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Comme tous les mercredis après midi, avec sa mère, Camille rendait visite à son grand-père à l'hôpital. Ce n'était jamais une partie de plaisir, cependant Camille savait pertinemment que si elle ne le faisait pas, elle le regretterait un jour ou l'autre.

Tout d'abord, Camille détestait les hôpitaux. À chaque fois qu'elle traversait les couloirs blancs et qu'elle apercevait à travers les portes mi-ouvertes des personnes malades, ou bien des patients grièvement blessés, elle se sentait mal. Elle avait expliqué une fois à sa mère qu'elle se sentait coupable d'être en bonne santé alors que tous ces gens souffraient. Je ne comprenais pas pourquoi elle ressentait ce sentiment. Elle n'était en rien coupable de la souffrance de ces inconnus.

L'odeur des nombreux désinfectants dans les hôpitaux la répugnait également. Et puis à chaque fois qu'elle voyait son grand-père allongé dans un lit, cela lui soulevait le cœur. Elle ne parlait pas beaucoup, un simple "bonjour" accompagné de quelques questions d'usages, mais elle préférait laisser sa mère profiter de son père.

- Cette nourriture est dégoûtante! Se plaignait son grand-père. Ils ne sont pas capables de faire cuire correctement des pâtes, c'est aberrant!

- Papa, tu exagères, ce n'est pas si mauvais, tentait Anna, la mère de Camille.

- Oh et puis ce pansement m'agace, s'exclama-t-il en décollant le sparadrap collé par dessus l'aiguille de perfusion.

Sa fille tentait par tous les moyens de le rassurer et de le calmer, pendant que Camille observait calmement la scène dans un coin de la pièce. Anna était une bonne mère, mais également une bonne fille. Elle savait prendre soin des gens lorsque c'était nécessaire et savait rester très calme face à certaines situations contrairement à la plupart des êtres humains qui se laissaient souvent bien trop vite submergés par leurs nombreuses émotions.

Camille avait révélé à sa mère qu'elle avait peur que son grand-père meurt. La plus grande peur des hommes était la mort. Pourquoi? Parce qu'ils ont peur des regrets, ils ont peur de l'oubli, ils ont peur de ce qui se passe après la mort. Quant à moi, tout ce que je voyais de la mort, c'était cette colombe blanche qui s'échappait des corps immobiles. Cela ne me faisait rien, ce n'était qu'une simple constatation, un simple fait.
J'avais souvent entendu les hommes dire: il vivra à tout jamais dans nos cœurs. Mais ce n'était qu'une formule parmi tant d'autres pour se rassurer.

Après être rentrée de l'hôpital, Camille avait toujours besoin de se concentrer sur quelque chose pour éviter de penser à son grand-père. C'était en général en faisant ses devoirs ou en sortant avec ses amis qu'elle y parvenait, mais aujourd'hui, elle mit sa musique sur ses enceintes et monta le son. Elle s'allongea sur son lit et dessina sur une feuille vierge au crayon à papier. Lorsqu'il s'agissait de dessiner, elle était à son maximum de concentration. L'art était une autre notion totalement inexplicable chez les hommes. C'était là. Ça plaisait, ou ça ne plaisait pas, mais c'était là quoiqu'il arrive. Tous les hommes avaient leur part de créativité et tous les hommes étaient en quelques sortes des artistes, cependant pour certains l'art semblait vital. Je m'amusais à comparer l'art et la drogue. C'était en découvrant que les hommes avaient envie de continuer pour recommencer à nouveau jusqu'à ce qu'ils en soient totalement dépendant. Camille faisait parti de cette catégorie qui ne pouvait se passer d'art.

Elle fronçait les sourcils chaque fois qu'elle observait son dessin sous tous les angles. Puis, elle ajoutait quelques coups de crayon par ci et d'autres par là. Elle était très pointilleuse, pouvant passer des heures sur un dessin et personne ne devait la déranger pendant son travail sinon sa mauvaise humeur refaisait très vite surface.

D'habitude très sereine lorsqu'elle dessinait, elle était tendue aujourd'hui. Son poignet était rigide et ses coups de crayon était brutaux. Elle appuyait sur la mine de graphite comme pour ancrer ses émotions dans le papier. Parfois elle fermait les yeux pour visualiser son modèle dans sa tête mais elle n'était pas satisfaite du résultat. Habituellement, elle n'utilisait jamais de gomme, ne se trompant que rarement, mais sur ce dessin, elle ne cessait d'effacer quelques traits pour reprendre à nouveau.

À bout de nerfs, elle lança la feuille et son support à travers la pièce et sortit de sa chambre son sac sur le dos pour aller travailler comme prévu chez Lexie.

Une fois qu'elle fut sortie, je pris ma forme humaine et me dirigeai vers le dessin étalé par terre. Je le pris entre mes mains afin de l'observer. Les traits épais et noirs semblaient dessiner une silhouette sombre assise près d'un mur. Je restai immobile, les yeux bloqués sur le personnage. Qui était-ce?

Je fis quelques pas afin de m'approcher du miroir accroché sur un mur puis me regardais impassible. Je ne me voyais quasiment jamais et voir mon visage était étrange. Je ne me reconnaissais pas dans cet homme aux cheveux sombres, aux yeux sombres et au long manteau sombre. L'homme assis sur la chaise près du mur. C'était moi qu'elle avait dessiné. Elle avait eu le temps de me voir. Comment je devais réagir devant cela?

Je glissai le papier au creux de ma poche, posai le support sur son bureau et m'éclipsai rapidement.

Ange GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant