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J'avais fauté une fois de plus. Bon sang, qu'est-ce qui m'avait pris de me matérialiser sans raison et de l'observer pendant des heures? Maintenant, Camille connaissait mon visage et m'avait même dessiné. J'étais sensé éviter et réparer mes erreurs, et surtout ne pas en faire d'avantage.

Heureusement, hier j'avais rattraper mon erreur, le dessin était désormais dans ma poche, bien à l'abri.

Elle revint de chez Lexie non seulement fatiguée et le cerveau au ralenti après plusieurs heures de travail, mais aussi trempée jusqu'aux pieds par la pluie battante.

Arrivée dans sa chambre, elle retira sa veste ainsi que son jean et enfila une tenue confortable et sèche. Elle ouvrit sa fenêtre en grand et appuya ses coudes sur le rebord afin de contempler le ciel se zébrant régulièrement d'éclairs. Elle était silencieuse et attentive aux grondements qui résonnaient quelques secondes après les déchirures lumineuses.

Chaque fois, sans exception, qu'il y avait de l'orage, elle avait l'habitude d'admirer le ciel. Je ne savais pas pourquoi cela la fascinait, peut-être trouvait elle cela beau ou peut-être que ça lui faisait penser à quelque chose, je n'en avais aucune idée.

Une fois l'orage passé, elle descendit manger avec ses parents. Les repas se passaient souvent calmement. Camille n'avait pas pour habitude de leur raconter ses journées ou de leur demander conseil sur ses relations. Ses parents étaient habitués à débattre de leur côté de politique, ce qui les passionnait tous les deux. Je savais que Camille se sentait différente. Ils aimaient le concret, elle aimait l'abstrait. Ils aimaient l'ordre, elle aimait le désordre. Ils aimaient l'ordinaire, elle aimait le bizarre.

Après avoir manger, elle remonta dans sa chambre, afin de dessiner pendant de longues minutes sur son lit, comme tous les soirs quasiment.

Elle prit sur son bureau son carnet à dessin, ses crayons, puis s'étala sur ses draps. Alors qu'elle ouvrait son carnet et qu'elle feuilletait les dessins précédents, elle fronça les sourcils comme si quelque chose clochait. Elle se leva, fit le tour de sa chambre en soulevant ses coussins, ses cahiers de cours ou encore ses vêtements, puis dans un long soupir, elle sortit de sa chambre.

- Maman, tu n'aurais pas pris un dessin dans ma chambre? Demanda-t-elle en se penchant au dessus de l'escalier.

Après une réponse négative, elle retourna sur son lit et se mit à dessiner brusquement. Elle ne s'appliquait pas comme à son habitude. Les traits étaient épais, sombres et parfois même en peu grossiers. Pourtant, je n'avais pas besoin de regarder de plus près pour savoir ce qu'elle dessinait. Son dessin fini, elle le jeta à travers la pièce pour en entamer un autre.

Elle dessinait sans s'arrêter, comme si elle était possédée et que rien ne pouvait l'arrêter. Ses cheveux fous lui tombaient sur son visage, mais elle ne semblait pas s'en préoccuper.
Après avoir terminé de remplir une nouvelle feuille d'un noir intense, elle s'allongea en étoile sur son lit et s'endormit instantanément.

Lorsqu'elle se réveilla, elle contempla le sol de sa chambre recouvert d'une multitude de dessins plus ou moins tous identiques. À sa grande surprise, elle s'aperçut qu'il commençait déjà à faire jour.

- Camille!

Sa mère rentra brusquement dans sa chambre.

- Tu dois être en cours dans 15 minutes!

- Et tu ne pouvais pas me réveiller plus tôt, se plaignit Camille de mauvaise humeur.

Sa mère soupira en regardant sa fille s'agiter dans tous les sens.

- Tu t'es couché encore tard? C'est pas raisonnable chérie, lui dit-elle avant de sortir de sa chambre.

Camille s'habilla à toute vitesse puis fit son sac avant de descendre joindre son père dans la cuisine. Il lui tendit un sandwich préparé rapidement pour le chemin, puis elle s'éclipsa de la maison.

Sa matinée de cours passa à toute vitesse, non pas parce que les cours la passionnaient, mais parce qu'elle avait la tête ailleurs.
C'est seulement en arrivant à la cafétéria que Lexie se rendit compte que quelque chose n'allait pas.

- Ça va toi? Lui demanda-t-elle.

Camille se contenta d'acquiescer d'un hochement de tête.

- C'est bon, pas la peine de mentir, je sais que quelque chose ne va pas, insista-t-elle.

- Tu me prendrais pour une folle si je te le disais, répondit Camille toujours réticente à lui dire ce qui la tracassait.

- T'inquiète pas pour ça, je sais déjà que tu es folle. Maintenant dis-moi tout, s'impatienta-t-elle.

- Y a quelques jours, je me suis réveillée et il y avait dans ma chambre un jeune homme qui a disparu à l'instant où je l'ai vu.

Lexie fronça les sourcils puis haussa les épaules.

- C'est pas si grave, t'as du rêver, lui répondit-elle simplement.

- Peut-être, mais après j'aurais juré l'avoir dessiné, et hier soir impossible de retrouver le dessin.

Camille semblait assez perturbée par tous ces faits, ce qui n'était pas du tout le cas de Lexie.

- Tu sais, quand on est fatigué, notre cerveau aime bien nous jouer des tours. Mais si ça t'inquiète tant que ça, tu pourrais aller voir un psy.

- Je t'avais dis que tu me prendrais pour une folle, dit Camille vexée.

- Les psychologues ne sont pas du tout pour les fous, juste pour ceux qui ont besoin d'aide, répondit Lexie en levant les yeux.

- Mademoiselle Camille aurait-elle besoin d'un psy personnel? Demanda Thomas qui vint s'installer à leur table.

Camille se contenta de souffler. Thomas et bon nombre de ses amis s'étaient joints à la table.

- Oh, je vois que la bonne humeur est au rendez-vous à votre table, reprit Thomas.

- Juliette la blondasse te dévore du regard, dit Camille à l'intention de Thomas afin de changer de sujet.

- Tout le monde me dévore du regard, répondit Thomas avec un clin d'oeil aux deux jeunes filles.

- Heu... Non, sûrement pas moi, enchaîna un des amis du jeune homme.

Le reste du repas se poursuivit dans la bonne humeur ainsi que le reste de la journée.

À la fin de cette journée, j'en avais conclu que voler à nouveau ses dessins n'était pas la bonne solution. Si je ne commettais plus d'erreurs, Camille oublierait rapidement mon visage.

Ange GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant