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Gravité: force qui attire les objets vers la terre. Je me rappelais avoir vécu quelque chose de similaire à cette définition toutes les fois où j'étais sous forme matérielle. Rien de plus normal.

Cependant, aujourd'hui, je me sentais irrémédiablement attiré par le sol, alors que je n'étais qu'un nuage de vide avec une conscience. J'avais non seulement l'envie de sentir le sol sous mes pieds, mais j'en avais aussi de plus en plus besoin. J'espérais au fil des minutes et des heures que cela passerait, pourtant c'était tout l'inverse.

J'avais également envie d'entendre à nouveau le son de ma voix et la résonance de Ses mots au creux de mes oreilles. Et, comme déjà plusieurs jours, j'avais terriblement envie de toucher sa peau à nouveau.

Camille faisait les cents pas dans sa chambre, les mains plaquées sur son front. Puis, elle se précipita sur son portable.

- Allô Lexie? T'avais raison, je suis complètement folle, dit-elle prestement dans le téléphone.

Je ne pouvais entendre la voix de Lexie qui devait sûrement être paniquée par le ton qu'employait Camille.

- Si, je t'assure! J'ai des hallucinations, continua-t-elle.

Camille semblait se calmer pendant que Lexie lui parlait de longues minutes.

- Non, mais oublie! J'ai juste pas assez dormi cette nuit, dit-elle avant de raccrocher.

Elle posa son portable sur son lit et fixa le siège sur lequel j'étais apparu puis disparu sous ses yeux. La sonnerie de son portable la fit sursauter mais elle ne répondit pas aux appels de son amie.

- Dites moi que je ne suis pas folle, dit-elle à voix haute.

Elle s'allongea sur son lit.

- Dites moi que je ne suis pas folle. Dites moi que je ne suis pas folle, répétait-elle en fixant le plafond. Dites moi que je ne suis pas folle.

- Tu n'es pas folle, dis-je d'une voix calme.

Elle se redressa d'un seul coup. J'étais en face d'elle et je n'arrivais pas à me convaincre de disparaître parce que cette fois mon coeur ne me faisait pas mal, il ne battait pas à tout rompre dans ma poitrine.

- Qui es-tu? Demanda-t-elle les yeux ronds comme des pièces de monnaies.

- Qui? Je n'en sais rien.

- Comment tu fais ça? M'interrogea-t-elle trop paniquée pour relever ma réponse précédente.

- Je ne sais pas non plus, dis-je en m'asseyant doucement à ma place habituelle.

- Qu'est-ce que tu me veux? Demanda-t-elle hésitante.

- Aucun mal, je t'assure.

- Alors pourquoi es-tu ici?

Je ne savais pas quoi lui répondre, puisque moi même, j'avais dû mal à savoir pourquoi j'étais ici.

- J'en avais envie.

Elle s'assit sur le bord de son lit.

- Je suis complètement folle, dit-elle en fermant les yeux et en se pinçant le dessus de la main.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle soupira en me voyant.

- Est-ce que je suis folle? Me demanda-t-elle la voix tremblante.

- Non, je t'ai déjà dit que non.

- Alors pourquoi tu m'apparais comme par magie?

- Parce que je ne suis pas assez prudent.

Camille était perturbée par la situation, mais petit à petit elle semblait mettre sa panique de côté.

- S'il te plaît réponds moi: qui es tu?

- Je te l'ai déjà dis également, je ne suis personne.

Elle était toujours là, tétanisée sur son lit à attendre qu'il se passe quelque chose. Je la regardais pendant que seul le bruit de l'engrenage de sa pendule se faisait entendre.

- Je suppose que si j'appelle ma mère, tu disparaîtras à nouveau, dit-elle sans vraiment attendre de réponse.

Mes yeux étaient bloqués sur les siens, mais je ne parvenais pas à décrypter ce qu'elle pensait de la situation.

- Dois-je avoir peur de toi? Demanda-t-elle naïvement.

- Non, je ne te veux aucun mal, au contraire, dis-je.

Son regard auparavant perdu dans le vide se concentra sur moi.

- C'est à dire "au contraire"?

- Je ne peux pas te le dire.

- Si, je veux savoir!

- Camille, tu es au téléphone? Appela sa mère depuis le couloir.

Pendant qu'elle lui répondait, j'aurais pu m'évaporer en un clin d'oeil, mais je ne fis rien. Pourquoi je ne bougeais pas, pourquoi j'avais envie de lui expliquer qui j'étais? Ah oui, c'est vrai, la compassion. La compassion que je ressentais pour elle était difficilement supportable quand je la voyais me supplier de lui dire qui j'étais.
- Qui es-tu? Répéta-t-elle à nouveau.

- Pourquoi n'appelles-tu pas ta mère? Lui dis-je pour changer de sujet.

- Je ne veux pas que tu partes avant que tu m'ais répondu.

- Je n'ai pas le droit de te le dire.

- Personne ne saura! Je te le promets, supplia-t-elle.

Elle était têtu mais aussi très convaincante, j'avais de plus en plus de mal à lui résister.

- Je suis un ange.

C'était sorti tout seul, pourtant je ne le regrettais presque pas. Bizarrement, un poids s'était enlevé de ma poitrine. Cependant, Camille me fixait de ses yeux bruns grand ouverts et son visages était de marbre.

- Un ange? Comme sur les toiles de Botticelli?

Je me rappelais avoir déjà vu sur les tableaux de célèbres peintres, des petits anges accompagnant les événements religieux.

- Non, plus comme un ange gardien, répondis-je.

Camille aimait le bizarre, et je m'en réjouissait car après ce que je venais de lui dire, elle restait tout de même calme. Je voyais dans ses yeux qu'elle encaissait la nouvelle sans trop de difficulté.

- Tu vas être en retard à ton cours d'art plastique, lui dis-je, brisant ainsi le silence et sa réflexion par la même occasion.

Elle jeta un regard vif vers sa montre, balança son sac à dos sur une épaule, puis dévala les escaliers.

Ange GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant