Chapitre 13

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— Yanna, mon Dieu ! Merci Seigneur !

Dame Berthe courut presque à ma rencontre, les bras levés au ciel. Je ne l'avais jamais vue dans une telle émotion et cela m'inquiéta tout d'abord.

— Grâce au Ciel, vous êtes saine et sauve ! reprit la dame quand elle m'eut serrée dans ses bras. Vos amis sont arrivés dans la nuit et nous ont raconté ce qui s'était passé. Mon Dieu quelle histoire !

— Claudine et Étienne sont rentrés ? demandai-je avec soulagement.

— Oui, oui, mais venez vite, on vous attend !

Aubin et moi suivîmes dame Berthe, qui n'en finissait pas de remercier le Ciel. Elle nous conduisit jusqu'aux appartements de Constance, où la duchesse nous attendait. Dans le salon privé, nous retrouvâmes aussi avec joie, en plus de Claudine et Étienne, les deux valets de Thomas, Eudes et Bernard, ainsi que Thomas lui-même. Étienne avait passé un bras autour des épaules de sa fille et paraissait soucieux. Mais son visage s'éclaira à notre entrée.

— Yanna, quel soulagement ! s'exclama Constance en me voyant. Prenez place, vite. Vos amis nous ont raconté votre expédition, mais dites-nous ce qui vous est arrivé après votre séparation !

Nous prîmes prirent place dans les sièges qui nous étaient désignés, puis je racontai succinctement notre cavalcade. Tandis que je parlais, les traits tirés de la duchesse me serrèrent le cœur une fois de plus. Constance paraissait si fatiguée, si lasse... même si la joie de revoir sa fille en bonne santé illuminait pour l'instant son visage.

J'appris ensuite qu'Eudes et Bernard avaient réussi à se débarrasser du corps de Balard en le jetant dans une rivière, puis qu'ils étaient rentrés sans encombre. Seuls Étienne et Claudine avaient été également poursuivis par les gardes, qu'ils avaient réussi à semer dans une forêt. Eudes et Bernard reçurent leur part d'éloges venant de la duchesse, mais ils refusèrent toute promotion avantageuse. Ils préféraient rester au service de Thomas, service qui avait d'ailleurs pris depuis longtemps des airs de camaraderie.

La duchesse déplora seulement que l'officier de Bertrand n'eût pas été jugé légalement. Mais après tout, il aurait été condamné à mort. Nous lui avions seulement évité de passer par la torture. Peut-être aurait-il eu des révélations à faire...

Pour récompenser Claudine de son courage autant que pour l'aider à se remettre de sa douleur réveillée, Constance la nomma également gouvernante de son enfant à venir, en plus d'Alix. Elle serait aidée dans sa tâche par deux autres dames plus expérimentées, mais qui resteraient sous ses ordres. J'en fus heureuse pour elle. Cependant, en repensant au meurtre commis par mon amie, je songeai que moi-même n'aurais sans doute pas eu le cœur à égorger ainsi un homme à terre. J'aurais pu le tuer dans un duel, mais pas ainsi, pas alors qu'il demandait pitié... Même pour mon pire ennemi, je n'aurais pas pu. Claudine n'avait simplement pas les mêmes états d'âme.

Quand nous sortîmes des appartements ducaux bien plus tard, Étienne se tourna vers Aubin :

— Je repasse par ma chambre pour me changer, avant que nous descendions déjeuner. Tu viens ?

— J'arrive. Mais peut-être... que je devrais emporter mes affaires dans la tienne ? demanda le jeune homme en m'interrogeant du regard.

Étienne haussa les sourcils... avant de sourire. Une forte rougeur envahit mes joues, tandis que Claudine éclatait de rire.

— Tu devras malgré tout fréquenter la tienne pour sauvegarder les apparences, remarqua le valet. Les bonnes gens sont très à cheval sur le respect des mœurs !

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant