d'être endormi. Rêver prenait le sens de désirer ou espérer. Peut être que je me leurrais et qu'en réalité je ne comprenais rien aux rêves, mais il me semblait que je rêvais de rêver.

Ses cheveux éparpillés sauvagement autour de sa tête lui donnait un air de Méduse angélique. Angélique car je savais qu'elle n'avait rien de méchant à l'inverse du personnage de la mythologie grecque. Quoique la méchanceté était très subjective. Définir le bien et le mal, le clair et le sombre, le beau et le laid est bien trop compliqué chez les hommes. Ils inventent ces mots, ils les utilisent et ils les critiquent, pourtant aucun homme n'est capable d'en donner la définition exacte. Voilà pourquoi je ne parvenais pas à comprendre leurs émotions. Tant qu'on ne les ressent pas, on ne peut comprendre.

J'avançai ma main vers son visage, avant de la retirer prestement. Avais-je réellement pris forme humaine sans même m'en rendre compte? Le souvenir du picotement sur ma peau refit surface. Cependant, ce n'en était que la pensée, je ne le ressentais plus.

Ma main s'approcha à nouveau et, après quelques secondes d'hésitations, le bout de mes doigts effleura sa joue. Ça y est. Le picotement était revenu et je ne pouvais m'empêcher de faire le geste une deuxième fois.

Les hommes étaient habitués à ce type de contact, en revanche pour moi c'était une sensation tellement nouvelle que je ne savais pas si je pouvais la décrire comme agréable ou désagréable.

Je m'assis sur une chaise dans sa chambre, savourant la quiétude du moment. Elle était paisible dans son lit, les yeux fermés.

Quand, soudain, le réveil sonna de l'habituel son strident. Elle se réveilla sans trop de difficulté et plaqua sa main sur l'objet afin de l'éteindre. Puis tout à coup, ses yeux se posèrent sur moi. Bon sang! Elle se redressa d'un bond dans son lit et s'empressa d'allumer sa lampe de chevet. Je profitai de ce moment d'inattention pour disparaître et lorsqu'elle reporta son regard vers la chaise inoccupée, elle fronça les sourcils. Elle parcourait des yeux tous les recoins de sa chambre, mais finit par abandonner et se lever comme à son habitude.

En l'espace de trois jours, j'avais fauté déjà deux fois. Il fallait vraiment que je me reprenne en main.

***

Aujourd'hui, en cours, Camille n'était pas concentrée sur les équations à doubles inconnues, mais plutôt sur le jeune homme qu'elle connaissait de mieux en mieux. Thomas. Ils ne cessaient de se lancer des regards pendant que le professeur déblatérait son monologue qu'il répétait sûrement depuis plusieurs années déjà.

Malheureusement, c'était hors de mes capacités de l'aider à se concentrer. J'aurais pu donner un petit coup dans la chaise de Thomas qui n'arrêtait jamais de se balancer sur les pieds arrières de l'assise, cependant je n'avais pas le droit d'agir sur quelqu'un d'autre que ma protégée et j'avais eu ma dose d'erreur cette semaine.

Ange GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant