19.

156 16 2
                                    

Pourquoi?

Ce n'était pas difficile de deviner que ce seul mot m'était destiné. Elle se demandait tout simplement pourquoi je ne répondais pas, pourquoi je n'étais plus là, pourquoi je l'avais abandonnée.

Mais la vérité était que je ne l'avais pas abandonnée. Jamais je ne serais capable de faire une telle chose. Mais j'avais seulement coupé les ponts, pris de la distance, et j'étais retourné à l'essence même de l'existence d'un ange gardien. Enfin ça c'est ce que j'espérais. Je n'étais plus un ange, désormais une infime partie de moi était humaine et j'avais réussi à accepter que c'était irrévocable. Cependant, il fallait que ça s'arrête la, l'épidémie ne devait pas se propager plus.

Mais peut-être que Camille avait besoin de cette explication, peut-être était-il nécessaire de lui expliquer pour qu'elle puisse passer à autre chose et aller de l'avant.

Après tout, elle avait le droit d'avoir ne serait-ce qu'une réponse à ses nombreux appels. Mais la revoir en vrai était impensable, je devais rogner cette solution de ma tête, jamais je ne serais capable de résister à l'envie de l'approcher et de caresser sa joue, jamais je ne serais capable de défier son regard et de lui dire au revoir pour de bon.

Écrire un mot était une bonne idée me semblait-il, jusqu'à ce que je me retrouve bloqué devant une feuille, le stylo en main, ne sachant non pas quoi écrire, mais ne sachant pas écrire tout court. J'avais oublié que je n'avais jamais eu besoin de poser des mots sur papier. Agacé de ne pas y avoir pensé plus tôt, je remis le stylo à sa place et disparu avant qu'elle ne retourne dans sa chambre.

Elle alluma son ordinateur portable et visita les sites internet des écoles d'art qui la faisait rêver. Les stages d'été retenaient son attention pendant plusieurs minutes tandis que le paragraphe sur les matières annexes ne l'intéressait guère.

- Camille vient ranger ton linge propre! S'exclama sa mère au rez de chaussée.

Camille se leva et descendit l'étage en traînant la savate. Une idée bourgeonna dans ma tête alors que je regardais le PC toujours allumé sur le lit.

Je m'approchais de la machine et tentais d'imiter les gestes que les humains avaient tant l'habitude d'effectuer. J'avais réussi à atterrir, par je ne sais quel miracle, sur une page où je pouvais écrire.

"Parce que te faire souffrir est la dernière chose que je souhaite et te protéger en est la première."

J'avais pendant quelques secondes hésité à signer du prénom qu'elle m'avait donné, mais cela était au dessus de mes forces.

Alors qu'elle revenait dans sa chambre et qu'elle se posa lourdement sur son lit, un petit stress commença à s'installer dans ma poitrine. Ses yeux se posèrent sur l'écran, et sa mine s'attrista pendant que ses doigts fins de baladaient sur le clavier. Puis elle laissa non chalemment son ordinateur posé sur les draps avant de descendre à nouveau.

"C'est en m'abandonnant que tu me fais souffrir"

Ces mots me parurent durs et froids comme la pierre. Certes je la faisais souffrir, mais ça allait passer. Elle ne comprenait pas que c'était un mal pour un bien.

"Je continuerais de veiller sur toi, cependant je dois te faire mes adieux."

Mes mots paraissaient peut être égoïstes mais il fallait qu'elle sache que j'allais tout de même rester à ses côtés pour toujours. Elle mit du temps à remonter dans sa chambre mais lorsqu'elle lu ma réponse, elle ferma brusquement l'écran de son ordinateur et arracha les trois dessins de moi accrochés à son mur avant de les laisser s'aplatir dans la corbeille à papier.

J'aurais du me réjouir qu'elle me jette à la poubelle pourtant je ressentais au fond de mon cœur un pincement puissant qui me faisait souffrir. Après tout, il fallait bien que ça soit dur pour moi aussi, je devais l'accompagner dans sa douleur.

Ange GardienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant