Ange Gardien

18.

Camille tournait sans arrêt dans son lit, tirant puis soulevant ses draps à la recherche de la bonne position et de la bonne température. Dans un mouvement de dédain et d'agacement elle jeta sa couette hors de son lit et se redressa. Son visage était fermé et semblait furieux.

Elle prit son paquet de feuilles à dessin, s'arma du premier stylo qui lui tombait sous la main et commença à noircir la première feuille. Elle ne se ménageait pas le moins du monde. On aurait dit qu'elle était chronométrée tellement sa main et ses yeux allaient vite, se baladant d'un trait bleu à un autre à la vitesse de l'éclair.

Une fois la première feuille remplie, elle entama la feuille blanche qui suivait. J'avais l'envie surdimensionnée de me pencher au dessus de son épaule afin de regarder de plus près ce qu'elle dessinait, pourtant je me retenais avec le peu de raison qu'il me restait. À peine avait-elle fini la deuxième feuille, qu'elle enchaîna sur la troisième.

J'aurais aimé pouvoir lui dire de respirer, de se calmer et de ralentir mais elle ne m'aurait pas écouter. Elle se leva soudain, ouvrit le tiroir de son bureau et attrapa la pâte à fixer avant d'accrocher au mur ses trois dessins. Ensembles ils reconstituaient un visage. Mon visage.

Je me surpris à pousser un soupir comme elle avait l'habitude de le faire lorsque sa mère lui faisait des reproches.

Elle resta quelques secondes bloquée devant son œuvre, la contemplant avec férocité comme un animal sauvage. Ce regard qui était posé sur mon visage n'exprimant, il me semblait, aucune expression, me glaçait le sang. Puis dans un geste également sauvage, elle jeta son stylo et sa pâte à fixer et chercha autre chose dans son placard.

Munie cette fois d'une bombe de peinture, elle traça huit lettres par dessus mon visage: pourquoi?