Chapitre 28

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— Dame Yanna a surpris vos propos, tenus dans votre propre château.

— C'est une accusation des plus graves..., avertit le sire de Thouars en fronçant les sourcils. Mais une fois le duc mort, comment aurait-il fait ? Bien d'autres barons plus puissants auraient pu y prétendre !

— Apparemment, messire Bertrand comptait sur son zèle au service de l'Anglais pour que ce dernier lui attribuât la couronne. Cela se serait fait par le biais d'un mariage avec dame Aliénor, sœur aînée de messire Arthur et qui est, comme vous le savez, aux mains des Anglais depuis son enfance.

— C'est faux !! protesta Bertrand. Vous préférez croire une bâtarde !?

— Une bâtarde qui a déjà amplement prouvé sa fidélité à notre duc, coupa le sire de Thouars, à ma surprise. Nous ne pouvons en dire autant de vous.

— J'ajoute que j'ai toute confiance en dame Yanna, dit Vitré.

— Certes. Il y a donc trahison. Y a-t-il eu des tentatives pour exécuter ces damnables projets ?

— Oui. Mais respectons, si vous le permettez, la chronologie des événements. Avant cela, messire Bertrand a participé à l'enlèvement de notre duchesse Constance, sur l'ordre du roi Richard, qui l'avait attirée en Normandie par une fausse convocation.

— Nous nous souvenons de cela.

— Apparemment, messire Bertrand a toujours été proche desdifférents rois d'Angleterre. Il s'est d'abord insinué dans les bonnes grâcesd'Henri II, puis à sa mort dans celles de Richard Ier, dit Cœur deLion. Pendant que celui-ci était retenu prisonnier à son retour de croisade, messire Bertrand est devenu l'un des proches du félon prince Jean. Il n'a jamais cessé de le servir jusqu'à ce jour.

— Et ces tentatives de meurtre ?

— Voici la principale connue. Peu de jours après la décision de messire Arthur de revendiquer le trône d'Angleterre, notre duc, se doutant de quelque traîtrise, fit dormir son valet dans son lit. Or au matin il retrouva celui-ci mort, empoisonné.

Comme Vitré marquait une pause, le sire de Thouars demanda :

— Quelles preuves avez-vous que le sire de Menezher soit coupable ?

— Ici, il nous faut à nouveau croire dame Yanna sur parole, ce que je fais. Elle affirme que les symptômes découverts sur le corps du malheureux valet sont les mêmes que ceux retrouvés sur son père à elle, empoisonné de la même sorte.

Un autre silence suivit. Personne ne savait réellement qui était cette dame Yanna, d'où elle venait. Une certaine émotion traversa l'assemblée des chevaliers, tous nobles seigneurs, en apprenant que le père de cette dame avait été assassiné – meurtre d'autant plus ignoble qu'il était causé par du poison. Tous se retournèrent vers moi, tandis que je gardais un visage de marbre. Aubin, qui ignorait également tout ce qui concernait mon père, posa sur moi de grands yeux ébahis.

— Messire Bertrand et sa mère souhaitaient alors être les seuls héritiers de Menezher, continua André. Ils y ont d'ailleurs réussi, et c'est pourquoi dame Yanna a été accueillie par notre regrettée duchesse Constance, qui lui avait promis sa protection. Protection que messire de Thouars a eu la bonté de continuer, ajouta-t-il en s'inclinant.

— Bien, bien, et ensuite ? enchaîna le sire, peu à l'aise.

— Sachant que les poisons qui avaient manqué notre prince de peu venaient de Menezher, dame Yanna s'y est rendue avec ses compagnons et les a détruits. Mais messire Bertrand, qui était présent, a tué dans cette affaire un ami cher à son cœur... Un désir de vengeance réciproque les anime depuis...

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant