7.

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Un sursaut me ramena à mes esprits. Mais à l'instant où je pris conscience de ce qui se trouvait devant moi, un deuxième sursaut me secoua. J'étais totalement confus. Tout d'abord, j'avais pris forme humaine sans même m'en rendre compte, mais pire que ça, Camille se tenait juste devant moi, me fixant avec des yeux totalement apeurés. Elle tenait un petit coteau suisse entre ses doigts tremblant et restait immobile de panique.

C'était la première fois que je sentais mon coeur battre dans ma poitrine et cela me faisait un effet étrange. J'avais besoin que ça s'arrête, que ça disparaisse ou que ça ralentisse au moins.

- Comment vous êtes rentré? Demanda-t-elle d'une voix fragile.

Voyant que je ne répondais pas et que je restais bloqué face à elle, elle enchaîna en haussant le ton.

- Qui êtes-vous?

Alors qu'on entendait sa mère téléphoner dans le couloir juste devant sa chambre, Camille semblait être prête à crier pour qu'elle lui vienne en aide.

- Ne l'appelle pas! Dis-je d'un seul coup.

Le son de ma propre voix me surpris, je ne l'entendais quasiment jamais. Quant à Camille, elle continuait de me pointer avec son arme.

- Comment êtes vous arrivé ici? Demanda-t-elle encore une fois en haussant le ton.

- J'en sais rien, fût tout ce que je trouvai à dire.

- Maman! S'exclama la jeune fille.

Je me doutais que sa mère allait bientôt arriver, alors je fis ce que je savais faire de mieux: disparaître. Je l'avais fait devant les yeux subjugués de Camille, mais peu m'importait, tout ce que je voulais, c'était me sortir de cette situation compliquée.

Sauf que je prenais conscience petit à petit que je ne pourrais pas m'en sortir. Comment tout cela avait-il pu se produire? Tout cela était arrivé à cause d'un simple contact physique, un rapide toucher, une erreur furtive. Je comprenais désormais pourquoi le contact avec un humain était interdit. Je m'étais forcé à croire au début que ça ne changerait rien, sauf que ça changeait tout.

Malgré ma forme immatérielle, je continuais de percevoir le battement rapide et intense de mon coeur. J'avais peur pour la première fois de mon existence.

Les hommes avaient inventés un langage pourvu de millions de mots dans des milliers de langues différentes. Tous les mots étaient définis dans des dictionnaires plus épais les uns que les autres, cependant, maintenant que je pouvais sentir les émotions, je me rendais bien compte de la tâche que c'était. C'était comme si les mots étaient trop petits pour contenir tous les détails des sentiments, comme s'ils étaient trop plats pour mettre en avant le relief des émotions.

Les mots manquent aux sentiments disait Victor Hugo. La rage, l'amour, la haine, la joie, la tristesse, la déception. Tout ça n'étaient que des mots pourtant je les voyais dorénavant sous un autre angle. Je ne les entendais plus seulement, je les vivais, je les comprenais et comme tout les êtres humains, je ne pouvais les contrôler.

Ange GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant