Chapitre 11

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Au lieu de reculer, Claudine s'écarta vivement sur le côté, en profitant pour lui porter un coup rapide. Mais l'officier, avec une vivacité qui ne présageait rien de bon, le para facilement. Il lui porta un autre coup, puis un autre. En se mordant les lèvres, la jeune femme n'eut d'autre choix que de reculer. La haine de son regard laissait de marbre son ennemi, qui en avait vu d'autres.

Claudine, qui brûlait de lui régler son compte, enrageait de devoir reculer devant ses coups incisifs. Elle tenta de les lui rendre, mais l'homme les parait avec une aisance inquiétante. Claudine ne voulait en aucun cas reconnaître sa faiblesse, et, serrant les dents, elle planta ses pieds au sol et intensifia ses attaques. Malgré cela, son couteau était toujours paré, et l'épée de son ennemi manquait de peu de l'embrocher.

Je regrettais de plus en plus mon imprudente proposition. J'avais pensé l'affronter, moi, et non Claudine. Ma propre épée était levée, prête à intervenir. Mais aussi vite que je fisse, je ne pourrais empêcher l'arme de Balard de traverser mon amie. J'étais à deux doigts de m'interposer. Étienne et Aubin avaient également les yeux rivés sur les combattants, la gorge sèche.

Claudine ne put s'empêcher de reculer à nouveau. Elle heurta les murs à plusieurs reprises, réussissant chaque fois à s'échapper sur les côtés. L'évidence lui broyait le cœur : elle n'était pas de taille contre lui et allait se faire tailler en pièce. Des larmes de rage lui vinrent aux yeux. Au moins rejoindrait-elle Odet. Oui, mais elle ne pourrait pas le venger ! Sans doute le ferions-nous pour elle, mais elle ne serait plus là pour le voir. Oh non, il n'allait pas lui échapper !! Serrant les poings de rage, elle balança brusquement son couteau à terre et sauta littéralement au cou de son ennemi !

La fureur de son regard surprit Balard, qui bascula en arrière sous son élan. Il parvint cependant à retrouver son équilibre, mais la jeune femme l'avait agrippé au col et lui envoya un premier coup de poing au visage, vif et brutal, de toute la force de sa haine. Pour se défendre, il dut lâcher son épée à son tour, puis l'attrapa par le col de sa robe.

Effrayée, je voulus intervenir, mais Étienne me retint par le bras. Il me fit comprendre par un regard que sa fille avait plus de chance de s'en sortir dans un corps-à-corps. Je restai donc à ma place, portant sur les combattants un regard empli d'angoisse. D'où ils étaient, Eudes et Bernard essayaient eux aussi de suivre le combat, négligeant du même coup la surveillance du couloir.

Après son premier coup de poing, qui lui laissa la main en feu, Claudine envoya son genou dans le ventre de Balard, mais pour prendre presque aussitôt son gros poing velu en pleine face. Un peu étourdie, elle ne se laissa pas démonter pour autant et agrippa derechef son ennemi au col. Celui-ci lui envoya une gifle magistrale qu'elle réussit à éviter en partie, suffisamment pour lui envoyer en retour un rapide coup de pied dans les tibias.

L'assassin recula brusquement, mais la jeune femme ne le laissa pas s'éloigner ! Elle se sentait à égalité sur ce terrain-là. Son agilité et sa vivacité compensaient la force brute de son ennemi. Les yeux brouillés de larmes par la haine qui la rongeait, elle envoya une formidable gifle à son ennemi, avec l'option griffe en plus. Balard tituba sous le coup, la joue barrée de trois traces sanglantes. Enragé à son tour, il se jeta sur cette femmelette, furieux de l'avoir sous-estimée. Bondissant sur elle comme un diable, il lui emprisonna les poignets dans sa poigne féroce, lorsqu'un violent coup de pied dans le tibia, suivi d'un autre dans l'entre-jambe, le plièrent soudain en deux.

Claudine ne lui laissa pas le temps de reprendre son souffle. L'agrippant de nouveau par sa chemise pleine de sueur, elle le jeta par terre de toutes ses forces. La douleur se mêlait à sa haine, la douleur d'avoir perdu un être cher. Elle ne l'avait jamais dit à personne, pas même à moi pour ne pas susciter ma pitié, mais elle et Odet avaient prévu de se marier. De tous les hommes qu'elle avait connus, il était le seul qu'elle ait aimé assez passionnément pour souhaiter lier sa vie à la sienne. Et puis cet homme l'avait tué, froidement, avant de s'enfuir comme un lâche ! Ses rêves s'étaient brisés, mais ce n'était rien à côté de son amour perdu.

La Dernière chevauchée, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant