Chapitre 6

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Les quelques voyageurs et l'aubergiste avaient depuis longtemps vidé les lieux, et les tables étaient assez loin de l'entrée pour laisser un espace suffisant au combat.

La lutte fut tout de suite acharnée, brutale, chargée de haine et de vengeance. Mes compagnons avaient à cœur de venger leur ami et redoublaient de hargne. Aubin se retrouva à un contre deux. Le jeune braconnier se défendait comme un loup, son poignard volant à la vitesse d'un éclair, frappant avec précision avant que ses adversaires ne le vissent venir. Lui-même évitait leurs épées avec agilité, se courbant et bondissant sans cesse d'un côté à l'autre.

Nous étions tous animés par ce courage et cette adresse décuplés par le désir de vengeance. Étienne étendit rapidement son homme à terre, et accourut au secours d'Odet. Celui-ci n'en avait pourtant guère besoin, harcelant son adversaire de coups peu profonds mais nombreux. Le garde était en rage contre ce moustique qui le menait à sa guise, mais quand Étienne les rejoignit, le poignard encore sanglant, cinq secondes suffirent pour sceller son sort.

Pendant ce temps, Claudine était elle aussi aux prises avec un assaillant et le tenait vaillamment à distance avec son couteau. Elle n'avait pourtant aucune expérience des combats, et l'homme avait pensé s'en emparer facilement. Mais, comme pour ses compagnons, la douleur et la colère mélangées lui donnaient des ailes et suppléaient à son manque d'expérience. Quand l'homme avait écarté son couteau pour l'attraper par les bras, elle lui avait envoyé son pied dans le tibia, arrachant à son adversaire un cri de douleur. Puis, lui assénant une gifle bien sentie, elle l'avait fait reculer de quelques pas. Mais momentanément, car l'autre, encore plus furieux, s'était à nouveau précipité sur elle. Elle peinait à le tenir à distance quand Odet vola à son secours. Le jeune homme attrapa le soldat par derrière et lui planta rageusement son poignard dans le dos. La jeune femme, en nage, lui adressa un regard de remerciement.

Elle préféra s'écarter des combats et se laissa tomber sur une chaise, tandis qu'Étienne bondissait sur le garde chargé du poison. Ce dernier recula en levant ses mains devant lui, apeuré, et trébucha. La valet se jeta sur la sacoche en bandoulière qui contenait certainement les poisons et la lui arracha. Alors qu'il en vérifiait rapidement le contenu, le garde prit ses jambes à son cou sans demander son reste.

Étienne haussa les épaules, plutôt satisfait de constater qu'il ne s'était pas trompé : la sacoche contenait un petit pot semblable à ceux qu'ils avaient trouvés dans la chambre de Blanche. Tranquillisé sur ce point, il la posa de côté et se lança au secours d'Aubin, tandis qu'Odet faisait de même pour moi, aux prises avec l'officier en personne.

Ce duel-là était sans doute le plus acharné. Une haine mutuelle, féroce, nous opposait. Nous n'avions rien oublié de notre précédente rencontre, quand il avait tenté de me violer, mais je lui avais alors envoyé mon genou dans l'entre-jambe et... et Loeiz avait été là pour me sauver... Des larmes de rages apparurent dans mes yeux, je me battis avec une ardeur que je n'avais encore jamais eue.

L'officier le ressentait mais n'en avait cure, étant lui-même animé d'une rage semblable. Car la colère de son maître s'était retournée contre lui. Il l'avait traité de tous les noms et l'avait menacé de mort s'il ne réussissait pas à me ramener, vive de préférence. Mais ce serait morte. L'homme prétendrait simplement ne pas avoir eu le choix.

Il me lançait des coups rapides et précis, que j'avais bien du mal, malgré ma colère, à parer. L'officier était bien plus expérimenté et cela se sentait. Je commençai à reculer, les dents serrées. Les coups s'enchaînaient, volaient en tous sens, sans qu'aucun de nous ne semblât s'essouffler.

Je parais un nouveau coup, quand je butai en reculant contre un corps étendu, et tombai en arrière. Mon adversaire afficha un sourire de triomphe et leva son épée pour m'achever. Je ne le laissai pas achever son geste. Je me ramassai sur moi-même et bondis brusquement, lui agrippai le col et l'entraînai dans ma chute en arrière. Je me retrouvai momentanément avec un genou sur son ventre. Mais la seconde que je pris pour reprendre mon souffle me coûta cher. De rage, il m'envoya un coup de poing au visage qui me rejeta en arrière. Un second m'étendit à nouveau au sol. Cette fois, étourdie par les coups, je ne fus pas assez rapide et me retrouvai avec l'épée pointée sur moi avant d'avoir pu réagir.

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant