J'accusai le coup. Je me laissai tomber sur un siège, sans voix.
— Comment cela ? articulai-je enfin, en levant sur le jeune prince des yeux égarés.
— Cette couronne me revient, décréta-t-il, prêt à défendre sa position. Je la ravirai à mon oncle, l'usurpateur ! Le roi Philippe m'y aidera. À présent, si vous souhaitez toujours rentrer en Bretagne, je ne vous en empêche pas, dame Yanna.
Je le regardai avec surprise. Ma désapprobation se lisait donc tant que ça sur mon visage ? Mais je n'oubliais pas pour quelle raison Constance m'avait envoyée ici. Et aujourd'hui plus que jamais, il allait avoir besoin de moi.
— Je reste, dis-je d'une voix éteinte.
Arthur hocha la tête d'un air satisfait puis sortit retrouver la petite cour qui l'attendait dans le salon attenant. Je me relevai lentement. Ce jeune fou courait au-devant d'un désastre, je le sentais instinctivement. Mais quel moyen de l'en empêcher ?
Et puis, au milieu de la tourmente qui assaillait mon esprit, je me demandai comment une telle résolution, aussi grave, aussi importante, avait pu naître chez un enfant de douze ans... Aussi intelligent qu'il fût, il n'avait pu décider cela tout seul... La réponse sautait aux yeux, et je me mordis les lèvres de ne pas l'avoir vu venir.
Depuis l'arrivée d'Arthur, Philippe Auguste avait entouré le jeune prince d'attention et de sollicitude, attentif à se l'attacher. Cela n'avait que trop bien fonctionné. Je ne m'étais pas rendu compte de la place que prenait le roi, si grand, si vaillant, si courageux, dans le cœur du jeune garçon. La place du père qu'il n'avait jamais connu ? Peut-être. D'ailleurs, Philippe ne l'appelait-il pas « mon neveu » ?
Dès lors, le roi avait eu beau jeu de pousser le jeune duc à revendiquer la couronne anglaise. Un roi d'Angleterre aussi dévoué à sa personne réglerait tous ses problèmes ! Une foi couronné, Arthur lui aurait aussitôt cédé les terres anglaises sur le continent que Philippe s'acharnait à reconquérir...
Je frissonnai. Contre cette influence, j'étais impuissante. Aucune parole de ma part ne pourrait contrer l'emprise du roi français sur son esprit. Mais je tiendrai la promesse faite à notre mère. Il ne me restait plus qu'à le suivre où qu'il aille, à le protéger autant qu'il serait en mon pouvoir. Je me sentis bien faible, bien seule, tout à coup...
***
Pour Philippe Auguste, la mort du roi Richard était un magnifique coup de chance, car l'adversaire qu'il allait maintenant affronter ne ressemblait en rien au défunt. À côté du redoutable guerrier qu'était l'Anglais, son frère Jean faisait plutôt pâle figure. La rumeur sur ses hésitations, son inconstance, en faisait une personne à qui on ne pouvait pas se fier. Pourtant cela n'inquiétait pas trop la Bretagne, qui aurait pu envisager un avenir plus serein...
Mais le drame était que Richard mourait sans fils, laissant ainsi une succession douteuse. Car Geoffroy de Bretagne, père d'Arthur, venait en deuxième position dans la fratrie, entre Richard et Jean ... Et même si Richard avait officiellement désigné Jean comme successeur, beaucoup jugeaient cela insuffisant pour régler la question !
Face à cette décision inattendue mais si grave d'Arthur, je résolus d'écrire aussitôt à notre mère, Constance. J'étais certaine que la duchesse y serait opposée : ayant toujours détesté les Anglais, elle ne pouvait souhaiter que son fils, même en devenant roi, apportât son duché au royaume anglais. Peut-être saurait-elle trouver les mots pour dissuader son fils de son entreprise.
La réponse me parvint quelques jours après l'envoi de ma missive, un soir après le souper. Étienne reçut le messager et se chargea de m'apporter le rouleau cacheté.
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La Dernière chevauchée, Tome 2
Historical FictionUne fois débarrassés de dame Blanche, Yanna et ses compagnons d'aventure doivent maintenant mettre leur jeune duc Arthur en sécurité. Mais le fils de dame Blanche, Bertrand de Menezher, court toujours et n'a pas perdu espoir de découvrir la coupe lé...